Jane Howard est une jeune femme particulièrement brillante. Titulaire d'un doctorat de littérature obtenu dans la prestigieuse université de Harvard, elle est aussi une auteure publiée. Après avoir été contrainte d'abandonner un emploi très lucratif dans la haute finance, elle devient enseignante dans une fac de Boston. Jane a une volonté taillée dans un bloc de granit et est une bosseuse impénitente. Ce qui lui a sans doute permis de s'extraire de son milieu social défavorisé : un père sans cesse absent, peu concerné par sa famille et escroc à plein temps ; une mère indifférente, qui ne l'aime pas et qui l'accuse d'être la cause du départ de son père à la suite d'une petite phrase lancée le jour de son treizième anniversaire. Ambiance peu chaleureuse qui la marque de façon indélébile et qui pèsera sur elle au quotidien dans sa vie d'adulte.
Cette vie d'adulte qui ne l'épargne pas davantage que sa vie d'adolescente : une détermination sans faille qui lui vaut souvent l'incompréhension et la méfiance de son entourage, un père resurgi de nulle part et qui, une fois encore, lui rendit la vie difficile, un compagnon douteux. Jusqu'au drame indicible qui fut bien prêt de la terrasser. Et la lente reconstruction d'elle-même, retour de l'enfer absolu vers une vie brisée mais supportable.
Une destinée imbuvable que celle de Jane. Douglas Kennedy s'est particulièrement acharné sur son héroïne. Quelle cruauté envers sa création. Comme Dieu envers Job frappé de toute part pour soumettre sa foi. Comme Job, Jane plie mais ne rompt pas. Et c'est évidemment tout à son honneur. Mais on pourrait aisément accuser l'auteur d'avoir un peu forcé le trait. Que lui a-t-il pris de se montrer aussi dur ? Je l'imagine, seul à sa table de travail, se frottant les mains, arborant un petit rictus sadique : l'image qui me vient, c'est celle de Gargamel venant d'imaginer un bon tour à jouer à ses ennemis les Schtroumpfs. Et pan : sur la tête ! Pauvre Jane. J'ai souffert à ses côtés : on fait entièrement corps avec le personnage martyrisé. L'écriture de Douglas Kennedy est alerte, vive, même si je ne lui ai rien trouvé de particulièrement originale. Un livre qui se lit bien et vite. Et même s'il ne brille pas selon moi par un style particulier, le livre accapare aisément son lecteur.
Mais la fin et ce simulacre d'enquête policière qui arrive comme un cheveu sur la soupe m'a déçu. Jane, recroquevillée au fond de son trou noir au comble du désespoir, se passionne soudainement pour un fait divers sordide. Et bien entendu, elle se révèle la seule à voir clair dans cette histoire d'enlèvement d'enfant. C'est d'ailleurs elle qui résout l'affaire en deux coups de cuiller à pot et au nez et à la barbe des autorités. Le « vengeur masqué » ironise l'auteur. Autodérision ?
En résumé, un livre prenant et qui se lit avec plaisir. Un bon bouquin pour les vacances sur la plage. Mais sans plus.
BibliOrnitho
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le 20 juin 2012

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