Après No Logo et la Stratégie du Choc, N Klein revient avec un joli pavé dédié à l'enjeu climatique. Analyse.
L'ouvrage s'aborde assez facilement, même si un peu comme d'habitude chez Naomi Klein, l'ensemble manque un peu de structure.


Etat des lieux USA Vs Europe
La lutte climatique américaine semble plus politiquement polarisée que sur le Vieux Continent, ainsi outre Atlantique, l'adhésion à la thèse du réchauffement climatique suit globalement la ligne de démarcation entre Démocrates et Républicains, certains de ses derniers y voyant tout simplement une résurgence de la Guerre Froide, naturellement bon nombre de Think tanks alimentant cette rhétorique ont des financements obscurs. On pourrait ici attaquer les journalistes qui font mal leur boulot, mais hélas l'auteure ne le fait pas assez.
Dans la même lignée, on a l'occasion de s'apercevoir de la duplicité de nos médias : quel journal par exemple a relaté qu'Hamburg avait nationalisé son électricité?
En revanche, le texte suit avec un certain zèle toutes les initiatives alternatives qui jalonnent les résistances locales, notamment contre le pipeline de Keystone (similaire semble-t-il à NDDL dans sa lutte), ainsi pour l'anecdote, voit-on les ennemis de toujours cowboys/éleveurs s'allier avec les indiens pour enrayer la progression des travaux.
Saluons au passage l'ensemble des amérindiens qui semblent lutter férocement pour la préservation de l'environnement.
L'ouvrage est aussi l'occasion de voir l'avance que nous avons sur nos confrères outre-Atlantique en matière de progrès social, où les concepts de décroissance ou de revenu universel leur paraissent bien moins connus.


Lutte d'aujourd'hui et de demain
Pourtant, déplore l'auteure, trop de dénis entravent la sauvegarde de la nature, ainsi par exemple l'aviation qui reste encore en dehors de toute législation, grand oublié de la COP21 et qui bat chaque année des records d'émissions (petit coucou à ceux qui prennent l'avion pour leurs vacances) ; ou, encore et surtout, l'armée américaine qui reste la premier consommateur mondial de pétrole (de là à dire que les USA sont juste une boite privée avec leurs mercenaires... je vous laisse philosopher).
Le livre est malheureusement assez faible sur les faits scientifiques, N. Klein se contente juste de nous répéter que 97% des climatologues font consensus sur le réchauffement climatique ce qui n'élève pas assez le débat.
En revanche, elle visite un grand nombre d'initiatives locales abordant l'enjeu de la délocalisation, ce qui constitue l'essentiel de l'ouvrage, se perdant parfois un peu trop dans des considérations politiques ou militantes, Blockadia est notamment l’association la plus mise à l’honneur.
Les projets de géoingénierie sont également abordés, et sans grande surprise, pour l'instant ça reste très expérimental, la solution la plus discutée consistant à balancer du dioxyde de soufre a déjà été testée naturellement par les volcans (notamment le Pinatubo en 1991) et reste assez aléatoire dans ses conséquences.


Et le capitalisme, bordel?
C’est Branson, PDG de Virgin, symbole de ce capitalisme à la cool, qui en prend méchamment pour son grade, cela dit on n'a jamais vu les 3 milliards qu'il a promis, en effet, comme beaucoup de ses copains, Branson pensait pouvoir faire du fric grâce au réchauffement climatique, notamment en trouvant des solutions pour nettoyer l’atmosphère ou des alternatives électriques qu’il aurait vendu tantôt aux gouvernements, tantôt aux consommateurs, pourtant aujourd’hui, peu de résultats sont arrivés même si semble-t-il les investisseurs restent prêts à sortir leur chéquier (moyennant le profit à dégager naturellement).
N. Klein rejette également en bloc l’idée sous-jacente du capitalisme liée à la nature : l’extractivisme, prônant un élémentaire principe de précaution devant l’inconnue qui menace en cas de surexploitation. Là par contre, c’est plutôt les européens qui sont à la ramasse, j’ai l’impression.


Les conséquences sur la vie et la nature
Il faut dire que toutes les études liées à l’exploitation de la nature ont été menées par les compagnies en charge de cette exploitation, ainsi ce sont les compagnies pétrolières qui ont dit qu’en cas de fuite de pétrole, l’environnement marin du golf du Mexique n’avait pas grand-chose à craindre, on commence à peine aujourd’hui à mesurer les conséquences de la catastrophe Deepwater, d’autant que toutes les études sont menées sur des sujets adultes, sans blague, les défenses des jeunes animaux sont aussi fortes que les adultes peut-être ? Il me semble que quelques scientifiques ne méritent pas leur diplôme là…
A côte de ça, aborder les conséquences biologiques de la pollution en parlant de ses problèmes personnels de grossesse comme le fait l’auteure est quelque chose d’assez gênant.


La culture est fluide
L'homme a passé les siècles derniers à revendiquer qu'il pouvait dompter la nature et maintenant qu'aujourd'hui, il y arrive avec les conséquences qui vont avec, il nie avoir la moindre influence sur celle-ci, ironique non ?
Plus sérieusement et pour reprendre cette phrase des premiers chapitres et aborder cette vieille dichotomie nature/culture, face à l’urgence climatique qui a déjà commencé, il y a matière à revoir toute notre culture car la nature, elle, ne s’adaptera pas ou alors si mais avec de dramatiques conséquences, ce sont donc des pans entiers de notre culture qui doivent être revus. Brève énumération.
La culture de la consommation est naturellement la plus évidente, il est facile d’invectiver la Chine, mais la réprimande devient pathétique quand cette dernière pollue pour produire nos jouets. N. Klein aborde aussi trop peu le problème de la viande qui reste le premier vecteur de réchauffement climatique.
La culture du voyage doit également être remise en cause (désolé les hippies) voyager que ce soit en avion ou en voiture pollue, il faut arrêter de se voiler la face, N. Klein attaque trop timidement le problème des transports en militant pour plus de transports publics, par extension et pour reprendre les thèses intéressantes de Pierre Rabhi, c’est également la culture de la vitesse qui doit être attaquée.
La culture de la parentalité (ou du patriarcat d’un point de vue plus féministe), notre génération a été celle qui a éduqué nos parents à être propre (ne pas gaspiller l’eau, trier les ordures), celle de nos enfants nous éduquera sans doute à la décroissance. C’est l’école qui attaque avec raison l’autorité parentale.
On pourrait en trouver d’autres…


Dans l’ensemble, N Klein discute de manière plus approfondie de tous ces points dans son ouvrage, le principal écueil qu’elle reconnait elle-même dans les premières pages est le suivant : n’étant pas scientifique, elle n’ose pas trop s’attaquer aux faits et aux chiffres, son texte dans son ensemble aurait pu être plus percutant.


Lu en VO

CorsairePR
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2016 en livre, L'économie en lecture, Lecture/conseil en VO et Lectures écolos

Créée

le 6 oct. 2016

Critique lue 506 fois

4 j'aime

2 commentaires

CorsairePR

Écrit par

Critique lue 506 fois

4
2

D'autres avis sur Tout peut changer

Tout peut changer
CorsairePR
7

Tout doit changer

Après No Logo et la Stratégie du Choc, N Klein revient avec un joli pavé dédié à l'enjeu climatique. Analyse. L'ouvrage s'aborde assez facilement, même si un peu comme d'habitude chez Naomi Klein,...

le 6 oct. 2016

4 j'aime

2

Tout peut changer
markus24
7

Ereintant.

Ce livre est éreintant autant par le sujet que par sa lecteur. On en sort, si on a jusqu'au bout accablé. Conseil pourtant pour ouvrir les teux.

le 26 mai 2015

Du même critique

Faut-il manger les animaux ?
CorsairePR
3

Faut-il lire ce bouquin?

A toute fin utile, précisons que je suis végétarien depuis 3 ans. Bon déjà sautez le premier chapitre qui ne sert à rien, vous serez bien d'accord pour dire que les atermoiements des auteurs sont...

le 6 juil. 2016

15 j'aime

Hunter × Hunter
CorsairePR
5

De beaux personnages pour une intrigue bancale

Beaucoup de critiques s'attachent à faire une comparaison avec l'oeuvre antérieure ce qui ne sera pas le cas ici. Dans un monde qui s'avèrera finalement moderne, un campagnard un peu plouc décide de...

le 20 févr. 2017

13 j'aime

14