En 2057, les historiens de l’Université d’Oxford voyagent dans le temps. Mais après qu’on ait constaté l’impossibilité de ramener des objets du passé, les investisseurs se sont désintéressés d’une activité peu rentable. Le Département d’Histoire est donc bien obligé d’accepter le financement de l’excentrique Lady Schrapnell. Celle-ci exige une reconstruction exacte de l’ancienne cathédrale de Coventry, détruite par un raid aérien en 1940. Plusieurs historiens effectuent de nombreux voyages dans le passé pour mener à bien cette tâche, quand l’une d’entre elle en ramène une chatte pour la sauver d’une mort certaine par noyade, dans un transfert d’époques que tous les techniciens pensaient impossible. Ned Henry est alors envoyé en 1888 pour y ramener l’animal et rétablir le bon fonctionnement du continuum. Le problème est que celui-ci commence à réagir de manière curieuse, ouvrant des portes temporelles là où elles devraient rester fermées, en condamnant d’autres, et créant des décalages spatio-temporels de plus en plus incompréhensibles. Ned et Verity vont devoir mener l’enquête pour comprendre ces perturbations et tâcher d’y remédier au plus vite pour pouvoir rentrer en 2057 sans provoquer la destruction de l’Univers…


Sans parler du chien est à la fois un roman de SF, un roman comique et un roman policier. Connie Willis s’amuse beaucoup à rendre hommage aux oeuvres de l’Angleterre victorienne du XIXe siècle. Ainsi, l’introduction passée, le premier tiers du roman est une référence directe au célèbre roman comique de Jerome K. Jerome Trois hommes dans un bateau (publié en 1889) dont le titre exact est d’ailleurs Trois homme dans un bateau (sans parler du chien). Ensuite, nous embarquons dans une enquête à la manière d’Hercule Poirot dans les romans d’Agatha Christie. Sauf que cette enquête concerne avant tout le incongruités provoquées par les historiens au cours de leurs voyages dans le temps.


Et il faut bien admettre que l’ensemble fonctionne fort bien et qu’on s’amuse autant que l’auteur, pour autant qu’on soit sensible à l’humour anglais. Le lecteur est embarqué avec la galerie des personnages dans un tourbillon de répliques cinglantes, de délires totalement assumés, de connections avec différentes époques qui compliquent encore la situation, et de rebondissements divers (dont certains sont plus imprévisibles que d’autres).


Ce livre est une réussite, tout d’abord parce que l’intrigue est impeccablement structurée : les paradoxes temporels, les investigations des historiens, les détails sans importance qui se révèlent cruciaux lors du dénouement, etc… Ensuite, c’est un vrai plaisir de lecture parce que les dialogues entre les différents personnages sont excellents, ce qui est essentiel dans un récit qui se veut comique. Et enfin, le roman est aussi une réussite parce que sa logique est poussée à l’extrême. Ned rencontre effectivement Jerome K. Jerome et ses deux amis (sans parler du chien) en remontant la Tamise. Les personnages ont des caractères outranciers comme dans toute bonne comédie. Toutes les références sont explicites et on se retrouve réellement plongé dans une ambiance victorienne, sauf qu’elle est rendu délirante par le comportement aberrant du continuum spatio-temporel. C’est ainsi que, par exemple, les entêtes de chapitres sous forme de résumé typiques des romans de l’époque fonctionnent plutôt bien, alors que le même effet de style utilisé dans L’Age de Diamant de Neal Stephenson (pourtant écrit 2 ans plus tôt) tombe complètement à plat.


Prix Hugo du meilleur roman en 1999, Sans parler du chien met toujours en scène les historiens d’Oxford qui voyagent dans le temps. Mais là où Le Grand Livre est une tragédie d’une tristesse infinie, et là où Blitz est une fresque gigantesque et ambitieuse (et parfois un peu longue), ce roman se veut essentiellement ludique et drôle. On ne s’ennuie pas une seconde, parce que si ce livre est sans prétentions et ne se prend jamais au sérieux, il est aussi complètement assumé, fort bien écrit et surtout vraiment, vraiment drôle.


https://olidupsite.wordpress.com/2018/08/18/sans-parler-du-chien-connie-willis/

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le 18 août 2018

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