Est-il permis de lire un conte de Noël au printemps ? La question pourra en étonner plus d'un mais la vague de froid polaire que nous a gracieusement envoyée la Sibérie en ce mois d'avril qui s'annonçait pourtant si estival m'a motivée pour plonger dans le Londres de Charles Dickens, certaine veille de Noël. Ce Londres que seul Charles Dickens sait rendre aussi vivant et humain, fourmillant de ces milliers d'existences truculentes, brillant des feux de ses réverbères, résonnant du pas de course de ses enfants du pavé qui chipent aux étalage, et des rires de ses enfants gâtés qui admirent les vitrines...
Qui ne connaît le vieux Ebenezer Scrooge ? Sans doute l'une des figures littéraires les plus emblématiques de l'avarice, avec le Mr Grandet de Balzac. Tel un vieux cep de vigne racorni, Scrooge est un être vide, un mort vivant incapable de ressentir et d'exprimer le moindre sentiment pour son prochain, à commencer par ses parents ou son employé. Même en ce temps béni de Noël où la paix résonne dans les cœurs et les foyers, Scrooge ne se dévêt pas de son manteau de rancœur, de méchanceté et d'avarice. Quelle puissance, quelle entité divine ou paranormale pourrait bien enfin éveiller en lui l'humain ?
A travers son poème en prose onirique, Charles Dickens, ce conteur grandiose, nous donne la réponse à cette question. Un récit à lire à la lueur du feu de cheminée, à la veillée, pour laisser aux apparitions et aux fantômes qu'il renferme toute latitude de déployer leur spectre. Un récit classique certes convenu mais qui possède le charme et la magie des contes de fées et dont la force d'évocation doit tout au génie narratif de son auteur.