Euphoria
7.8
Euphoria

Série HBO (2019)

Voir la série

Critique de EUPHORIA par CASSETARACE

Dans la "promesse Euphoria" on semble d'abord distinguer les films de Larry Clark, de Gus Van Sant voir même de Alan Clarke. Pourtant dans la "réalité Euphoria", il faut reconnaitre que nous faisons face à autre chose. Une chose qui sans être de fait, éloignée de sa promesse, s'entoure d'autres éléments vitaux.
Vital à son sens presque freudien, c'est à dire qui permet une existence nommée plus qu'une réelle capacité à survivre. En effet la série aurait pu être une revisite du genre de la série thème "highschool américain" sur les bases déjà solides d'un réalisme cru de Larry Clark ou Harmony Korine. Pourtant Euphoria semble, dans sa vitalité justement, se tenir à distance de ces aspirations.
Puisque qu'au contraire, nous avons droit tout du long à un défilé d'exagérations, parfois douloureuses. Les personnages sont trop beaux, trop bien habillés, les fêtes sont trop grandes, les amourettes trop amplifiées. La série se permet des gestes de beauté inexpliqués. Ce sont pourtant ces combinaisons qui font exister vitalement la série, qui la font connaitre, qui la rendent accessible, et donc qui la font perdurer.
Mais il serait présomptueux de penser que c'est à cela que s'arrête l'objet de la série. En fait c'est peut être même uniquement au delà de cette existence, que son objet commence. Puisque, dans cette existence première (peut être superficielle oui mais alors en son sens latin : qui concerne la surface) sont distillées des observations, devenues commentaires, de la réalité adolescente depuis disons les années 2010.
Et c'est justement là que se concentre la vraie "vie Euphoria", la vie promise. Une vie sous la surface littérale (puisque ces exagérations superficielles ne sont que formelles). Il est impossible d'ignorer la pertinence nouvelle qu'offre la série sur une myriade d'enjeux adolescents. Je ne vais pas rentrer dans les détails car une analyse comparative brute des composantes scénaristiques ne m'intéresse pas. Il est évident que je pense aux questions liées à la cyber sexualité, aux échanges sociaux contemporains, aux addictions multiples qui ont toutes déjà eu droit à des commentaires ici ou ailleurs.
Mais je voudrais tout de même, car il constitue à la fois un bon exemple mais aussi car il a été à mon sens largement ignoré, accorder quelques mots à l'environnement "socialo géographique" que dépeint la série. Nous sommes dans une ville de "suburb" américaine classique, peut être californienne. C'est une petite ville sans animation. Tout le monde semble s'y connaitre de près ou de loin. Elle n'est jamais nommée et encore moins saisie à hauteur monumentale ou supra humaine. Les rares plans de paysages sont ceux contenus lors de trajets en voiture, comme un jeune sur le siège arrière parental en ferait l'expérience. La ville est limitée à des centres nerveux dont la présentations aux spectateurs est liée à leur fréquentation par les adolescents. Ainsi nous pourrions diviser la ville en un lycée (évidemment), un centre commercial, l'appartement du dealer local et plus accessoirement la fête foraine lorsqu'elle a lieu. Cette combinaison qui parait bêtement simple est pourtant très juste. Cette échelle réduite sait se tenir aux strictes réalités de l'ennui dans une petite ville de presque campagne (sentez vous l'expérience d'un ancien lycéen périurbain qui parle ?). Il serait je l'imagine tentant de nous amener dans des lieux plus excitants pour l'œil et pour l'histoire, mais à l'inverse de ce qui est parfois reproché à la série, ici tout a été retenu dans un cadre à la crédibilité vivante.
Et dans ces centres nerveux, grandissent, littéralement, les personnages. C'est la structure genre "série" qui le veut. Pour reprendre une formule de Gide, l'enfant (prenons le au sens large) est encore un matériau informe, non pas sans forme mais dont la forme n'a pas pris fin. C'est là que nous comprenons l'intérêt d'un développement des protagonistes adolescents sur une chronologie en années . Nous comprenons donc aussi l'intérêt des souvenirs nous ramenant à des stades encore plus informes (in-formés). Nous sommes témoins de matériaux en cours de gestion, rendant alors chaque perturbation plus intense.


C'est sur ces idées que se tient ma défense générale de la série Euphoria. Si elle n'est pas ce qu'elle semble être pour certains, elle n'est pas non plus ce qu'elle semble être pour d'autres. Euphoria est en équilibre constant entre le drama teen movie sans intérêt et l'approche réalisticosociale de l'adolescent malheureux, peut être tout aussi vide d'intérêt aujourd'hui. C'est un équilibre qu'il faut accepter. Il faut l'accepter car il permet d'amener un nouveau public, habitué à la facilité visuelle et morale que l'on connait, à se confronter à des éléments de drames rares mais brutaux. Confrontation qui, j'en cultive l'espoir, ne sera pas abandonnée par ce public car inhabituelle, mais au contraire saluée et appréciée. Et équilibre qu'il faut accepter car il est peut être le signe d'un nouveau réalisme au cinéma. Un nouveau réalisme comme celui de Niki de Saint Phalle ou de Arman, qui dans son accumulation d'imageries de consommation issues des arts "populaires" (pour un besoin vital nous y revenons) cache une promesse de vie secrète et dissimulée comme celle de cette toile de Courbet ????

CASSETARACE
9
Écrit par

Créée

le 21 févr. 2022

Critique lue 132 fois

CASSETARACE

Écrit par

Critique lue 132 fois

D'autres avis sur Euphoria

Euphoria
HALfrom2046
5

Spleen et Idéal

Immédiatement amalgamée avec 13 Reasons Why et Skins, la nouvelle série HBO avait de quoi effrayer. L’appréhension grandit encore à la lecture du synopsis. Rue, 17 ans, est déjà une grosse toxico...

le 20 févr. 2023

62 j'aime

Euphoria
UniversLworld
3

Bites à gogo

Hormis l'esthétique, je n'arrive pas à apprécier cette série, alors qu'elle est carrément adorée par la majorité des spectateurs. La psychologie, le comportement et les névroses des personnages sont...

le 1 avr. 2020

52 j'aime

Euphoria
JobanThe1st
10

Pop, dépressif et résolument moderne

(article disponible sur PETTRI.COM) Quand deux des personnalités les plus importantes de la pop culture actuelle se retrouvent sur un même projet, aussi dantesque que passionnant, on ne peut que...

le 12 nov. 2019

38 j'aime

2

Du même critique

Born Like This
CASSETARACE
10

Tenir le fil dans le chaos

Dès le début l'album s'affiche comme un retour aux sources, mieux encore une quête originelle. La pochette arbore ainsi un masque taillé dans la pierre, comme si il avait (presque) été toujours là,...

le 29 janv. 2020

8 j'aime

The Unseen
CASSETARACE
10

La composition dans l'absolu

Voilà un petit album signé par un certain Quasimoto. Quand vous tapez son nom sur google tout ce que vous trouvez c'est le dessin d'un cochon humanoïde jaune souvent accompagné d'une brique rouge. En...

le 20 mai 2019

6 j'aime

1

The House That Jack Built
CASSETARACE
9

Dysfonctionnement culturel

On le sait, Lars Von trier n'est pas très optimiste. Il commençait à explorer l'Hémorragie Sociale, que théorisait Lévinas, dans Dogville ou le plus connu Dancer In The Dark. Oui déjà la société y...

le 5 janv. 2020

3 j'aime