BNA
6.8
BNA

Anime (mangas) Fuji TV (2020)

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Quand on est un studio d’animation japonais qui s’appelle Trigger, qu’on a acquis une forte popularité depuis ses débuts, avec certains noms auxquels on associe facilement la boîte ainsi qu’un passif riche (en l’occurrence divers anciens animateurs de Gainax, Hiroyuki Imaishi le premier) et une expérience acquise au fil du temps, il devient très difficile de combler les attentes des fans et des pro-anime en herbe quand la valeur étalon de ce que peut faire un studio est fixée en haut de la pyramide qualitative dés sa première série.


C’est pourtant un studio encore jeune qui reste à ses débuts par rapport à d’autres (Sunrise et Bones pour ne citer qu’eux). Avec du recul son immense coup d’éclat qu’a été Kill la Kill résulte beaucoup de l’expérience d’un homme qui s’était déjà fait la main sur beaucoup de travaux par le passé, et qui a démontré une nouvelle fois son savoir-faire graphique et sa maîtrise de la démesure et de la folie au service du récit avec Promare en 2019.


Tandis qu’à côté, on remarque très rapidement que Trigger est loin d’être intouchable. Sur les 3 autres titres que j’ai vus avant BNA : Uchu Patrol Luluco était plus un terrain d’exercice exténuant qu’autre chose tandis que Darling in the Franxxx ne possédait la patte Trigger que par intermittence, car il s’agissait avant tout d’une collaboration avec le studio CloverWorks, une filiale de A-1 Pictures qui ne signait que sa deuxième production. En revanche, Little Witch Academia suscitait un véritable attachement. Yoh Yoshinari n’a pas la même dextérité qu’Imaishi en tant que conteur et directeur d’équipe, mais il avait montré une belle affection pour ce monde d’apprenties sorcières aux méthodes de formation plus démodés que traditionnelles et dans lequel une passionnée impertinente voulait y apporter sa contribution et laisser sa marque afin de se rapprocher de son modèle.


Du coup, quand on annonce une nouvelle production de la part du studio avec Yoshinari lui-même à sa tête, le scénariste Kazumi Nakashima et même une illustratrice chinoise de talent comme Genice Chan aux décors et au design couleur, on fait quoi ? On croise les doigts pour en avoir pour notre abonnement sur Netflix et pour avoir au pire un divertissement bon enfant comme Little Witch Academia, ou au mieux une explosion d’idée sur la forme et sur le fond comme Kill la Kill ou Promare.


Brand New Animal surprend par son approche plus terre à terre et moins fanfaronnant de son univers fantastique dés ses premières minutes : une jeune adolescente voilée sous une cape circule dans le couloir d’un métro, inquiète à l’arrivée de la moindre personne, se faisant la plus discrète possible dans une société ou les animaliens sont plus souvent discriminés et sujet à la persécution qu’autre chose. Graphiquement on renoue très vite avec ce qui se fait de plus simple mais de plus identifiable et efficace chez Trigger : visuellement c’est beau, quand les jeux de couleurs interviennent avec le jeu de forme et la gestion de la physique ça permet souvent de donner de quoi flatter notre regard.


Et à ce jeu là, la nuit festive au sein d’Anima City et la première scène d’action dynamique fonctionnent plutôt bien. De l’un on voit que malgré les festivités entre animaliens, l’influence de la société humaine n’est pas si écarté pour autant entre ses stands (l’allusion aux marques populaire peut même être une preuve de cette influence qu’un simple placement de produit), l’allégresse générale, ses voyous capable de trahir leur propre espèce pour l’appât du gain ou de jouer les pickpockets à l’encontre d’un ou d’une malheureuse. Même la bande-originale globalement assez pop/techno/rave et ancré dans l’ère actuelle apporte sa petite contribution à cette cité animale plus proche de l’homme qu’il n’y paraît, à défaut inoubliable ou indélébile.


