Basé sur le roman homonyme écrit par Lothar-Gunther Buchheim un authentique correspondant de propagande nazie embarqué à bord d'un U-Boot Type VIIC , Das Boot est une histoire d'hommes avant tout.
Cette histoire, c'est donc celle du correspondant de guerre Werner (l'alter-ego cinématographique de l'auteur même), qui pense venir œuvrer pour embellir l'image du IIIe Reich, homme naïf et aucunement au fait de la réalité, évidemment occultée par la même propagande pour laquelle il exerce.

Le projet d'adaptation du roman de Buchheim (paru en 1973) intéressa rapidement les studios Bacaria mais le financement hors proportion orienta le film à devenir une co-production U.S et un temps, les réalisateurs John Sturges puis Don Siegel furent attachés au projet mais le producteur Günter Rohrbach décida de ne pas aller plus avant, critiquant la manière dont l'équipe américaine voulait orienter le film, soit faire passer l'équipage du U-96 comme des bêtes nazies assoiffées de sang et de violence et non pas comme de simples hommes dépassés par la guerre.
Il fut aussi question que Robert Redford ou Paul Newman interprète le Kaleun (abréviation de Kapitänleutnant, soit Capitaine-lieutenant, correspondant au grade de Lieutenant de vaisseau dans la Marine Nationale française)et on a donc échappé à une "Hollywoodisation" et ce, même si j'apprécie les deux acteurs U.S.
Mais un film allemand traitant d'allemands se doit d'employer des acteurs allemands, right ?

Bien sûr, ce fut finalement Wolgang Petersen et Jürgen Prochnow (Rutger Hauer fut sur les rangs pour interpréter le Kaleun car plus jeune que Prochnow, mais opta finalement pour le projet Blade Runner) qui embarquèrent dans l'U-96.

Ce fameux U-96 - l'immatriculation de cet U-boot (dénomination germanique pour Unterseeboot, soit bateau sous-marin) appartenant à la Wegener Flotilla (surnom de la 7. Unterseebootsflottille) -, il fallut le refabriquer car celui-ci a bel et bien coulé mais pas en 1941 comme dans le film, mais en mars 1945 dans la rade de Wilhelmshaven (Saxe) lors d'un raid aérien de la 8th Air Force (USAF).

Et comme il n'y avait évidemment plus de Type VIIC en circulation (modèle dont était issu le U-96), la production vola jusqu'au Chicago's Museum of Science and Industry pour emprunter les plans du dit modèle de submersible (récupéré après la guerre).

Ainsi, plusieurs modèles furent construits:

  • deux en tailles réelles (un pour les scènes en extérieur, l'autre pour les scènes d'intérieurs et montés sur des vérins hydrauliques pour simuler les mouvements)
  • un de 10 mètres de long pour les plans larges en plongées, un de 5m48
  • et un dernier plus petit (2m43) pour les scènes sous-marines.

Celui en taille réelle pour les extérieurs fut d'ailleurs emprunté par un certain Steven Spielberg pour un petit projet intitulé Raiders of the Lost Ark, et il faut croire que l'info ne dut pas être relayée correctement car lorsque l'équipe de Das Boot apparut au petit matin, leur U-96 n'était plus là...

Le tournage se déroula sans réels problèmes, excepté que le sous-marin à l'échelle 1 fut détruit lors d'une nuit et que la prod dût mettre le film en pause pendant un mois pour le rafistoler tant bien que mal pour la scène finale se déroulant au port de La Rochelle.

Il est à noter que le film a été tourné en muet, car les machineries diverses utilisées pour le tournage en huis-clos (car oui, le film a réellement été tourné dans cette carlingue de moins de 4 mètres de large sans les accessoires latéraux, donc comptez un passage ouvert de moins de 1m60) empêchaient toutes captures vocales.

Anfang by Klaus Doldingerhttps://www.youtube.com/watch?v=HLklMMicZ1w&list=RDHLklMMicZ1w&start_radio=1&t=53

C'est donc en embarquant dans les entrailles humides et étouffantes du U-96, que le Leutnant Werner va faire connaissance avec l'équipage.
Mais surtout il va devoir affronter la peur, la solitude, l'indécision et l'excitation, selon les épreuves que le submersible aura à traverser.

Menés par le Kaleun Willenbrock (époustouflant Jurgen Prochnow) et secondé par Nummer Eins (le seul nazi convaincu de l'équipage), Nummer Zwei (un chouette gars) et l'indispensable Leitender Ingenieur, les sous-mariniers - d'abord exaltés par leur mission patriotique - vont essuyer maints revers de la fatalité qui vont les faire douter de leur(s) capacité(s) à surmonter tout cela...

