Qui es-tu Alaska ?
6.9
Qui es-tu Alaska ?

livre de John Green (2005)

" Brillante étoile, que n’ai-je ta constance! ", J. Keats.

Cette citation n'est absolument pas la transcription des dernières paroles de ce magnifique poète qu'est John Keats, mais illustre joliment cette sensation que j'ai ressenti après la lecture de Qui es-tu Alaska?. Mais avant même de continuer, je tiens à dire que cette lecture pleine d'amour et d'admiration contient massivement des SPOILERS, car il me semble difficile de parler de cette oeuvre grandiose sans rien en dévoiler!


John Green m'a tout bonnement scotché. Je vais me trouver bien emmerdé pour ce qui est de lui rendre justice, mais le meilleur conseil reste encore et toujours le même: lisez, et vous comprendrez.
Commençons par l'histoire, cette histoire d'environ quatre cents pages sévèrement dichotomisée. Chaque chapitre s'égrenne selon un décompte fatal impossible à arrêter qui, il faut l'avouer, gardera peu de mystère pour le lecteur ayant toutes ses capacités mentales. C'est l'histoire d'une renaissance: celle d'un garçon, le Gros, qui quitte sa vie pas vraiment malheureuse, mais un peu fade et insignifiante pour un internat symbolisant l'Aventure, le Grand Peut-Être. Un internat où, naturellement, l'amitié et l'amour seront au rendez-vous (comme bien d'autres premières fois). L'occasion pour John Green de déployer un talent prodigieux à créer des personnages attachant et hauts-en-couleurs. Le Gros est un narrateur très agréable, de moins en moins passif et de plus en plus vif; mais c'est véritablement avec ses amis que Green élève son bouquin. Takumi et Lara parviennent par petites touches, à se faire connaître, mais c'est sans compter sur le Colonel. Personnage flamboyant, une étoile filante sous nitroglycérine que ce fameux "Colonel". Il emportera avec lui le Gros sur un chemin palpitant de découvertes, d'interdits, mais aussi et évidemment, d'extase et d'euphorie. Tout est extrêmement bien écrit, avec une évolution de la relation qui parait furieusement réelle! Bref, super.
Et on arrive inévitablement à Alaska Young, personnage-phare du roman, cet "ouragan" décrit par l'auteur. Je suis tombé amoureux d'Alaska, comme le Gros. C'est difficile d'y échapper, tant l'auteur dresse un portrait touchant et sincère de ce personnage qui nous apparait si flou, volontairement. C'est la quête de ce grand peut-être que de découvrir qui est vraiment Alaska Young, et ce n'est pas sa mort qui va changer cela. Justement, après cet évènement d'une intensité rare, tout cela devient vital. Sublime, inattendue, capricieuse, poétique, caricaturale et si fragile, Alaska c'est un énorme nuage de sensations et d'intimité. Elle est cette étoile dont on tente de trouver la constance, encore et encore, sans y parvenir. Ce corps adorable, ce condensé de souffrance. Cette fille qui adule la bibliothèque de sa vie, qui enterre ses bouteilles dans le sol. Alaska.
Sa mort est carrément insoutenable et il sera aussi difficile au lecteur qu'au Gros de passer le cap. Mais *Qui es-tu Alaska?* n'est pas, je crois, un livre qui épargne son lecteur. Il se contente de décrire la vie telle qu'elle pour tout un chacun c'est-à-dire: remplie de merveilles et de certaines atrocités. Ce labyrinthe de souffrance dont tous les personnages tentent de trouver un échappatoire. Celui d'Alaska était funeste.
Abordons maintenant certains points que de nombreux critiques sur le net ont relevés et qui les ont apparemment chagrinés, ce qui ne fut pas spécialement mon cas. Beaucoup de remarques gravitaient autour de l'atmosphère instillée par le roman, cette ambiance d'internat en Alabama. Alors j'avoue ne pas percevoir cela, puisque ce fut pour moi un délice. Vraiment, je le souligne, ce microcosme rythmé par Green qui est cohérent et grandiose. Je m'y suis tout de suite senti chez moi, et il ne manquait plus que moi à la "Soirée Grange"! Le deuxième point concerne la superficialité d'Alaska: dans une faible mesure, Alaska est superficielle, et cela fait partie de ce bordel de complexité qu'incarne le personnage. Mais après, il ne faut pas pousser le bouchon trop loin et aller dans la surenchère: j'ai vu que la phrase "Je fume pour mourir" avait été reprise pour être moquée et qualifiée de ridicue. Je signale que le Colonel-même, dans la deuxième partie du bouquin, souligne le fait qu'elle plaisantait certainement, et même si ce n'était pas le cas, l'effet recherché avec cette phrase est largement présent (désarçonner le lecteur avec cette soudaine violence du propos). Beaucoup crient au scandale avec la fin du livre, qui ne livre "pas de réponses". C'est cruel de constater cela, puisque les réponses, il y en a moult, et que le Gros est pardonné. Les dernières pages sont sublimes et aboutissent à la mue finale des personnages. Tout devient clair et cohérent, et il me parait absurde de vouloir éclairer certains points, comme qui était Alaska. C'est ce flou qui rend la chose somptueuse, c'est le fait de ne pas savoir. C'est un apprentissage de passer par toute cette deuxième partie du livre. On en ressort grandi.
Le seul véritable point que je pourrais reprocher au bouquin, c'est son caractère un peu prévisible. On devine très vite qu'Alaska va mourir (mais ceci, c'est pardonnable, c'est en plein milieu de l'intrigue) et certains éléments de la deuxième partie sont un peu faciles (l'histoire de l'enquête qui aboutit sur la mort de sa mère à la fin, on avait deviné aussi). Mais très honnêtement, on s'en fout. Ce serait enculer les mouches que de prendre en compte ceci.
Tout comme de revenir sur ce public de "young adult" ou je ne sais quoi. Cessons d'être ridicule: un bon livre est un bon livre. Point final.
Une chose est certaine: *Qui es-tu Alaska?* m'a bouleversé et fait vivre de superbes moments, dignes de la vie elle-même. Je pense avoir lu ce livre au moment parfait. Ce fut une bénédiction, et je ne sais pas vraiment qui remercier pour ceci, mis à part John Green, évidemment. Vous le "recommander" me parait un peu vain, tant j'espère vous avoir convaincu que cette lecture est indispensable.

NB: Je me suis rendu compte que tout du long, j'ai imaginé Alaska blonde platine. Etrange.

Wazlib
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le 22 juil. 2015

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Wazlib

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