Comment éviter les chagrins d’amour : un guide par la raisonnable (mais non dépourvue de Sentiments) Elinor Dashwood, représentante de la prudence et de la modération. Et au final, ces conseils sont valables dans beaucoup de cas, pour éviter les chagrins en général. Évidemment, un modèle qui fait tout bien, ce n’est pas évident de voir ce qu’il nous apprend et ce que ça nous permet d’éviter, alors heureusement que Marianne est là pour montrer le mauvais exemple, celui à ne pas suivre.



  • Ne pas foncer tête baissée, se nourrir de faux espoirs, considérer les choses comme acquises avant d’avoir pu acquérir une quelconque certitude, prendre ses rêves pour des réalités. Elinor entrevoit une possibilité avec Edward, développe des sentiments pour lui, ne voit aucune raison de penser qu’il ne pourrais pas partager ses sentiments,... Pourtant, elle garde une certaine distance, garde toujours à l’esprit qu’elle ne sait pas, elle ne sait pas ce qu’il ressent, ce qu’il va se passer. Bien sûr qu’elle éprouve des sentiments, mais elle ne peux pas se permettre de les laisser gouverner sa vie, de faire dépendre de lui tout son bonheur futur,...



Vous l’estimez ? Il vous plaît ? Vous êtes sans cœur, Elinor. […]
Excusez-moi, dit-elle, et tenez-vous pour sûre que je ne songe pas à vous offenser en m’exprimant aussi tranquillement sur mes propres sentiments. Croyez qu’ils sont plus profonds que je ne l’ai dit. Bref, imaginez qu’ils sont égaux à son mérite, et qu’on peut soupçonner, espérer même la réciprocité de son côté sans imprudence ni folie. Mais il ne faut pas aller plus loin. Rien ne m’assure de sa préférence. Il y a des moments où j’en puis douter, et, jusqu’à ce qu’il se soit pleinement déclaré, il n’y a pas à s’étonner de me voir résister à mon impulsion et refuser d’en croire ou d’en dire plus que ce qui est.




  • Quand le malheur survient, quand tout espoir est anéanti, ne pas se complaire dans sa souffrance. Parce quoi oui, on souffre quand même, bien sûr que cette possibilité, cet espoir, étaient d’une importance considérable. Bien sûr que c’est dur d’entrevoir une autre possibilité de bonheur, même si on sait qu’elle existe. Elinor ne dit rien, ne partage rien, et on pense qu’elle ne souffre pas, qu’elle est complètement insensible. Vraiment Marianne ? Tu te rends compte qu’Elinor et toi, vous êtes exactement dans la même situation ? Oui tu es beaucoup plus malheureuse qu’elle, mais pourquoi ? A cause de toi ! tu t’es mise toute seule dans ce pétrin. En y croyant trop trop tôt, puis en pleurant trop trop trop et te répétant inlassablement que tu souffres et seras malheureuse éternellement. Parce que tu es excessive, que quelque part ça te plait de souffrir, ça te donne l’impression d’être une héroïne de Roman. Que tu veux te faire plaindre. Que pas un instant tu ne te demandes ce que toi tu pourrais faire pour mieux vivre cette situation, pour te reprendre en main, pour avancer sur la voie du bonheur.



Elinor : Si vous pouvez me croire capable de souffrir jamais, vous devez admettre que j’ai souffert alors. Le calme avec lequel je suis arrivée à envisager maintenant la chose, la résolution que j’ai prise de m’en consoler, ont été le résultat d’un effort constant et pénible. Cela ne s’est pas fait tout seul ; cela ne s’est pas fait tout seul au début, non, Marianne.



Marianne : J’ai considéré le passé ; je n’ai vu dans ma conduite, depuis le début de nos relations avec lui, l’automne dernier, qu’une série d’imprudences envers moi-même, et un manque d’égards pour les autres. J’ai vu que j’avais moi-même été cause de mes maux et que mon manque de courage pour les supporter m’avait presque conduite au tombeau.




  • Avoir une vision de l’amour moins excessive. Ne pas s’enticher de n’importe qui, trop vite. Sérieusement, Elinor et Edward c’est quelque chose d’exceptionnel, d’exceptionnellement simple, trop pour figurer dans un Roman. Et pourtant si beau dans sa simplicité. Ils apprennent à se connaître, s’entendent bien, partagent la même vision du bonheur (point essentiel), ont de l’estime l’un pour l’autre, s’apprécient. C’est juste tellement évident qu’ils seraient si heureux ensembles ! Si il n’y avait pas cette fichue Lucie, ça serait l’histoire d’amour la plus simple et dépourvue de péripéties du monde. Et pourtant elle semble infiniment souhaitable. Sauf bien sûr si on s’appelle Marianne Dashwood, et qu’on croit que le seul amour possible est la passion. Quelque chose de soudain, de fort, d’exalté,… Il-y-a quelque part là dedans beaucoup trop de spontanéité. Le genre de spontanéité qui te fait foncer tête baissée dans une histoire avant même de connaître vraiment la personne, le genre de spontanéité qui te fait te laisser piéger par des Willoughby. Le genre de spontanéité qui fera aussi que lorsque tu rencontreras un obstacle et que la relation ne correspondra plus à ta vision idéale de l'amour, tu abandonneras. Excessif, extrême, binaire. Vraiment, ça ne peut conduire qu'à l'échec.


Alors Raison ou Sentiments ? Raison, indiscutablement. Non je plaisantes, ça serait beaucoup trop simple. La raison seule est immorale et insincère, du moins en amour. Moi je pense qu’il faut que la raison et les sentiments soient en accord. Probablement que ça commence avant tout par avoir une vision de l’amour raisonnable, ensuite les sentiments ne peuvent que se développer en ce sens (j’y crois fermement). Et je pense au final que ma position dans le débat Raison ou Sentiments est assez bien résumée dans cette citation de Mme du Châtelet dans Discours sur le Bonheur :



Il faut tacher de connaître le caractère de la personne à qui on s’attache, avant de céder à son goût ; il faut que la raison soit reçue dans le conseil, non cette raison qui condamne toute espèce d’engagement comme contraire au bonheur, mais celle qui, en convenant qu’on ne peut être fort heureux sans aimer, veut qu’on n’aime que pour son bonheur, et qu’on surmonte un goût dans lequel on voit évidemment qu’on n’essuierait que des malheurs.


Miss-Naïs
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le 12 juin 2015

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