Battlestar Galactica n'est pas un space opera comme les autres, d'ailleurs ce n'est même pas un space opera, c'est une simulation de société post-apocalyptique. C'est à dire que l'intrigue consiste principalement à un développement de toutes les problématiques inhérentes à ce type de situation: gestion des vivres et ressources, organisation hiérarchique. Tout est vu d'un point de vue global et l'on n'aura de cesse de nous expliquer le fonctionnement de cette fourmilière humaine. C'est ce qui fait la force de la série, tous les personnages ont une fonction et leurs actions servent une peinture générale. Ce qui pose un univers homogène et cohérent.
La série s'intéresse donc à comment les survivants vont recréer une communauté. Leur instinct de survie face une présence ennemie et étrangère les poussera à redéfinir les limites morales, culturelles ou biologiques de ce qu'est une société humaine.
Il est difficile d'expliquer plus en détails sans spoiler mais ce que l'on peut dire c'est que Gaius Baltar dans son ambivalence sera le plus bel exemple de cet étalage de la psychologie humaine.
Léger regret, on développe beaucoup la classe dirigeante décisionnaire ainsi que les humains "fonctionnels", voir un peu plus les occupations et aspirations du citoyen lambda aurait aidé à consolider cet univers.
Ceux qui s'attendent à un ballet de courses-poursuites à la Star Wars vont donc être déçus, il y a très peu de scènes de combat à l'échelle de la série. Toutefois celles-ci sont bien réalisées, le trait de génie est de les avoir fait se dérouler en silence sans musique ni bruitages tapageurs ce qui renforce l'immersion et donne un côté réaliste, si tant est que des combats de vaisseaux spatiaux puissent l'être.
Tant qu'on évoque la technique il peut y avoir un côté cheap qui se dégage par moments. Cela ne pose pas de problème vu qu'il est souvent bien géré, il y a tout un tas de petites idées qui servent le propos et dans cet univers dévasté le minimalisme est presque un avantage.
Exemple en saison 2
L'épisode où Kara s'échoue sur une planète après son combat contre un vaisseau cylon. Le cadrage serré, le filtre jaune renforcent le sentiment d'oppression, de manque visibilité que le personnage éprouve à ce moment-là.
Plus généralement, ce sont toutes ces trouvailles qui donnent une identité à la série plus que l'excellence dans un domaine particulier (acteurs, réalisation, profondeur du propos,... ). On trouvera des séries qui sont meilleures dans chacune de ses catégories, BSG se contente d'être bonne partout. Sa réussite consiste dans sa capacité à former un ensemble solide de toutes ses composantes dans une ambiance sombre, pessimiste et oppressante.
Quelques autres exemples d'idées originales
-Dans les 5 premières minutes on tue un bébé, vu la sacralisation des enfants aux U.S c'est assez osé
-Le meilleur pilote est une femme
-L'inversion des rôles: l'Humain est la proie et les cylons sont les chasseurs
-La révolte sur New Caprica s'organise de manière terroriste (attentat suicide) et non classiquement en résistance patriotique
Dis moi pas que c'est pas vrai!
Le problème dans les séries à mystère initial (les premiers exemples qui viennent naturellement à l'esprit sont Lost et X-Files) c'est qu'il y a une déception dans la résolution, on nous laisse dans l'ignorance ce qui a pour effet de stimuler notre imaginaire et on est invariablement déçu par la révélation qui n'est jamais à la hauteur des possibilités qu'on avait envisagées. On finit souvent épuisé par toutes les pistes et leurres lancés et la surenchère presque obligatoire pour continuer de capter notre attention tourne inévitablement au ridicule.
BSG répond en partie à ce schéma. En partie seulement car l'histoire tient la route quant à son déroulement, elle laisse de la place au spectateur sans le tromper en usant des rebondissements ou autres artifices de diversion.
Du début à la fin on aura eu des cylons qui poursuivent des humains en recherche d'un paradis utopique
C'est uniquement dans la phase finale qu'il y a à redire.
Et là c'est le drame
C'est le moment douloureux où il va falloir parler de la 4ème saison. Le show avait baissé en intensité durant la 3ème saison mais surtout sur des stand-alone qui n'impactaient qu'à la marge le sens de la série. La dernière par contre va détruire tout le travail de construction des personnages, de l'histoire et par conséquent de l'implication. Si bien qu'à partir d'un épisode en particulier j'ai lâché en mode neutral un nooooon... puis je me suis envoyé les épisodes les uns après les autres en marathon espérant oublier avec le suivant ce que je venais de voir dans le précédent
L'épisode 4.08,celui où l'avocat et Lee cherchent un candidat pour la présidence (dont on voit arriver à des kilomètres que ce sera lui) avec le discours nanardesque entre les deux dans le couloir à la fin, c'est aussi celui où Captain Adama entame une romance adolescente avec la présidente complètement illogique par rapport au perso que l'on a vu depuis le début.
Pourtant il y a de bonnes idées dans cette saison, certains événements sont logiques mais la mise en scène soap opera annihile pratiquement toute leur portée, ils sont trop mal racontés.
Et la fin, que dire de la fin...d'un certain côté elle est cohérente avec la décrépitude de la série, l'explication est facile et insuffisante, donne le sentiment d'un devoir de classe à rendre terminé le matin même. Cela est d'autant plus décevant que le pourquoi a été le moteur principal de l'intrigue.
Même si je n'aime pas trop m'attarder sur les a-côtés pour justifier le propos, il faut préciser qu'il y a eu un désaccord entre le créateur de la série et la chaîne concernant la fin, le premier voulait terminer en 13 épisodes quand la deuxième en 20. Et c'est probablement ce format intenable qui a tué la série au final.
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Quand on fait le bilan il reste le sentiment étrange, d'avoir vécu une épopée captivante et en même temps d'assister à un gâchis énorme. Même si la conclusion a souvent comme effet de donner le ton de l'interprétation générale de l'oeuvre ici j'aurais envie de ne retenir que le positif. Parce pendant plusieurs saisons j'ai vu évoluer, se transformer une communauté en temps, espace, relations. Bref on m'a raconté une histoire, une aventure humaine.
Au final l'expérience Battlestar Galactica pourrait se résumer à la célèbre citation de Stevenson :
« l’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage »