Arcane
8.2
Arcane

Dessin animé (cartoons) Netflix (2021)

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Une série encore plus schizophrène que son héroïne

Je n’ai eu de cesse de déceler deux aspirations contradictoires durant le visionnage de cet Arcane :


• Une direction artistique inspirée qui, par ses atours Steampunk, la stylisation de ces personnages et l’élégance de ces costumes me faisait songer bien plus volontiers à l’univers dépeint dans les jeux Dishonored (oui les productions ArKane donc, LOL). Et pourtant, cette esthétique cohabite avec la nécessité d’évoquer plus ouvertement les codes visuels du jeu originel ; à grands renforts de couleurs agressives, d’effets pyrotechniques souvent gratuits et d’un enrobage rose bonbon sanglant, ce que j’appelle plus souvent « la folie lolilol » ou « le post-apo c’est rigolo », déjà très prisé des Rage 2, Suicide Squad et autres Far Cry : New Dawn.


• La volonté de dépeindre, avec une vraie méticulosité, un drame social en dépit de la fantaisie omniprésente dans le récit ; oui, Arcane prend le temps de s’intéresser aux rapports entre les puissants de ce monde et les plus démunis ; insécurité, abandon et désespoir sont le lot quotidien des protagonistes, le basculement de points de vue entre politiciens influents et orphelins défavorisés est souvent opportun et l’intrigue parvient pourtant à diluer des nuances de gris bienvenues malgré cette stigmatisation symbolique. C’est du moins le récit qui est amorcé en toile de fond. Car Arcane, c’est aussi le récit personnel de Jinx et l’inévitable insertion dans ce récit tourmenté d’héroïnes au caractère bien plus excentrique dont la hargne et la folie semblent davantage parasiter l’immersion du spectateur qu’alimenter son propos. L’histoire de deux sœurs, malmenées par un monde indifférent à leurs suppliques, oui ça je peux aisément y compatir. Mais le récit d’une folle à lier qui tue sans réfléchir avant de s’esclaffer dans une explosion arc en ciel, c’est déjà bien plus compliqué.


L’écriture d’Arcane possède des qualités certaines mais le récit semble pourtant étonnamment négligé ce qui devrait être son cœur véritable : la métamorphose d’une victime traumatisée en démone vengeresse. Outre le fait que le personnage en devient franchement méconnaissable entre les deux temporalités de la série, l’intrigue peine énormément à proposer un basculement convaincant de ce personnage vers une violence macabrement décomplexée ; outre la succession un peu étrange de malentendus qui pimente le récit et les cliffhangers de fins d’épisodes. On en vient à apprécier bien davantage l’intrigue politique portée par Jayce ; fable classique, mais très bien menée, de la corruption du pouvoir et d’un idéaliste voué à devenir ce qu’il combattait en premier lieu. C’est dans ces moments de calme, presque contemplatifs, qu’Arcane révèle sa grandeur authentique : capter à la fois des instants d’une touchante intimité tandis que le monde bascule peu à peu dans le chaos. Mais hélas, la série n’en oublie jamais la nécessité mercantile de renouer avec un dynamisme débridé ; quitte à intégrer au forceps l’origin-story des héros du jeu vidéo, se voyant soudainement doté de capacités martiales exceptionnelles, sans le moindre entrainement au préalable. Ce contraste, cette dissonance, ne s’est que trop rarement estompée au fur et à mesure que les épisodes se succédaient, à tel point que même le générique, et sa chanson criarde, me semblait détonner avec la sobriété des séquences d’introduction. Dans Arcane, le monde est indéniablement fascinant ; mais le drame humain qui est censé être la pierre angulaire du récit l’est malheureusement un peu moins.


Si l’écriture demeure faillible, il est néanmoins bien plus difficile de ne pas concéder à la série son perfectionnisme graphique. Animation d’une qualité inaltérée (pas d’épisode négligé pour une fois), mise en scène d’une constante inventivité (même si elle n’est également pas dénuée d’un certain aspect Bling Bling / poseur), excellence du doublage français (Bernard Gabay livre peut-être l’une de ses meilleures prestations vocales en incarnant Silco avec une telle maestria) ; oui, il y a du pognon dans Arcane, mais surtout beaucoup de talent. Et après la réussite de LastMan dernièrement, l’animation française peut une nouvelle fois se targuer de produire une série pour adultes, sans que la pertinence de cette approche puisse être questionnée.


Un travail d’orfèvre qui parvient véritablement à sublimer son récit, en dépit de cette sempiternelle contradiction.


Une œuvre puissante, indéniablement.


Mais clairement pas aussi proche de la perfection qu’elle voudrait le clamer.

Créée

le 25 mai 2022

Critique lue 72 fois

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Leon9000

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