Les héros déchus sont en général fascinants. Ils sont souvent en perdition, en quête d’identité et de repères et se raccrochent désespérément à quelque chose pour s’en sortir. On peut citer l’exemple du héros de Frédéric Beigbeder, Marc Marronnier, personnage dépressif et solitaire qui cherche dans l’amour une sensibilité qu’il semble avoir perdu. Un homme perdu dans un univers qui ne lui correspond plus et qui, dans son narcissisme, cherche des raisons de continuer à vivre. Le héros de Californication, Hank Moody, s’en rapproche malgré qu’il soit dans le fond très différent. C’est un personnage qui est au contraire de son opposite naturel, évolutif. Chapitre après chapitre, il apprend de ses actes, ses choix ou ses paroles, ce qui selon la situation le pousse à la destruction ou à la rédemption. Un héros fondamentalement romantique qui puise sa force dans sa famille décomposée qu’il cherche constamment à réunir. C’est bien là le véritable intérêt et la force de la série : son ambivalence entre la débauche et l’amour véritable.

Difficile de trouver plus romantique que lui. Malgré sa volonté persistante à toujours faire des blagues quand il ne faut pas et à foutre en l’air tout ce qu’il entreprend, Hank est un héros profondément amoureux. De sa famille en premier lieu pour laquelle il pourrait se sacrifier. L’amour qu’il porte envers sa fille Becca et son ex compagne Karen est sans frontière, et sera par ailleurs le fil conducteur de la série, à partir duquel il sera placé en face de situations plus ou moins graves. L’amour des femmes également, dont il parle régulièrement. Toutes les femmes ont une qualité, un charme qui nous fera toujours chavirer, que cela soit une courbe ou un simple sourire. Hank n’est pas un simple batifoleur, c’est un homme qui persiste à croire que le romantisme existe encore, quelque part dans la cité des anges, et qui cherche à combler ce manque chaque soir à travers une nouvelle conquête, sa muse ne voulant plus de lui. Une souffrance éternelle bien évidemment car aucune de ces rencontres ne remplace l’amour véritable qu’il cherche désespérément à retrouver. Un amour souffreteux lui aussi étant donné que Karen et lui passeront sans cesse du statut de « couple heureux » à celui de « séparés dans la douleur ». Alors il serait simple de continuer à écrire des heures durant sur ce couple et ces deux personnages qui se cherchent constamment mais ils ne sont pas les seuls intéressés ici car malgré son apparence subversive, Californication est bel et bien une série profondément romantique.

Bien que l’action se situe principalement à Los Angeles, réputée pour être la ville du faux et du Rêve Américain, la volonté de la série est avant tout de donner un peu d’espoir et de remettre les choses à leur place. A une époque ou la débauche se mêle au réel et ou le sexe prend une part prépondérante, la série nous place habilement face à un panel de personnages tous plus réels les uns que les autres. De part leurs sentiments, leurs rêves ou leurs désirs. Certains attendent de l’attention, d’autres se perdent dans leur passé, leur succès ou l’adultère. Cette opposition implique que les personnages ressortent d’autant plus quand on voit le décor dans lequel ils évoluent. Comment vont-ils faire pour s’en sortir ? Arriveront-ils un jour à trouver ce fameux amour perdu ou espéré depuis tant d’années ? La troisième saison est d’ailleurs un large panel de tout cela, car elle comporte nombres de personnages qui sont tous, d’une manière ou d’une autre, à la recherche de quelqu’un qui pourrait les aider à avancer. Évidemment, dans son éternel besoin de satisfaire c’est Hank qui s’en chargera, comme il l’expliquera ensuite : « J’ai voulu leur montrer à chacune d’elles à quel point elles étaient exceptionnelles. C’est ce que tout le monde veut après tout, de la reconnaissance. » Toujours respectueux envers la gente féminine, Hank veut simplement montrer qu’il y a encore des hommes sur lesquels elles peuvent compter malgré la volonté évidente que la ville montre à vouloir éradiquer la gente féminine de sa population. Des personnages féminins d’ailleurs présentés le plus souvent sous leur plus simple appareil, et qui là encore, montrent une véritable volonté de s’inscrire dans le réel étant donné que vous ne verrez jamais une seule femme (ou très peu) retouchée par la chirurgie.

