Jupiter's Legacy
5.4
Jupiter's Legacy

Série Netflix (2021)

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Je n'étais pas parti pour rédiger une critique sur cette série, mais en lisant les critiques d'autres membres, j'ai pas pu résister face à tant d'indigence dans l'argumentaire.


Jupiter's Legacy met de sérieuses mandales dans la tête de beaucoup de séries de Supers.


Ok, celle-ci n'a pas la folie décomplexée de The Boys, mais quand il s'agit d'explorer les côtés sombres des supers, les thématiques sont tout aussi riches, diverses et bien souvent plus subtiles.
Dans The Boys il est question d'hybris, de déviance, de perversion et de course à l'image et la célébrité.
Ici, il va être question aussi de l'hybris du pouvoir, mais aussi on va explorer tout simplement le thème de la peine de mort.
Un être doté de supers pouvoirs a-t-il le droit de prendre des vies, s'arrogeant ainsi le rôle de juge, jury et bourreau.
Un individu peut il donner la mort en dehors d'un système judiciaire, donc d'une société ?
Le super est-il au dessus des lois ?


J'ai lu ici ou là des gens qui raillaient le fait que cette famille de héros là soit croyante (ils récitent le bénédicité au repas). Déjà, on notera que c'est pas quelque chose qu'on a souvent vu, que je sache.
Et je trouve, au contraire, que ça donne un côté bien plus ancré dans la réalité des USA que bien d'autres séries "hors sol" où l'on évitera soigneusement de ne pas frôler cette question par peur de perdre du spectateur. On est en droit de se demander comment des êtres "supérieurs" se confrontent à la spiritualité et élaborer un "code" de valeurs compatibles.


De plus, l'idée (assez géniale je trouve) de faire débuter l'origin story à la crise de 1929 éclaire complètement les choix et les manières de penser de la génération des anciens héros.
"Nés" à la suite de la première grand crise du capitalisme, la première génération de supers se voit confrontée à la jeune génération issue d'un monde de nouveau en crise, sociale, économique, écologique et morale.


D'ailleurs, on notera la superbe mise en image de cette crise : la grande Depression (c'est évocateur ! ) de 1929 aux Etats-Unis.
Les décors, les lumières, la photo, le cadre, tout est parfait pour rendre la dureté extrême de cette époque que l'on a peu l'occasion de voir dans les productions US. Et pour cause !
Où peut on voir que la grande puissance qu'étaient déjà les usa était alors parsemée de bidons- villes et que les queues devant les magasins étaient habituelles ?
On a parfois l'impression qu'on va tomber sur les photos de Dorothea Lange ou sur un passage des Raisins de la colère de Steinbeck.


Les débuts de l'origin story ce sera d'abord une descente aux enfers où Utopian part de son cadre d'homme riche pour sombrer tant dans la folie que dans le dénuement le plus total.
Il donne son dernier dollar, erre dans un désert où se rencontrent autant des âmes charitables (famille d'immigrants) que des fantômes et des morts, dans une ambiance de fin du (d'un) monde.


Ce passage est vraiment brillant, n'en déplaise aux névrosés du rythme qui ne supportent pas la moindre ambiance ou une autre forme de dialogue qu'un enfilage de punchlines bien senties.


Un thème se détache aussi à partir de là et qui est toujours central dans les représentations de l'Amérique : le leader.
Alors d'accord, ok, Utopian dit le contraire, c'est son credo : "We don’t kill. We don’t lead. We inspire."
Mais dans les faits c'est bien ce qu'il est. Et c'est un de ses problèmes.


Sheldon Samson(héros biblique aux longs cheveux^^), The Utopian est LE leader.


Il conduit les premiers supers héros au départ de l'histoire, contre vents et marées au sens littéral. Il a une volonté sans faille et sans cela, ils ne font que se bouffer entre eux, se diviser et n'avancent pas vers le but ultime qui LUI a été annoncé (religion révélée... ?...allusion t'as vu^^).


