Tout est chaos.

Céline m'a volé mon innocence car plus rien n'a de sens dans ce roman. C'est usant... Il est tellement honnête que j'ai eu mal à la tête. La beauté de son horreur m'a fait mal au cœur. C'est un livre dangereux au sein duquel le personnage n'est jamais heureux, épanoui, comme si sa vie se résumait à la tristesse et à la détresse. Tout est noir, il n'y a plus d'espoir. Tant pis malgré ceci ce livre est émouvant, très touchant. J'ai aimé le fait que le personnage soit pris en otage en étant confronté aux pires horreurs de l'humanité comme la guerre notamment, le racisme et le colonialisme. Alors oui on pourrait reprocher à Céline son masochisme car la vie de son personnage au fil de son age elle se situe toujours dans l'obscurité en laissant de coté le soleil éclatant. Voici quelques extraits de cet ouvrage, qui, malgré leur noirceur ont fait chavirer mon cœur:

"Comme on devient de plus en plus laid et répugnant à ce jeu là en vieillissant, on ne peut même plus la dissimuler sa peine, sa faillite, on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans, des trente ans davantage à vous remonter enfin du ventre sur la face. C'est à ça que ça sert, à ça seulement un homme, une grimace qu'il met toute une vie à confectionner et encore, qu'il arrive même pas toujours à la terminer tellement qu'elle est lourde, compliquée la grimace qu'il faudrait faire pour exprimer toute sa vraie âme sans rien en perdre."

"Ce qui est pire, c'est qu'on se demande comment le lendemain, on trouvera assez de force pour continuer à faire ce qu'on a fait la veille depuis déjà tellement trop longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces mille projets qui n'aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l'accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu'il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l'angoisse de ce lendemain, toujours plus précaire, plus sordide."

"C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traître, il nous menace du pire. On a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans un silence de vérité. Mais où aller, je vous le demande, quand on a plus en soi la somme suffisante de délire? La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas."

Voyage au bout de la nuit, le premier roman de Louis-Ferdinand Céline, n’est donc pas une œuvre ordinaire car c'est un romain extrêmement pessimiste et réaliste. L’œuvre nous fait suivre les tourments de Ferdinand Bardamu, un jeune parisien à l’âme troublée, animé par une volonté à se confronter à la condition humaine. Après s’être impulsivement enrôlé dans l’armée qui le conduira, tête la première, dans la Grande Guerre, Bardamu se lance dans un long voyage qui le conduira en Afrique puis en Amérique. Cette longue quête, presque une fuite, amène notre héros toujours plus bas, toujours plus loin, dans la misère humaine et dans la déchéance sociétale. Céline transmet sa vision du monde ainsi que de l’homme par l’intermédiaire de son personnage, Bardamu. Ce qui m’a marqué, c’est ce pessimisme affiché, revendiqué, sur la condition humaine. Celle-ci est clairement pourrie. D’ailleurs Céline définit l’homme comme de la "pourriture en suspens". Toutefois l’auteur arrive à sublimer ce pessimisme avec son écriture envoutante. Quant au récit il est aussi fortement engagé politiquement parce qu'il dénonce notamment le racisme, le patriotisme et finalement le capitalisme. Voyage au bout de la nuit montre ainsi cette haine de l’homme, ce pessimisme effrayant et cet écœurement de la société animant les pensées de Céline. L’auteur est un grand intellectuel, un génie incapable de trouver sa place dans ce monde il décide de se venger en vomissant ses sentiments face au lecteur d'une manière extrêmement violente et choquante. Cependant Voyage au bout de la nuit n'est pas un ouvrage philosophique ni esthétique. Ce roman symbolise le pessimisme de Céline vis-à-vis de la condition humaine qui est malsaine, lamentable, irrécupérable. Ce roman, donne la nausée, tant les choses sont difficiles à observer. Je n'en suis pas sorti indemne pourtant j'ai aimé ça car Céline a un style persuasif et agréable, je me suis sentie coupable d'avoir été submergée par l'obscurité. Un voyage au bout de la guerre, de l'ennui au sein duquel il y a aussi de la poésie qui se situe là où on ne l'attendait pas. Voyage au bout de la nuit est ici le cri le plus désespérément humain d'un homme bousillé par la vie.