Tuer des vieux à la kalachnikov sur le parvis de Notre-Dame, c'est un plaisir que beaucoup d'entre vous, mes biens chers camarades jeunes, envisagent dans leurs rêveries les plus enthousiastes.

Je place bien sûr le curseur du "vieux" là où Maïa Mazaurette le met, c'est-à-dire à l'âge de 25 ans. Eh oui, vieux branleur qui me lit, le trentenaire que les quadras jalousent et que les jeunes haïssent trouve enfin sa juste place dans ce livre visionnaire : face au canon d'un fusil.

Rien ne nous survivra raconte donc la révolte des jeunes contre les vieux, et leur retranchement subséquent dans Paris dévasté. On assiste alors à une espèce de partie géante de touché-coulé entre deux snipers.

L'intelligence du bouquin réside principalement dans le postulat de départ : tous les personnages sans exception sont au minimum cinglés et voués à une mort à peu près certaine - il y a même un compte à rebours.
À ce titre on excusera donc plus ou moins consciemment à peu près tout à ces chères têtes blondes : leurs actions les plus débiles, leurs discours les plus grandiloquents. L'intérêt de l'histoire réside au début dans l'ironie acide permanente, le décalage des situations ; mais finalement, à force de se prendre au jeu, on finira par s'intéresser au sort de nos deux pauvres tarés, lorsque l'histoire bascule encore plus dans le sordide baroque.

Quelques critiques de ce qu'on appellera par charité la "société de consommation" émaillent le texte ; elles sont bien écrites et plutôt plus fines que, mettons, le premier Fight Club venu. Mais de même que dans ce roman-là, je ne suis pas convaincu de leur utilité autre qu'une contribution à l'atmosphère de ce roman-ci.

Le tout est gentiment dérangeant, dégage une énergie extraordinaire, et décrit des combats de guérilla dans Paris.
Je ne vois pas ce qu'il vous faudrait de plus.
ElGato
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le 24 avr. 2012

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