Un arrière goût de sable

Quel gâchis que cette série qui démarrait si bien et aurait pu être une oeuvre bien plus ambitieuse que ce qu'elle s'avère être au final.

Je précise donc par avance qu'il y aura des spoilers dans la critique.

Le début est du grand art avec une partie de ping pong mental qui démarre entre deux protagonistes géniaux, ce qui tient parfaitement en haleine et augure du très bon pour la suite.

Malheureusement là où l'oeuvre aurait pu entrer en profondeur dans une réflexion sur la justice, le fonctionnement de la société et la notion globale de bien et de mal, celle ci se borne finalement à n'être qu'une banale enquête policière légèrement teintée de fantastique.

En effet, si le personnage principal est travaillé et a clairement un plan et une vision ( auxquels on adhère ou pas, là n'est pas la question), tous les autres se bornent à simplement vouloir l'arrêter et ce sans aucune réflexion idéologique, Kira est méchant nous on est gentils on doit l'arrêter point.

J'ai trouvé cette vision manichéenne digne des plus grands dessins animés pour moins de 10 ans particulièrement écoeurante et hypocrite car manquant cruellement de profondeur.

En effet, même lorsqu'il est constaté que les agissements de Kira font baisser le taux de criminalité, les bras armés de la justice que sont le bureau d'enquête n'esquissent toujours pas l'ombre d'une remise en question et restent obstinés à accomplir leur mission bête et méchante.

A aucun moment ne sont abordés les causes de toute cette violence sociale ni même les raisons qui font que l'Homme a toujours évolué dans la guerre et les meurtres.

Toujours dans le même esprit, il semblerait que nos chers dirigeants politiques pourtant à l'origine de tant de vices dans ce monde soient très clairement épargnés par Kira, leur rôle macabre dans le pourrissement du monde ne doit pas être le même dans le manga que dans notre réalité.

Là où tout cela était supportable jusqu'à la mort de L car les personnages portaient l'histoire et que le rythme était intense, toute cette accumulation de clichés devient à vomir dans la 2e partie lorsqu'apparaissent les nouveaux génies voués à traquer Kira que sont Near er Mello ( N&M).

Penchons nous d'ailleurs un peu sur les personnalités de ces enquêteurs de choc, pourquoi donc ont ils tous l'air d'avoir un trouble autistique?

Il est vrai que ce groupe d'individus est réputé voir les choses peu visibles au plus grand nombre et être capable de se focaliser à fond sur une tâche mais cela confirme encore malheureusement ma théorie de l'enquête bête et méchante, N et M sont juste 2 gamins qui font font joujou et veulent arrêter Kira en premier.

Je passe sur le rôle des seconds couteaux comme Matsuda et Aizawa qui sont inutiles tout le long du manga et finissent seulement voués au rôle d'indic de N dans la seconde partie, agaçants au possible.

La scène finale achève cette impression de gâchis quand lors de l'ultime face à face entre N et Kira ou celui ci expose son plan et sa vision; on pourrait alors penser que N va contre attaquer en exposant la sienne? Il n'en est est rien et il rétorque bêtement vouloir arrêter Kira car c'est un tueur.

Il n'y alors plus rien à espérer et nous remercions presque Ryuk de mettre fin à ce calvaire de façon rapide.

Je passe aussi sur le rôle devenu finalement très limité des dieux de la mort alors que la relation entre Ryuk et Light était si intéressante au début.

La fin extrêmement rapide n'apporte aucun éclairage sur les conséquences de la disparition de Kira et même Misa passe clairement à la trappe alors qu'elle était un personnage essentiel qui avait quand même divisé sa vie par 4 pour obtenir les yeux de la mort.

Finalement que retenir de Death Note en ce qui me concerne?

La première partie est géniale car pleinement prenante et porteuse de beaucoup d'espoirs pour la suite mais la seconde perd complètement pied en ne sachant plus quoi faire du concept de base, en s'engluant totalement dans les pires clichés du manichéisme et surtout le plus rédhibitoire à mon sens, en ne proposant aucune réflexion philosophique.

Je ne sais pas quel était le projet et la vision de l'auteur en commençant cette oeuvre, souhaitait il simplement créer une histoire policière autour d'une bonne idée ou avait il vraiment une réflexion à partager dont il n'a finalement pas su quoi faire?

Pire encore, a t'il été bridé par son éditeur car le sujet traité était tabou?

Je garde en tout cas un goût d'amertume comme si l'on m'avait ôté un excellent ingrédient de la bouche au moment où je comptais l'avaler et en apprécier toutes les saveurs ou encore comme si j'avais croqué une pomme du monde des dieux de la mort.