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Je ne critique qu'un seul épisode et non l'entièreté de la série. Mais cet épisode est symptomatique de ce que je reproche à la vision technologique et dystopique de la série, à savoir une lecture de la société sans domination économique. C'est une série qui affirme que les technologies existent ou existeront, elle dit l'impact sur nos vies - ce qui est le crédo de la nouvelle SF - mais jamais pourquoi elles sont apparues ni dans quel intérêt - interrogation qui sont autrement plus matérialistes que les idées - plutôt bonnes et honnêtes - dont recèlent les épisodes. C'est une critique de la démarche individualiste voire essentialiste de la série, mélangeant les blancs et les noirs, les ouvriers, les hauts fonctionnaires et les cadres.


A présent , voici une critique du deuxième épisode de la première saison. Je l'ai choisi parce que j'entends souvent dire que la technologie tue le libre-arbitre et qu'elle abrutit son sujet. Alors parler d'aliénation est essentiel mais le traitement de Black Mirror n'est pas vraiment un regard social posé sur l'individu, mais un regard individuel et métaphysique :


Il est décrit dans cet épisode le cercle vicieux de l'aliénation, une aliénation vitale qui falsifie la vie comme la nourriture, où les acteurs sociaux sont des moutons dépourvus de libre-arbitre et lorsqu'ils ont ce libre-arbitre, il est tué dans l'oeuf car il n'y a pas d'actions collectives coordonnées.
Dans cette vie qui n'a pas de sens, qui s'autocensure, il est quand même intéressant d'observer les passerelles qui font la mobilité sociale.


Tout d'abord, il nous est montré des acteurs qui agissent à deux, qui s'unissent pour trouver un sens réel à cette existence routinière et vaine. Mais ces deux-là (puis même lorsque l'attaque est individuelle) utilisent le système pour sortir de ce carcan, notamment au travers de l'argent hérité , du talent, de l'apparence et de l'adhésion à un concours télévisé et populaire. Même l'émotion est marchande.
Ceci formule la première critique : utilisation du système pour se propulser. C'est la question du mérite, de l'ambition et de l'opportunisme. Trois questions qui me sont chères.
Les armes du système en place sont encore plus féroces lorsque l'individu résiste à l'oppression : la corruption mènera donc la chanteuse en dehors certes mais vers d'autres illusions telles que la drogue et la prostitution.


Dans son action individuelle, le candidat est seul. Il mérite entièrement son accès et son ascension. Mais sa colère se détourne de son objectif. Pourquoi ? Parce que sa vision est subjective et, qu'à ce titre, il est divisible et interchangeable. Il devient par opportunisme la voix de son maître.
Il me rappelle par ailleurs du cercle vicieux que ce dernier évoquait à propos de la pomme.


Pessimiste, en effet.
Bien des éléments que nous vivons tous les jours valident plusieurs éléments de cette histoire, aussi dans les caractères vitaux que dans la conduite de ces acteurs sociaux. Aussi je me pose la question sur notre réalité à l'issue de ce film.


La question, n'est pas de faire passer un message happy ou pas happy.
La question, c'est qu'en permanence on a dans la science fiction une imagerie de l'individualisme.
Par conséquent, c'est moins une question de final heureux (ou pas) que de perspective. C'est cela que je combats ici : pour la perspective. Je ne combats pas pour la solution (enfin pas pour que cette solution soit perçue comme une panacée qui tombe du ciel).


C'est une question de développement qui ne me plaît pas du tout.
En fait, les questions essentielles sur la liberté ne sont pas posées au début du film.
Ils ont traité de la liberté et de ce qui pousse chaque être à casser ce qui entrave irrésistiblement la liberté. Le problème que je perçois ici, c'est que la notion de liberté selon le personnage considère d'elle-même que l'être peut devenir libre seul... Après tout, il y a plein de gens, presqu'une majorité, qui pense sincèrement qu'ils sont libres par eux-mêmes, volontaires, libres et responsables. Je discute moi-même avec des libertaires (dont on ne sait jamais vraiment s'ils sont libéraux ou libertariens), je discute avec des décroissants qui pensent entre autre que l'être seul peut s'évader du système économique et social (dont on ne sait jamais s'ils sont réactionnaires).


Me concernant, et c'est un choix que je fais, en regard du film : je trouve cela infiniment débilitant de passer une heure à creuser cette perspective individualiste et benêt qui n'a aucun sens.
Celui qui ne pense pas dans sa moelle qu'il n'est guère possible d'être affranchi que si tous les individus le sont avec lui et demeurent son égal, celui-là est un sombre crétin.
Black Mirror est une sombre crétinerie.


A quand un film traitant de lutte collective ? Avez-vous seulement des exemples ?
Car il m'est avis que
Sans luttes collectives, coordonnées et durables, rien de neuf à l'horizon. Et ils sont nombreux les films et les artistes à promouvoir dans leurs oeuvres une vision appauvrie de l'Histoire de l'humanité. C'est une propagande en soi.




N.B. : Ce n'est qu'un petit film, me dit-on en commentaires... C'est surtout un film dans un système donné comme tous les autres films et c'est en cela que je considère Black Mirror comme étant bien plus qu'un petit film. Et puis... Ce n'est pas en minorant la bête qu'elle finit par se cacher. ;-)
Et même si c'en était qu'un "petit film", il est de mauvaise foi de ne pas exploiter toutes les options se prêtant autour, pourquoi ne pas s'en servir pour discuter, avec l'intelligence mise au service d'un récit...

Andy-Capet
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le 20 déc. 2012

Modifiée

le 9 août 2013

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Andy Capet

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