Le Rital
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Le Rital

Morceau de Claude Barzotti (2002)

Nous sommes tous des juifs et des ritals

J’ai lu dans mon journal qu’Eric Zemmour s’attaquait à cette chanson de Claude Barzotti qui aurait commis là « une véritable déclaration de guerre au modèle français ». Alors tout de suite, je me suis pris d’un élan de sympathie pour ce chanteur que j’avais tendance à mépriser, et suis allé voir de quoi il ressortait. Je la connaissais, cette chanson, et je dois dire qu’elle avait tendance à me sortir par les oreilles, non pour ses paroles, mais pour le reste, et notamment une musique assez désagréable, pour rester correct.

Voyons ce qu’elle raconte. C’est l’histoire d’un étranger qui, gamin, avait peu de potes à l’école et aurait alors préféré s’appeler Dupont (l’histoire ne dit pas si c’est avec un dé ou un thé). Y voulait être comme les autres, partisan alors de l’assimilation, et du coup, l’en voulait à mort à son vieux. Mais plus tard, le voilà qui se rappelle ses origines. Il s’est rendu compte que l’assimilation n’existe pas, que c’est une fausse blague et qu’il restera toujours en lui un côté italien. Mais ça n’est pas dans le sang : s’il reste un Rital, c’est d’abord parce qu’il l’est aux yeux des autres « C'est vrai je suis un étranger. On me l'a assez répété ». L’intégration, c’est dans les deux sens, et là, s’il voulait s’intégrer et même être comme les autres, les autres, eux, le voyaient toujours comme un étranger. Il reste aussi Rital dans son comportement, avec son accent, bien sûr, mais aussi la musique du corps : « Je suis rital et je le reste. Et dans le verbe et dans le geste », avec ces mouvements de bras qu’on imagine facilement quand on pense aux Italiens. S’il s’est adapté au pays (« Vos saisons sont devenues miennes »), il n’en reste pas moins que, volo nolo, « Ma musique est Italienne. Je suis rital dans mes colères. Dans mes douceurs et mes prières. J'ai la mémoire de mon espèce ». Oui, on ne peut abolir son passé, on ne peut occulter complètement ce que contient sa mémoire, ce que l’on est, ce à quoi l’on croit.

La chanson est clairement autobiographique (d’ailleurs, le vrai prénom de Barzotti est Francesco et non Claude). Elle exprime la nécessité, pour des étrangers mal acceptés dans leur pays d’accueil, d’affirmer une identité propre. Cette identité leur est indispensable. N’étant pas encore des citoyens ou des habitants du pays comme les autres, il leur faut bien être quelque chose, et ce à quoi ils peuvent se raccrocher, ce peut être l’origine ou la religion. Moi-même qui suis pourtant Français de naissance, j’ai ressenti le besoin à un moment, face à un exil douloureux qui m’a été imposé, de me sentir breton, ces racines me sont revenues fortement, et j’avais besoin d’elles pour m’ancrer dans la réalité , j’avais besoin d’elles pour m’accrocher quelque chose, j’avais besoin d’une stabilité ou d’une sécurité et elles me l’apportaient. Bref, je me perds, mais pour revenir à Zemmour et à ce qui l’agace, je comprends ces Français, car pour la plupart ils sont Français, qui brandissent le drapeau algérien, par exemple lors de rencontres sportives. Mal acceptés ou rejetés en France, ils ont besoin d’une identité positive, d’un drapeau ou d’une patrie qui les reconnaît, d’un groupe dans lesquels ils sont intégrés. Ce genre de geste exprime avant tout un désir d’intégration, et non un rejet de la France. Mais comme je l’ai dit plus haut, l’intégration est un phénomène qui doit être à double sens pour pouvoir exister. C’est à cause de gens comme Zemmour que se développe une forme de communautarisme et même d’extrémisme religieux.

Enfin, pour revenir à ce qui m’a amené à parler de cette chanson, Eric, je trouve que c’est quand même dégueulasse. D’abord, Barzotti n’est même pas français, il est belge, francophone, certes, mais belge ! A moins que tu envisages que nous annexions la Wallonie, je ne vois pas en quoi Barzotti s’attaque au modèle français…

En plus c’est vraiment dégueulasse d’écrire ça au moment où Claude vient tout juste de sortir un nouvel album, le 20 octobre, je me suis renseigné ! Le pauvre, l’avait pas besoin de ça ! A moins que ce ne soit le contraire et que tu fasses la pub d’un apôtre de la destruction de notre brillant modèle. Avoue que c’est quand même curieux !
socrate
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le 24 oct. 2014

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