Magnifique huis-clos d'un réalisme prégnant, le chef-d’œuvre de Wolfgang Petersen (Die Unendliche Geschichte) nous entraine dans les profondeurs de la psyché humaine. Le U-96 étant un microcosme, l'équipage se sent isolé et vulnérable.

La claustrophobie, la promiscuité, l'ennui, l'impression d'être oublié du monde extérieur, l'aveuglement accordé aux ordres venus de l'autre monde (l'extérieur) font que de terribles tensions vont naitre dans le corps du Leviathan d'acier.
Mais le paternalisme et la fermeté de Willenbrock saura les guider dans cette course obscure à la victoire...mais quelle victoire ?

Le U-Boot étant devenu une extension de son équipage, l'on frémit avec eux lors des multiples avaries (mines, chute dans les bas-fonds de l'océan...) et lorsque le récit les ramènent (rarement) à la surface, c'est une bouffée d'oxygène (et pour eux et pour nous en tant que spectateurs) provisoire. Et la claustrophobie de nous gagner à nouveau, tandis que Petersen nous traine de force dans les coursives exiguës et inhumaines du U-96.

Un personnage invisible est aussi de la partie: il s'agit de la magnifique partition de Klaus Doldinger (qui retrouvera Petersen sur son film suivant Die Unendliche Geschichte), participant grandement à la tragédie en devenir.
Le thème principal (Titel) est d'ailleurs splendide de mélancolie et est identifiable au premières notes.

Titel by Klaus Doldingerhttps://www.youtube.com/watch?v=JJv9hwcTTqw&list=RDHLklMMicZ1w&index=3

Ce film ne traite pas tant de la guerre en tant que telle (nous ne verrons presque rien du conflit mondial), ni du nazisme (l'équipage étant avant tout dévoué au Kaleun, excepté Nummer Eins) mais plutôt d'une société humaine vivant en autarcie et ce,dans un milieu forcement hostile.
Ce qui provoque en nous une réelle empathie envers ces galériens modernes, de n'importe quels bords qu'ils soient.
Il y est aussi question des errements d'une bureaucratie déshumanisée laissant errer leurs navires au gré des vagues dans l'attente d'un coup de chance et soudain, de les envoyer faire une mission impossible dans un endroit inaccessible en tant de guerre...

Et tandis que le U-Boot

retourne enfin à son port d'attache, c'est un soulagement réel qui nous étreint de par toute l'aventure que nous venons de subir en son sein (nous jubilons donc avec l'équipage, devenu presque comme une seconde famille), la scène finale en devient inexorablement déchirante.
En fait, je qualifierais la scène finale de brutale, comme un lugubre retour de manivelle à la réalité extérieure, celle de la WWII...
Et lorsque le U-96 disparait dans l'obscurité éternelle - leur microcosme étant devenu le nôtre (sensation encore plus prégnante dans le montage télé Original Uncut de 4h53) -, c'est un peu comme si nous perdions un ami

très cher...

Donc pour les plus distraits, il existe plusieurs versions de ce chef d'oeuvre:

  • Original Theatrical Cut initiale de 149 minutes,
  • BBC miniseries avec trois épisodes de 100 minutes (donc une durée totale de 300 minutes, pour les nuls en math),
  • Director's Cut de 209 minutes (amalgame de la version ciné + quelques séquences issues du cut TV,
  • la Original Uncut Version ( cinq épisodes de 50 minutes (pour une durée totale de 308 minutes, génériques de début et de fin +flashbacks reprenant la fin du précédent épisode à chaque fois).

Pour faire bref, je vous recommande de voir évidemment la mini série de 5 h car c'et la seule version qui vous permet de vous identifier totalement à l'équipage du U-96 et de vous morfondre en leur compagnie, de vivre la solitude des sous-mariniers dans ce petit cigare de métal insalubre.
En effet, il faut attendre plus d'une heure trente avant qu'un évènement majeur n'arrive à l'équipage et de fait, cette langueur reflète ce qu'était le quotidien de ces hommes confinés dans le submersible, à la merci d'ordres envoyés sporadiquement et aléatoirement...

ENDE by Klaus Doldinger:
https://www.youtube.com/watch?v=3-o60s397H4&list=OLAK5uy_kT5KKg8ArQHAEHziZ6kKM7qgvBuXYh36E&index=18

Franck_Plissken
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le 21 mars 2023

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