Parmi tous les titres qui peuplent mon top 10 morceaux de 2013, il en est un qui se trouve relativement bien placé, alors qu’au début, c’était loin d’être gagné. Je veux parler de "What is this thing called love ?" d’Editors, extrait de leur décevant quatrième opus, "The Weight of Your Love".


Le départ de leur guitariste fétiche a en effet obligé le groupe à effectuer une grosse remise en question, ce qui a donné lieu à l’introduction de sonorités plutôt inhabituelles qu’il a été difficile d’accepter. Et "What is this thing… ?" est sans doute l’exemple le plus criant de ce renouveau qui laissera pas mal d’anciens fans sur le carreau : il est si éloigné de leur compos précédentes qu’on aurait presque du mal à y reconnaître Editors si on l’entendait par hasard. Avant d’entrer dans des considérations plus musicales, je dois dire que l’histoire même de cette chanson m’intrigue. Figurez-vous qu’on la retrouve, arrangée très différemment, sur le CD bonus du "Black City Parade" d’Indochine, sorti en février 2013 (soit cinq mois avant "The Weight of Your Love"). Le titre est également différent ("The lovers"), mais pas de doute, il s’agit bel et bien de celle-ci. Des rumeurs avaient couru à propos d’une collaboration entre Tom Smith et les rockeurs français : nous en avons ici une confirmation évidente. Pourtant, les circonstances qui l’accompagnent restent à l’heure actuelle un mystère... C’est à se demander pour qui elle a réellement été créée. Tout ce que je sais, c’est que je préfère la version d’Editors.


Comme je le soulignais plus haut, "What is this thing called love ?" est sûrement le titre qui divise le plus sur l’album. Et croyez-moi, je le comprends, puisque lorsque je l’ai écouté pour la première fois, une grimace de dégoût a littéralement déformé mon visage, et j’ai prononcé ces mots amers : "Mais qu’est-ce que c’est que ça ?". Tom Smith avait-il subit une castration aussi soudaine qu’inattendue ? Avait-il l’intention de concurrencer Whitney Houston ou Mariah Carey ? Le "ça" désignait en effet une voix de tête plus que surprenante qui m’a littéralement scotché, mais dans le mauvais sens du terme (du moins au début). Qu’est-ce que c’était encore que ce caprice ? Voilà qu’il se prenait pour une diva dark, qu’il nous infligeait un slow avec les violons et le gros solo de guitare en plein milieu ! Quand le morceau s’est terminé, j’étais loin d’être convaincu.
Puis je lui ai redonné une chance quelques semaines plus tard. Je vous le donne en mille : les violons en intro ne m’ont même pas rebuté. En fait, ils m’ont carrément séduit cette fois, allez savoir pourquoi. La voix aigüe ? Pareil ! Tout à coup, je ne voyais plus ça comme une trahison, mais comme une performance vocale dont je n’aurais jamais cru Smith capable… Parce que le pire, c’est qu’il s’en sort plus que convenablement dans le registre de l’émotion. Etait-ce bien lui qui chantait "In this light and on this evening" ? On en douterait presque ! C’est là que j’ai su que j’étais foutu : le Editors nouvelle mouture n’avait pas que des mauvais côtés, finalement ! Et alors que la plupart des admirateurs du groupe continuaient à zapper cette ignominie de leur playlist, j’ai enclenché la touche repeat, "What is this thing… ?" s’insinuant définitivement dans mon esprit malade. Le texte s’attarde sur une histoire d’amour qui prend fin, preuve en est cette première phrase prononcée de manière déchirante : "I’ve been your lover for the last time". On devient très rapidement les spectateurs impuissants de ce spectacle presque obscène d’une relation malsaine, qui se nourrit davantage de souffrances que de tendresse ("I knock you down / Bruise you with my words / I patch you up / Now it's your turn…"). Et ce qui fait chavirer, c’est justement l’infinie douceur avec laquelle le groupe choisit de nous la présenter, que ce soit vocalement ou mélodiquement. Il ne semble y avoir ici aucun grief, aucune rancœur, mais juste une volonté de s’arracher à une situation qui ne sème plus que du malheur. Les refrains sont tout ce qu’il y a de plus chialant ("What is this thing called love that you speak ? We’re out of it..."), surtout lorsque Tom Smith, décidément très en forme, s’essaye à de puissants vocalises qui semblent étirer sa peine plus que de raison.


Et voilà comment ce qui pouvait passer pour une ignominie quelque temps auparavant devient un coup de cœur digne d’intégrer les titres les plus intéressants de l’année. "Quelle est cette chose qu’on appelle l’amour ?", demande Smith. Mon cher ami, si seulement on le savait !

Psychedeclic

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