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Le titre de ce récit est celui d’un tableau peint par Heinrich Kürz, américain d’origine allemande. Présentée lors d’une manifestation culturelle importante en 1913, à Pittsburgh, l’oeuvre appartient et a été commandée par Herrmann Raffke, brasseur de Lübeck, self-made man à l’immense richesse. Elle représente un homme assis dans une pièce immense où sa collection de toiles occupe la totalité des murs représentés. Un genre bien connu dont l’auteur cite quelques exemples.


Particularité du tableau de Kürz : les toiles représentées dans son tableau sont celles du collectionneur Raffke. L’une d’elles représente à son tour le cabinet d’amateur, qui elle-même montre ce cabinet, dans une mise en abîme d’autant plus impressionnante, que les admirateurs de plus en plus curieux et observateurs réalisent que, d’un niveau à l’autre, des détails plus ou moins anodins changent : nombre de personnes représentées, leurs actions, etc.


Ce tableau acquiert rapidement une célébrité inattendue et fait l’objet de nombreux commentaires. Jusqu’au moment où un individu mal intentionné projette un plein encrier contre la toile…


Tout le roman est fait de descriptions minutieuses qui pourraient prêter à un certain ennui. Il n’en est rien. D’abord, Perec montre qu’il connaît bien la peinture, en amateur-connaisseur. Au passage, il se moque gentiment des rédacteurs d’ouvrages d’art qui se complaisent dans ces descriptions d’œuvres, avec références pointilleuses, provenance, estimation de la valeur, listes des différents propriétaires, avec dates et lieux d’acquisition, pour telle ou telle somme. Après une description très sérieuse de ce type, il enchaîne en expliquant qu’un des conseillers artistiques de Raffke est ensuite devenu un comique troupier qui serait à l’origine (opinion très controversée) d’une habitude aussi inattendue qu’irrésistible dans le contexte.


Georges Perec nous amène à nous poser la question : pourquoi une œuvre d’art est-elle reconnue en tant que telle et acquiert-elle de la valeur ? Souvent, une œuvre est reconnue en fonction de la réputation de son auteur. Le tout étant bien entendu d’acquérir cette réputation. Raisonnement valable pour tout système de valeurs. L’art comme placement financier : dérive du système capitaliste, ou conséquence inévitable de la fascination pour les meilleurs ?


Il est question d’une œuvre intitulée Le billet dérobé un titre bien dans le style de Vermeer, peintre dont la cote a fluctué au cours des siècles. Très peu de ses œuvres nous étant parvenues, on comprend que celle-ci ait fait l’objet de la plus forte enchère lors de la vente Raffke.


Certains considèrent ce récit comme une sorte de supercherie littéraire. Pas plus que tout autre roman issu de l’imaginaire de son auteur (Perec ou un autre). Ici, Perec fait admirer une nouvelle fois son talent hors normes, en déroutant par une érudition au service d’un jeu littéraire bien dans son style.


Le bonheur d’écrire de Perec saute aux yeux. Le récit est suffisamment court pour inciter le lecteur médusé par la pirouette finale… à tout relire !

Electron
8

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le 1 oct. 2014

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Electron

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