Est-il paradoxal d'affubler d'un cœur amoureux la note 4 ?
Non.
En tout cas, pas si l'on accepte que la musique a cette particularité de convoquer bien plus facilement la mémoire et l'indulgence (que le cinéma ou la littérature).
Vous pouvez fort bien, en 2019, être un fervent amateur de gros-metal-qui-tache et chérir un tube mièvre entendu il y a 20 ans : parce qu'il évoque des vacances inoubliables, un événement marquant, une personne aimée...
Vous avez beau, aujourd'hui, ne pas trouver de qualités objectives à ce hit, il conserve un caractère spécial qui vous empêche de le congédier sans cérémonie.
Do You Remember Rock 'n' Roll Radio? est de ces morceaux navrants mais attachants. Hormis son introduction gentiment tapageuse, il est niaiseux au possible. Sans parler de son pathétique saxophone...
Il m'est pourtant très cher parce qu'il constitue un jalon crucial dans ma découverte de la musique. Un déclic... ou plutôt LE déclic.
Baignant dans l'univers du classique (que je ne rejetais aucunement, mais qui ne m'attirait pas non plus spécialement), indifférent la plupart du temps à ce que passaient la radio (!) et la télévision, sans doute étais-je « en recherche »...
J'avais 12-13 ans. Lorsque j'ai vu – et surtout entendu – le clip des Ramones, ce fut un électrochoc. Très probablement le même que celui éprouvé par tous ces jeunes Anglais découvrant le punk : « I was instantly hooked, really. (…) It was totally life-changing », dit Steve Hansell, le chanteur de The Disrupters (dans un documentaire consacré à son groupe).
Life-changing, sur le plan des goûts musicaux, certainement...
J'avais une attente, indéfini(ssabl)e, à laquelle répondirent magistralement les Ramones.
Le jour même, j'inscrivais en grand, au marker indélébile, leur nom sur ma trousse en plastique imitation blue jean...
Peu de temps après, je m'entichais de morceaux de Poison Girls, Bad Brains, Dead Wretched, Conflict...