Notons d’ailleurs qu’on a la chance ici de pouvoir ré-entendre de nouveau l’excellente Geneviève Doang doubler dans une série animée japonaise à la VF quand on sait qu’elle se fait ultra discrète de ce côté-là (si on ne compte pas Promare et Le mystère des Pingouins), même pour un rôle finalement très secondaire en comparaison de ce à quoi elle a eu le droit par le passé avec Gundam 00, Hinamizawa ou encore et surtout Gurren Lagann.


D’ailleurs, on pourrait résumer le bon potentiel de la série sur ses 4 premiers épisodes qui présentent vraiment de nombreuses bases et fondations sur lesquels partir : d’abord par l’organisation mafieuse au sein d’Anima City montrant un visage criminel peut être pas bien original mais confirmait l’influence et le lien étroit effectué avec la société humaine (comme le trafic d’enfants et de femmes animalien), confirmant à quel point celui-ci se répercute avec la société des animaliens, comme si les autres espèces ne pouvaient pas échapper à notre influence que ça soit en bien comme en mal. Le troisième creuse plus loin ce rapport avec la société médicale Sylvasta au cœur d’Anima-City (en plus d’être bénévole dans le développement de la cité et d’avoir un jeune cadre à sa tête), se penchant sur le cas anormale de Michiru et sur le rapport que pourrait avoir la société sur sa transformation et également questionner le rapport à la médecine si celle-ci ou une manipulation génétique devait être à l’origine de la transformation de Michiru. Quant au quatrième épisode, une autre idée bien sympa mis en place avec la fascination d’une animalienne pour la société humaine et une vision enfin plus positif de la part de celle-ci lors d’une sortie hors de la capitale des animaliens à une fête aux côtés de Michiru, confronté une nouvelle fois à la société humaine après sa mauvaise expérience lors de sa fugue mais ou ceux-ci font preuve de plus d’ouverture. Les rôles secondaires ont du potentiel, ça divertit bien en trouvant un bon équilibre avec ses propos et on commence à se dire que ça sera peut être maladroit mais honnête et fait avec beaucoup de cœur comme le précédent animé de Yoshinari.


En peu de temps, malgré un manque d’innovation et un rythme plus compliqué à gérer sur sa durée en plus de fausses notes déjà propre à Yoshinari avec son précédent animé, BNA fait plutôt preuve de bonne volonté pour aborder des pistes nombreuses sur la condition de son héroïne, la confrontation entre deux espèces avec leurs similitudes et différences, les origines possibles sur la mutation génétique de Michiru, une légende locale proche de la religion (le loup d’argent) et surtout les possibilités de réconciliation par le regard d’une jeunesse fascinée par l’inconnu avec une animalienne voulant découvrir la société humaine malgré le conflit instauré entre son espèce et la leur.


Seulement voilà, BNA va très vite se charcuter passé le premier tiers timide. La première raison : sa durée est trop étriquée pour exploiter convenablement un système mi-humain mi-animal cherchant à se construire à l’écart de la société humaine. J’ai tendance à éprouver un ras-le-bol contre la mode des animés courts depuis les années 2010 car ça laisse très peu de temps pour installer des personnages, un univers et un fil rouge solide quand ceux-ci ont justement besoin de temps pour laisser un semblant d’impact et de souvenirs après le visionnage. Et dans une série d’animation comme BNA ou on présente une société anthropomorphe avec un lourd passé, des sujets d’actualités comme le rejet de la différence et le racisme ainsi que des sous-textes comme l’Eugénisme ou la mutation, impossible de tirer plein potentiel de ce qu’on a sous la main. Ce fait devient un fardeau pour quasiment tout ce qui va s’ensuivre après les premiers épisodes.


Le premier à en pâtir est l’humour et surtout le cinquième épisode qui déconstruit totalement la crédibilité de cet univers avec ses match de base-ball et ses paris ainsi que ses règles pétées et inexistantes.


