Vies minuscules
7.8
Vies minuscules

livre de Pierre Michon (1984)

Je l'admets sans clignoter, j’ai longtemps été perplexe voire confusément ennuyé par ces "Vies Minuscules", touché parfois quand presque comme par hasard je trouvais la véritable mesure de ma lecture, mais souvent décroché par la cadence de toutes ces phrases un peu cotonneuses, par cette prose semi-précieuse, cette ponctuation en trou noir paraissant absorber les lexies , le signifiant, et davantage encore la matière des mots. Une littérature plus que lactescente : caillée… avec déjà un petit peu de jaune, une saveur aigre dans les narines, ce coté paysan, mornes pleines de Saône-et-Loire (c’est pour moi), splendeurs cachées de la Creuse, toutes ces histoires de familles, ces petites vies, bref au mitan du centre de ma modeste lecture j’étais dubitatif sur le Michon.
Force est de constater que je me trompais, que mon problème face au Michon c’était plus que lui, moi, mon inaptitude crasse à trouver un vrai rythme de lecture, mon manque d’implication et de concentration pour vraiment pénétrer ces fameuses phrases en trou noir, leur densité adamantine, ma bêtise, oui ma bêtise, il faut bien l’admettre.
Reprenons…
La masse, la charge électrique et le moment cinétique. Si la phrase de Pierre Michon est un trou noir, c’est peut-être parce qu’elle accapare les mots (la masse des mots), leur charge électrique, et que plus qu’une mise en abyme ou une représentation courbée des mots sur eux même c’est un agrégat de lumière noire qui là - bien qu’invisible - apparaît. Le Michon plus qu’une langue alors forme un lieu mélancolique, au bord de l’ergosphere dans cette région où rien ne peut rester stationnaire, où tout est emporté, doucement, secrètement.
Pour mieux comprendre comment le Michon fonctionne (Le Michon comment ça marche ! ), il faut remonter à la source, pourquoi cette langue excessive, ce lieu triste et sombre, un phénomène inobservable ?
« Le miracle c'était simplement, à près de quarante ans, de pouvoir danser, enfin, sur mes deuils. C'était que mon désastre intime se résolve en prouesse, mon incapacité en compétence, ma mélancolie en exultation, bref toute chose en son contraire. Mais tout cela obtenu et prouvé, cette compétence, cette exultation, qu'en faire? C'est là le deuxième écueil, l'écueil de l'écrivain qui écrit. Le miracle initial, on est bien tenté de le transformer en métier »

raoulle
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le 29 mars 2021

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raoulle

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