Franck Bascombe est journaliste sportif. Il y a quatre ans, son fils Ralph âgé de 9 ans a été emporté par une maladie grave. Son mariage n'a pas survécu à ce drame.
Franck vit dans une petite banlieue tranquille du New Jersey et chaque année, pour l'anniversaire de la mort de Ralph, il retrouve sa femme sur la tombe de ce dernier. Ensemble ils commémorent leur enfant perdu avec le soleil qui se lève...
Le week-end dans le Michigan de Franck Bascombe débute à l'un de ces anniversaires, un jeudi matin. Le vendredi suivant, Franck doit se rendre à Détroit pour interviewer un ancien joueur de football américain devenu tétraplégique et coach sportif. Il emmène sa jeune girlfriend Vicky, une infirmière originaire de Dallas, ils doivent rester à Détroit jusqu'au dimanche matin puis aller déjeuner dans la famille de Vicky.

Sur une trame peu excitante, Ford tisse un roman complexe, bourré de flashbacks et de rencontres mémorables (avec l'ex sportif tétraplégique, avec le père de sa girlfriend, avec un voisin divorcé qui a eu une aventure homosexuelle, avec la tenancière d'un bar, avec un chauffeur de taxi, avec un médecin qui veut monter un élevage de visons) dans un paysage de banlieues américaines d'une banalité effrayante.

Ford joue sur le même terrain que Cheever et Carver sauf qu'il ne se contente pas du constat, il y ajoute l'analyse.

500 pages pour raconter un weekend, c'est long, mais sous la plume de Ford, c'est une promenade de santé. Un grand roman américain.

"Pendant les six mois qui ont suivi la mort de Ralph, alors que j'étais en proie à mes pires absences et que je m'enfonçais chaque jour davantage dans mes rêves éveillés, je mes suis mis à commander tous les catalogues que je pouvais trouver. Une bonne quarantaine arrivaient chaque trimestre à la maison. Il a fallu que je me décide à en jeter une pleine caisse pour faire de la place aux nouveaux. Cela ne paraissait pas gêner X, qui a même fini par s'y intéresser autant que moi, à tel point qu'elle recevait désormais certains catalogues à son nom. A cette époque - c'était l'été-, nous passions au moins une soirée par semaine dans le solarium ou assis à la table de la cuisine, à feuilleter toutes ces pages colorées, à surligner au marqueur les articles qui nous plaisaient, à écorner des pages, à inscrire notre numéro de carte de crédit sur des bons de commande (que nous ne postions presque jamais), et à noter des numéros de téléphone gratuits au cas où nous aurions désiré de plus amples renseignements.
Je possédais des catalogues d'appeaux, dont un expédié avec l'enregistrement d'un lapereau à l'agonie. Des catalogues de colliers de chien. Des catalogues de bagages en toile pour safaris africains. Des catalogues pour expédition dans un pays lointain avec une compagne. Des catalogues pour toutes sortes de vêtements adaptés à toutes les circonstances imaginables et à tous les climats. J'avais des catalogues de livres rares, des catalogues de disques, des catalogues d'outillage spécialisé, des catalogues italiens de décoration pour jardin, des catalogues de graines de fleurs, des catalogues d'armes, d'accessoires érotique, des catalogues de hamacs, de girouettes, de matériel de barbecue, d'animaux exotiques, d'épées, d'attrape-limaces. Je possédais tous les catalogues possibles et imaginables ; et lorsque j'en découvrais un nouveau, j'écrivais ou téléphonais pour le réclamer.
(...) cela allait bien au-delà du simple plaisir de passer des heures à feuilleter des pages à la recherche du tournevis le plus performant ou du remodeleur de capsule de bière uniquement disponible en écrivant à une boite postale du Nebraska. Car la vie représentée dans ces catalogues me paraissait tout bonnement irrésistible. J'étais dans une disposition d'esprit qui me faisait adorer cette profusion d'objets purement fonctionnels ou pseudo-exotiques (qui se révèlent toujours banals lorsque vous les avez en main). J'adorais l'idée de la marchandise, j'adorais tous ces visages de bons Américains anonymes qui peuplaient ces pages. Ces gens qui portaient un tablier d'amiante pour soudeur, tenaient leur canne à pêche, vérifiaient la bonne marche de leur générateur avec leur tournevis à piles flambant neuf, arboraient qui sa chemise Oxford, qui sa nuisette taillée dans la même matière, mois après mois, saison après saison. Cela suscitait en moi l'étrange assurance qu'en dehors de ma vie, certaines choses suivaient invariablement leur cours ; que tous ces hommes et ces femmes éternellement campés auprès de leur cheminée de briques, à côté du même lit confortable à baldaquin, tenant les mêmes fusils, sarbacanes, chauffe-bottes ou fagots de petit bois, envisageaient chaque matin la journée radieuse qui les attendait. Les choses étaient prévisibles, sures et stables. Chacun avait exactement son dû, ce dont il avait besoin. Cela illustrait à la perfection comment la chose la plus triviale pouvait se charger d'un léger mystère."
rivax
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le 10 déc. 2011

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