Si je vous dis "un quinquagénaire quitte sa femme pour une autre, plus jeune", vous me répondrez sûrement "cliché, déjà-vu, rabâché". Et ensuite, quel horizon d'attente ? Elle se prend en main, perd vingt kilos, se relooke, découvre féminité et liberté pour finir avec un jeune éphèbe qui saura la comprendre et la combler ? Ou bien le mari volage, brisé par le remord, largue le tendron pour retourner dans ses pénates ? L'épouse bafouée le reprend sur-le-champ? S'aperçoit qu'elle n'en veut plus ? Se venge ?

Rien de tout ça dans Un été sans les hommes. A l'heure où les femmes barbotent entre les contes de fées et les discours volontaristes des magasines féminins, Siri Hustvedt prend les clichés à contre-pied. C'est la vie qu'elle propose, avec ses failles, ses contradictions, ses nuances. Jamais de facilités, jamais de manichéisme, la vie est bien plus compliquée que ça.

Dès lors, comment ne pas se reconnaître dans cette héroïne ? Et si ce n'était pas le cas, qu'importe, chacun y trouvera son bonheur : tous les âges figurent dans cette grande fresque féminine et jamais misandre, chacun avec leurs affres et leurs joies.
Le style lui-même est polymorphe : la prose se fait parfois poésie puis prend des allures théâtrales, l'allemand côtoie l'anglais, les envolées philosophiques font place aux phrases nominales, la narration joue avec elle-même, tord le temps, interpelle le lecteur, se met en abyme, s'enchâsse, invoque Flaubert, Jane Austen et Merleau-Ponty, s'interrompt le temps d'un dessin, le tout avec finesse et intelligence.

On sort de ce roman attendri, bienveillant, plus sage, et serein à l'idée de "tout vivre".
Plume75
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le 20 mai 2013

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