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Tous les passionnés du cinéma asiatique depuis longue date auront probablement regardé Infernal Affairs, thriller hongkongais réalisé par Andrew Lau et Alan Mak et sorti le 12 décembre 2002 à Hong Kong. Certains clins d'œil pourraient nous faire peur, craignant une copie conforme du chef-d'œuvre, mais à la coréenne. Cette remarque n'est pas péjorative, mais au contraire, c'est avec hâte que nous avons attendu ce drama dont le concept d'un flic s'infiltrant dans une organisation de drogue - Ji Chang-Wook qui plus est - a attiré toute notre attention.

Même si le sujet semble similaire, l'évolution s'avère très différente. Infernal Affairs est une histoire des policiers et des triades, développée dans la globalité. Comme dans une immense partie d'échecs, chaque personnage est attribué d'un mouvement propre qui nous amène vers un point commun, comme si le réalisateur aurait voulu nous expliquer, en tout détail, le pourquoi du comment de cette partie faussement underground au sein de la ville de Hong Kong.

Aux côtés du mal est surtout et par-dessus tout, l'histoire des deux hommes. Avec la méticulosité que l'on connaît déjà du réalisateur et du scénariste, ces deux hommes que tout oppose, croisent leurs destins et changent ainsi leur vie à jamais. Il y a une telle alchimie entre les deux acteurs, que l'on dirait que l'un prend constamment appui sur l'autre, rendant leur performance absolument parfaite. Leurs gestuelles, leurs mouvements, leurs échanges, leurs regards. Ce manque de confiance, cette transformation flagrante qui nous amène à nous demander qui est le mal et qui est à côté du mal. Il s'agit du même questionnement que dans J'ai rencontré le diable, avec deux acteurs à la hauteur de Lee Byung-Hun et de Choi Min-Sik.

Le format drama permet une étude approfondie de la nature de chaque personnage. L'implication qu'ils ont les uns avec les autres, ce mélange des vécus. La transformation, les sentiments qui s'en mêlent ajoutant une tension supplémentaire. Telle une chorégraphie parfaite, d'une adresse brillante, ce puzzle bouge au même rythme sans se casser la figure à aucun moment. L'action, le stress, ce téléphone qui sonne et on se dit "ouf, sauvé par le gong". Oui mais non. L'ambiguïté, ce moment précis où l'on se demande s'ils sont tous en train de jouer un rôle ou si ce rôle a eu raison d'eux. Il s'agit d'une guerre psychologique et nous ne tarderons pas à le comprendre. Mais quel drama génial !

Les autres chorégraphies, les physiques, se présentent à nous d'une telle organisation et clarté, que l'on ne peut que saluer la prestance et la mise en scène. Il est évident que cela a été tourné avec l'objectif télévision et non pas dans l'objectif cinéma. A aucun moment, l'écran se voit immergé par un amalgame de coups de pieds, maniement des couteaux, des déplacements et d'autres éléments inhérents aux bagarres des gangsters (des battes de baseball, des litres de sang, des corps qui s'effondrent, le son affreux des couteaux qui s'enfoncent dans la chair…), sans que cela ne tombe dans un désordre insupportable et une image trop pleine. Même les bagarres dans les ascenseurs ou dans les couloirs sont parfaitement calculées, nous évitant un aspect trop baroque. Ces chorégraphies pourraient se comparer à celles du généralissime Train pour Busan.

Cependant, la fluidité ne cache pas le noir dans toute sa splendeur. La machination, la trahison en somme. La jalousie. Deux hommes acculés par des décisions complètement désespérées et qui transgressent leurs principes, sans être conscients de leurs changements. La caméra sur l'épaule utilisée dans les moments les plus conflictuels, la violence stylisée, les représailles. Pour une fois un drama peut se comparer à des chefs-d'œuvre coréens comme A Bittersweet Life ou The Chaser. Tous ces aspects inhérents du cinéma noir sont mélangés et associés à des sentiments contradictoires, à une continuelle remise en question. La tension créée par l'ambiguïté monte en crescendo. Le stress de la gestuelle faciale de Ji Chang-Wook devient notre stress.

Ji Chang-Wook a grandi et mûri depuis ce drama génial qui était Healer. Il n'est plus le jeune homme séduisant seulement, là, il est devenu The Man, solide et charismatique (et encore plus séduisant, il faut tout dire). Avec sa descente aux enfers et son chemin de non-retour, il a su assumer son rôle contradictoire apportant la dose exacte de noirceur dont son personnage avait besoin.

Wi Ha-Joon, connu surtout pour son rôle dans Squeed Game (impossible d'oublier cette scène où il est censé faire une fellation…) semble s'épanouir dans son personnage, il grandit à vue d'œil devant nos yeux. Le reste des acteurs, que ce soient féminins ou masculins, évoluent en parfaite harmonie (si on peut le qualifier de cette façon) autour de la relation que les deux acteurs principaux incarnent. Tous des acteurs captivants, la liste est longue, qui ne sont pas là en tant que figurants, mais comme des représentations solides et indispensables.

La seule chose qui pourrait être qualifiée de dommage (mais oui, il y a toujours un "mais"), c'est cette impression de censure, des scènes inachevées, comme celles de Ji Chang-Wook et de Bibi ou de la mise à mort de certains personnages. Ce sont comme des fils invisibles qui auraient voulu nous amener quelque part mais qui nous laisseraient au milieu d'un no man's land très frustrant. En fait, on en veut plus, et on aimerait que ce soit jusqu'au bout.

The Worst of Evil a été noté 8,6 par IMDb. Le score est l'un des plus élevés parmi toutes les séries dramatiques coréennes diffusées sur les plateformes de streaming mondiales cette année. Un très bon drama. L'accomplissement des films de ce genre.


Cooleur_Asia
10
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le 20 nov. 2023

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