Un romantisme qui s’exprime également par la musique omniprésente et orientée rock, qui sera la plupart du temps mélancolique, nous ramenant à une époque désormais révolue dans laquelle Hank est enfermé. Dans le fond, beaucoup sont dans la même situation que lui, perdus dans un décor qui ne leur ressemble pas. Préférant fumer des joints en se remémorant le bon vieux temps ou l’on faisait réellement l’amour, ou le cinéma ne coûtait rien et ou de la bonne musique passait encore à la radio. Ici ce n’est plus l’amour au sens large mais bien l’attrait du passé, de la nostalgie qui s’exprime et ou même les plus jeunes rêvent de s’aventurer. C’est le rôle de Hank et des autres personnages, qui eux ont connus le bon vieux temps, d’aider les plus jeunes afin de sortir d’une époque où ils sont enfermés et dans laquelle ils ne savent pas comment agir. J’en veux pour cause Mia qui cherchera à tout prix à obtenir de la reconnaissance quitte à se mettre en danger ou tout simplement Becca qui malgré son attachement à son père fera tout pour le blesser afin qu’il se rende compte que ce n’est pas son rôle à elle, de s’occuper de lui.

Au final Californication se trouve être une série incroyablement riche et évolutive. Elle ne se base pas sur le seul personnage de Hank, c’est tout ceux qui sont autour de lui qui font ce qu’elle est. Constamment à la recherche d’une petite parcelle de bonheur dans une vie qui n’a plus rien à leur offrir, ils errent tous à la recherche de frissons. Mais ce qui les unit tous dans leurs désirs, c’est bien l’amour, l’amour véritable qui les à ou qui les rendraient heureux. Celui qui les pousse à avancer plutôt qu’à continuer leurs conneries comme si ils étaient encore des ados. Ce sont des personnages bien réels qui ne veulent que goûter au bonheur mais ne savent plus ce que c’est, enfermé dans leur passé plus ou moins heureux, à une époque ou tout était plus simple. Ici le romantisme est constamment présent, aussi bien dans la relation principale entre Hank et Karen que dans les autres relations sans lendemain qui permettent à chacun de trouver un intérêt à continuer le combat. Mais plus qu’une série romanesque, Californication est avant tout une série sur la vie et ses déboires. Sur les rencontres, les choix qu’on fait et les relations qu’on entretient avec les autres, qu’il restent de manière permanente ou non dans nos vies. Une série intelligente et drôle qui évolue avec ses personnages et qui trouvera toujours le juste milieu entre l’humour et le drame. Peu de séries arrivent à mêler habilement le subversif au dramatique et certaines, comme Nip/Tuck, perdent de leur crédibilité avec le temps. Californication elle, s’en sort toujours avec brio.
Florian_Bodin
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste

Créée

le 12 mars 2013

Critique lue 987 fois

5 j'aime

2 commentaires

Florian Bodin

Écrit par

Critique lue 987 fois

5
2

D'autres avis sur Californication

Californication
Mattchupichu77
6

Hank Maudit ?

Il n'est pas évident d'écrire sur Californication tant la série suscite chez moi des sentiments contradictoires. Aussi, commençons peut-être par ce qui m'apparaît comme positif : -La série est...

le 27 juil. 2013

55 j'aime

6

Californication
Julien82
6

Dream of Californicatiooooooon (Red Hot Chili Peppers copyright)

Cette série sert strictement à rien, les persos passent leur temps à faire croire qu'ils sont rebelles et cool alors qu'en fait leur souhait le plus cher est de finir ensemble comme dans les contes...

le 1 avr. 2011

31 j'aime

2

Californication
Godspeed_Ya_SoB
7

LA-Files.

A peu près le même verdict pour les 3 saisons, un Duchovny excellent (mais vraiment) dans son rôle quasi-autobiographique de looser charismatique et classieux ; N'importe qui se damnerait pour avoir...

le 15 oct. 2010

22 j'aime

2

Du même critique

A Ghost Story
Florian_Bodin
10

Laisser sa trace

A lire sur Cinématraque Nous avons tous perdu l’être aimé, dans la mort ou dans la rupture. Quand un couple se divise, ce n’est pas simplement une relation qui s’arrête, mais tout ce qu’elle a...

le 4 sept. 2017

22 j'aime

6

Monuments Men
Florian_Bodin
4

Art mineur

Depuis plus de cinquante ans, les films sur la guerre sont présents dans l'histoire du cinéma. Justement parce qu'ils servent, en général, à juger, critiquer, remettre dans un contexte ou même...

le 12 mars 2014

22 j'aime

Vanilla Sky
Florian_Bodin
9

The little things

Ce n’est pas si souvent qu’un remake soit pertinent et intelligent. Et qu’il soit en plus si bien pensé qu’il arrive à rester encore dans un coin de notre esprit quelques jours après le visionnage...

le 29 janv. 2014

19 j'aime

1