On va se faire une petite métaphore : à la fin du XIXème siècle aux USA il y a du foot (soccer) et du rugby dans les universités. Et puis naquit le football américain, mélange des 2 à la sauce locale. Résultat : le jeu lui même donne LA place principale au quarterback. C'est le leader, la force motrice et le stratège.
Devant lui, tout le monde est à peu près anonyme (les gros et les qui-courent-vite), mais lui doit endosser la responsabilité du jeu et de la gagne.
C'est lui qu'on célèbre et celui qu'on voit. C'est sur lui que la pression est maximale. C'est le modèle à suivre.
Il en va de même pour the Utopian qui, dans la partie contemporaine, montre toute l'usure et la lassitude qu'il ressent après des décennies de leadership. Et cette usure morale se comprend d'autant mieux qu'il a établi ses valeurs et son "Code" dans une époque révolue.


Le choc de génération est là.
Et tous ces jeunes héros vont devoir se dépatouiller tout un tas de choses.


"Ton père (/chef de l'Ordre) est parfait et tu dois prendre le relais et être à la hauteur de la tâche (le fils)". "Tu dois te mettre au service des autres et vivre une vie exemplaire, t'as pas le choix (la fille)."
"Tu ne dois utiliser tes pouvoirs que pour faire le bien" : un peu tous les autres jeunes se répartissant des 2 côtés de barrière morale, certains bons petits soldats et d'autres petits voyous.


Et un des principaux propos de cette première saison est leurs réactions face à la tentation de tuer.


Menacés plus gravement que d'habitude (certains sont tués) l'envie de rendre la pareille se fait jour et devient une tentation lancinante chez la plupart d'entre eux, y compris chez Lady Liberty, la femme de Sheldon/The Utopian.
On rajoute d'ailleurs une couche aux crises puisque c'est tous les membres de cette famille qui sont touchés. Entre le mari et la femme, entre le père et les enfants, le frère etc...


Et cette famille dysfonctionnelle ET dotée de pouvoirs invraisemblables vit dans notre monde actuel dans lequel la high-tech et la violence font des ravages, dans un cadre où le capitalisme est toujours triomphant.
Tous les excès sont à portée, drogue, alcool...
La jeune Chloé, la fille rebelle depuis le début, en confrontation avec son frère trop sage, préfère l'autodestruction et s'exclure de ses responsabilités alors que son frère, à force de ne pas "exploser" va violer le "Code".


D'un point de vue plus subjectif...
Personnellement, j'aime bien cet aspect fatigué de The Utopian. Le vieillissement est bien mieux réussi chez lui que chez les autres "anciens". Il a ce côté Zeus/Jupiter des statues antiques avec un petit chouia de héros biblique. (à noter la petite ref au père noël aussi par la nièce super bad ass^^)
J'ai adoré la scène et le visuel de l'accession aux pouvoirs. Une touche un peu 80's sans être trop kitch et un vrai climax bien amené. Je me retiens de vous faire toute la symbolique visuelle de la quête sur l'île parce que j'ai déjà trop écrit et j'ai du perdre la plupart des gens^^ mais ça le mériterait.
Un détail. Au début ça m'a choqué et je me suis dit que ça allait me gêner et puis c'est le contraire qui s'est produit, j'ai bien aimé : ils et elles GUEULENT. Quand ça se fighte, ça beugle.
En fait ça rajoute un effet de sauvagerie tout à fait sympa je trouve.


                                                       ------------------------------------- 

Pour résumer, cette série de super héros de par un ancrage d'origine dans une époque honteuse de l'histoire américaine et une variété de thématiques originales et parfois inédites, est très rafraichissante.
À l'heure où la concurrence ne joue plus que sur la forme (Wandavision) et s'est épuisé complètement sur les thèmes abordés (raisons économiques et/ou morales : faut être consensuel pour que ça soit rentable).
Il y a quelques très belles séquences et on sent une vraie réflexion chez le showrunner.


J'espère que la suite, si elle est produite, sera à la hauteur de cette première saison prometteuse.


Ha ! et sinon. J'ai lu dans presque toutes les critiques que les CGI (effets spéciaux) étaient tout pourris. Je suis pas expert, mais je lis ça dans 90% des trucs où il y a des CGI et que c'est toujours dégueulasse. Alors je pose une vraie question. Quelle série (ou film) de vrais bons effets
spéciaux ??? Je cherche des références. Merci.

Althalionn
8
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le 9 mai 2021

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Althalionn

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