Où la mort des joueurs est banalisée de manière totalement incohérente quitte à valider une grosse blague déplacée (la mort des derniers dodos pendant un match de base-ball pour parler de leur nouvelle extinction) et qui va en contradiction avec l’influence de l’architecture et de la culture humaine au sein d’Anima-City. Et si les personnages valident eux-mêmes cette situation… à quoi ça sert d’avoir des forces de l’ordre et un détective suspicieux et méfiant comme Shirou si c’est pour laisser passer un truc aussi grave et considéré comme inconséquent ?


Pire, ça n’en est que plus absurde quand Michiru elle-même se prête au jeu et dévoile ses métamorphoses physiques à tout le monde pendant les matchs, et que ces animaliens sont demeurés au point d’accorder plus d’intention à un Home Run qu’à des transformations en pagaille chez une adolescente Tanuki qui pourraient être vus comme une mutation chez l’espèce et devenir la source de nombreuses sous-intrigues infiniment plus prenante que ces matchs de psychopathe ambulant totalement déconnecté de la réalité.


C’est peut être paradoxal de cracher sur une séquence porte nawak quand on sait ce à quoi on a eu droit précédemment. Surtout qu’en toute honnêteté : ça aurait pu être aussi fendard que la course matinale éliminatoire jusqu’à l’académie Honnoji dans Kill la Kill, ou encore la plongée intérieure dans le subconscient de Sucy dans Little Witch Academia. Mais contrairement à ces deux animés, ici l’écart est tellement large et profond entre le contexte de la série déjà chaotique et le délire sportif que ça ne colle jamais. Quand bien même le mépris de certains animaliens pour leurs semblables et la vie a bien été démontré, ça ne signifie pas pour autant qu’elle affecte toute la cité et touts les domaines culturels.


Le deuxième point important qui pâtit de cette trop courte durée : Michiru elle-même. Déjà parce que plagier One Piece, c’est très mal (sans déconner : les bras élastique, les membres qui grossissent… c’est le pouvoir du fruit du Gum Gum de Luffy dans One Piece et son fameux Gear Third, vous n’avez pas honte ?), mais en plus BNA ne tirera jamais profit de ses transformations animales à gogos pour autre chose que l’action, au point de délaisser sa situation initiale qui aurait, selon moi, dû être le cœur même de cette série : la condition animalienne de l’héroïne pourtant née humaine et qui devient donc une double espèce, incapable de pleinement se placer d’un côté de la barrière ou de l’autre.


Qui a en plus l’occasion de creuser cela davantage avec l’arrivée de Nazuna à Anima-City, amie de Michiru présentée dans les flash-back des premiers épisodes mais qui va devenir à son tour source de pétard mouillé et victime du timing réduit de cet animé.


En un seul épisode, la situation de Nazuna et son rapport renouvelé avec Michiru ne parviennent pas à convaincre tant elle est trop vite appliqué. Le minimum syndical est fait et au final, on ressent plus de l’antipathie qu’autre chose envers cette fameuse déesse louve anormalement détachée de notre héroïne pour ne pas dire très froide. Le constat est abrupte, et on peine à croire qu’il y ait eu une amitié entre Michiru et Nazuna alors que tout deux ont une origine similaire.


Et d’une manière générale tout ce qui touche aux principales relations de Michiru est mis à mal : soit par répétition et par manque d’évolution en béton dans l’écriture, soit par manque de temps et de durée. A l’image du rapport conflictuel entre Michiru et le taciturne Shirou qui passe bien trop souvent par la dispute et la mésentente immédiate pour qu’on arrive à croire à une alchimie véritablement crédible entre eux, la résolution ne se fait que par la dégénérescence d’une situation et encore je ne parviens toujours pas à citer un véritable moment ou on sent une complicité réelle entre eux. Un sentiment d'amitié ou de respect qui se sentirait dans les deux sens, et non pas que dans l’un. Alors que des duos comme Akko et Diana dans LWA ou Ryuko Matoi et Kiryuin Satsuki dans Kill la Kill fonctionnaient très bien et exploitaient l’aspect buddy movie avec suffisamment de temps pour exploiter la matière derrière. Ici, seule Michiru semble éprouver de l’intérêt pour Shirou et son mode de pensée, alors que celui-ci semble toujours détaché d’elle et ne penser qu’au bien de son espèce sans remettre en question sa haine envers le genre humain.


