On l'aura tous compris, les autres critiques le disent assez bien : trois récits de trois femmes (mais le deuxième moyen moyen centré sur la femme en question) inachevés. Oui, ça, on le sait.
Ce que je trouve intéressant toutefois, c'est la progression qui semble s'opérer dans chaque récit, et le rythme très différent : le premier est une très courte bribe de vie, un commencement de situation, celui qui laisse le plus sur sa faim, et qui pourtant se déroule sur plusieurs jours ; le second ne se déroule que sur une journée, retraçant les états d'âme d'une homme aux prises avec une buse (j'avoue ne pas avoir compris), mais semblant pourtant plus complet, peut-être grâce à la longueur de la partie (je l'ai en tout cas ressentie comme étant la plus longue, mais je n'ai pas vérifié) ; le troisième est presque une vie entière, l'histoire d'une déchéance, qui a bien plus le goût d'une fin, et qui donne du même coup une chute décente à l'ensemble du livre.

Une construction originale et complexe donc, qui, même si elle a ce défaut de rendre amer rapidement quand on ne s'attend pas à un brusque changement de narration et d'histoire (le premier récit est quand même celui qui "s'achève" le plus brutalement), est intéressante et à laquelle on finit par s'habituer.
Les trois femmes puissantes n'ont qu'un lien très lointain les unes aux autres, et ne sembleraient pas avoir de point commun sans le titre, qui donne une certaine cohérence à l'ensemble, même si c'est ténu et frustrant, comme je l'ai déjà dit. Les récits en eux-mêmes sont assez fouillés, prenants et jamais faciles, les personnages approfondis et très étudiés.
Une autre qualité : l'écriture. J'aime ces longues phrases harmonieuses, alambiquées (je me retrouve un peu dedans), mais qui gardent en même temps une certaine simplicité dans la crudité du rapport au personnage. Et on s'y accommode très bien après quelques pages.

Bref, des qualités indéniables (sans transcendance toutefois), mais un concept qui déplaira nécessairement à beaucoup. Quant à savoir si ça méritait le prix Goncourt, ce n'est pas mon affaire, mais ça se lit très bien, c'est original, fort d'une belle écriture, et peut-être que je lirai un autre Marie NDiaye par curiosité.
Eggdoll
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le 20 mai 2011

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Eggdoll

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