Sans parler des défauts qui sont déjà inhérents à Yoshinari et qui persistent après LWA. D’abord en nous ressortant le coup de la révélation flinguée à des années lumières dés le début de la série concernant l’origine du loup argenté


(comme si l’identité de Shiny Chariot dans LWA n’était pas déjà un assez beau raté dans le genre suspens)


, mais également en donnant une piste trop grosse sur l’antagoniste de la série qui sera, étrangement, le seul autre personnage humain qui bénéficiera d’un développement que dans la deuxième moitié avec des motivations beaucoup trop suspicieux pour qu’on croit à sa bonne foi un seul instant. Et qui en prime ajoute une idée inexploité dans le dernier épisode dans un bordel chaotique ambiant ni extasiant, ni affolant pour les personnes attentifs et fans du studio.


Au final, les rares moments ou il y a une fulgurance viennent souvent des scènes d’action auxquels Hiroyuki Imaishi a donné de son temps pendant la production de cet animé et on ne va pas mentir, ça a de la gueule. Cela se voit quand on sait que l’un a une expérience incroyable pour jouer avec un style visuel simple et des effets cheaps pour en tirer le meilleur, tandis que Yoshinari se penche moins sur le spectaculaire que son compère mais plus sur l’individu. Sauf que dans le cas présent je soupçonne sincèrement Yoshinari et le scénariste Nakashima d’avoir voulu traiter un sujet qu’ils ne maîtrisaient pas. Soit parce qu’ils s’y intéressaient pas vraiment dans le fond et se sont contenté de remplir une commande pour Netflix sans la transcender et en faisant le strict minimum, soit parce qu’ils n’avaient pas carte blanche pour faire ce qu’ils voulaient mais ça j’y crois pas trop quand on voit la gueule des la plupart de leurs séries et ce que donnait le premier film d’animation sortie au cinéma du studio.


A défaut d’être une grosse tâche dans le calendrier des animés de cette année 2020 ô combien compliquée, Brand New Animal n’arrive jamais à exploiter son plein potentiel ou à être autre chose qu’un questionnement aux réponses convenues et amenées sans passion ni surprise, en plus de survoler ses sujets et de ne s’en tenir qu’à divertir quitte à trahir son approche de départ. En fait, sans le style graphique du studio, il serait difficile de dire qu’il s’agit d’un animé Trigger tant il y a un vrai manque d’approfondissement et de couille. J’ai même eu l’impression que le staff n’essayait même pas de s’amuser un peu quand l’occasion se présentait pour créer une balance équilibrée avec les thématiques sérieuses et le concept farfelu sur le papier. On croirait plus voir un Zootopie du pauvre qu’autre chose tant ça manque de panache, de concepts poussés, d’exploitation et surtout de solidité.


Little Witch Academia avait des problèmes réels mais on sentait Yoshinari et on équipe investit dans ce qui était narré et un amour réel pour ses héroïnes et leur univers malgré tout. Alors que Brand New Animal tombe dans la facilité avec un désintéressement de sa part qui se fait sentir de plus en plus au fil des épisodes vis-à-vis de son univers et de ses enjeux également réduit. Déception accentué de la part des autres membres de l’équipe freinés par ce format 12 épisodes et peu motivé en fin de compte.
Cela dit, avec 8 titres pour les animés et un seul film sorti au cinéma, c’est encore tôt pour sortir une conclusion sur l’avenir du studio et de la troupe d’Imaishi. Mais si il ne faut compter que sur lui pour livrer une bombe à chaque occasion, ils vont vite se retrouver dans une impasse déplaisante et c’est clairement pas ce qu’on souhaite pour un studio comme Trigger.
La confiance demeure pour Cyberpunk: Edgerunners avec Imaishi à la tête de cette adaptation de jeu vidéo, mais avant 2022 il serait grand temps pour le studio de réagir bien... et vite.

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6

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