Critique des deux premiers épisodes

Je tiens aussi à dire que je ne suis pas un lecteur de Tolkien, j'ai simplement vu les films, donc je ne concentrerai pas sur le storyworld, je laisse ça a d'autres qui seront sûrement meilleurs pour la tâche

Jamais « la montagne qui accouche d’une souris » n’aura été aussi juste que pour Rings of Power. Entre les dialogues clichés de piliers de bars qui tentent de faire des grandes phrases à coup de généralisations pour se donner un air de sagesse, la narration tellement bourrée d’ellipses et d’approximations dans sa structure qu'il est difficile par moment de joindre les deux bouts, le montage totalement aux fraises qui arrive à achever le peu de scènes pour lesquelles il y avait un brin d'espoir, et la réalisation dans la droite lignée du Hobbit et de ses prises de vues sans réelle ambition de narration visuelle, c'est vraiment difficile de trouver quoi que ce soit d’intéressant.

Concernant l'image, si elle est globalement léchée, elle manque clairement de rugosité et par là d'une matérialité dont sont déjà dépouillés bon nombre d'éléments présentés dans l'univers, ce qui rend le tout très fantomatique et sans impact. Je passe vite fait sur l’éclairage parfois approximatif en terme d’exposition et de cohérence avec les background fond vert qui font vraiment facepalm quand on voit le budget.

Concernant l’écriture, entre les dialogues insipides tel que celui entre Galadriel et Elrond après que cette dernière soit rentrée à la cité elfe et les conneries du genre "cet endroit empêche le feu de nos torches de produire de la chaleur" (Donc le maléfice empêcherai le feu de produire de la chaleur d'une torche mais pas d'un corps humain?) Ou encore cette métaphore sans queue ni tête du début avec le frère de Galadriel que je vais remettre telle qu'elle ici (ne n'est pas vraiment un spoiler, vu qu'elle arrive dans les premières minutes du premier épisode) :

" FINROD - Est ce que tu sais pourquoi un navire flotte, contrairement à une pierre? Parce que la pierre ne regarde que vers le bas. L'obscurité des abysses est immense et irrésistible. Le navire ressent aussi l'obscurité qui s'efforce de le contrôler pour le faire sombrer. Mais le navire a un secret. A l'inverse de la pierre, son regard est tourné vers le haut. Il fixe la lumière qui le guide et lui murmure des vérités insues de l'obscurité.

GALADRIEL -Mais parfois la lumière se reflète aussi intensément dans l'eau qu'elle brille dans le ciel. Il est difficile de distinguer le haut du bas. Quelles lumières dois-je suivre?

FINROD -Il est parfois impossible de le savoir avant d'avoir embrassé les ténèbres."

Je me demande juste : comment est-il possible d'écrire dans une séquence d'ouverture d'un show à un milliard de dollars quelque chose d'aussi complaisant dans sa vacuité. Un bateau qui regarde vers le ciel? Et c'est ce qui l'empêche de sombrer dans les abysses? Parce qu'il suit une lumière? Contrairement à une pierre qui elle va naturellement aller vers le fond, parce qu'elle regarde en bas? Vraiment? On a atteint ce niveau d'ineptie même dans les métaphores?

Galadriel étant d'ailleurs probablement l'un des protagonistes féminins les plus mal écrit qu'il m’ait été donné de voir ; réflexion faite, l'un des protagonistes les plus mal écrit tout court : une Mary-Sue dotée de toutes les qualités, qui ne se trompe jamais, et est entourée d'incapables uniquement là pour la valoriser. Ce genre de personnage hélas n'est séduisant que pour le demiurge souhaitant y projeter une femme fantasmée et déconnectée de toute forme d'imperfection et donc d'humanité. Combien seront ceux qui s'identifieront réellement dans ce personnage? Pas moi en tout cas. Rajoutez à cela Morfydd Clark, dont l'interprétation réduite à une expression constipée et à des grimaces grossières est à la hauteur de l'écriture de son personnage, et on obtient une engeance qui aura tôt fait de réduire toute forme d'intérêt à zéro.

Maintenant comment Galadriel aurait pu être écrite pour être intéressante?

Déjà poser des bases vraiment solides en construisant ses objectifs et amenant spectateur et spectatrice à vivre avec elle la raison de son désir de vengeance. Ici tout est catapulté en un prologue de vingt minutes top chrono qui aurait à lui seul mérité une saison entière pour bien impliquer dans la construction de l'objectif qui la guide. il n'y a juste rien, on ne sait rien de la relation qu'elle entretenait avec Finrod, on ne sait rien de l'importance de son frère à ses yeux, tout nous est dit et répété mais rien n'est jamais montré. Couplez à cela le jeu (ou plutôt le surjeu) d'acteur de Morfydd Clark, et on obtient un personnage sans construction préalable auquel on nous demande d'adhérer sans concessions mais qui ne fait finalement aucun effort pour la générer.

Ensuite construire des dialogues qui ne rendent pas le personnage insupportable tout le temps et qui laissent filtrer des faiblesses, le fameux Sacred Flaw cher à Will Storr. Après tout, construire un personnage principal antipathique est une entreprise risquée, et ce dans la mesure où c'est lui qui va soutenir l'intrigue, et que le degré d'investissement d'un lecteur ou d'une lectrice se fera à l'aune de l'appréciation qu'il a pour le personnage. Et c'est là où est l'erreur chez Galadriel, le personnage est construit de manière involontairement méprisable, et ses comportements ne sont jamais remis en question par l'écriture, et c'est la volonté du show de faire ressortir cet aspect : sa façon d'être est justifiée, et donc peu susceptible d'un quelconque changement. Et bien bonne chance pour faire un personnage principal attachant avec ça...

Spoilers maintenant. Passons vite fait sur la recherche de Sauron, encore une fois, ça aurait pu être intéressant, mais c’est extrêmement mal construit d'un point de vue de la narration et le montage qui coupe juste après que ses soldats aient décidé d'abandonner les recherches contre les ordres de Galadriel m'a rendu fou honnêtement. L'occasion était pourtant merveilleuse pour générer du conflit et développer l’obsession de Galadriel pour la recherche de Sauron, mais non, encore une fois le spectateur peut aller se faire foutre. Concernant le cadre même de l'intrigue, aller chasser Sauron avec dix elfes qui peinent dans un combat contre un troll des neiges/glaces montre clairement les faiblesses de l'écriture. Si cette dernière semble préférer les petites victoires à court terme comme la mise en valeur démesurée de son héroïne principale dans un combat que j'ai personnellement trouvé franchement ridicule (entre le saut sur l'épée et les rotation d'épée du poignet face à la camera, difficile de prendre ça au sérieux) en comparaison de ses compagnons elfes qui se font méchamment rosser, c'est hélas au détriment d'un impact sur le plus long terme. On aurait pu développer une forme de conflit entre à la fois son désir fort de vengeance et son amour fraternel pour ces elfes qui ont choisi de quitter terre natale et famille pour la suivre dans cette entreprise potentiellement mortelle. Et ça aurait été ce lien qui aurai permis de créer une confiance qui à son tour aurait permis de surpasser ensemble les obstacles dont le troll. N'était-ce pas là le message de la trilogie originale? L'importance de la compagnie et de la communauté? Mais pas ici, elle est dépeinte comme une commandante inhumaine qui voit clairement ses hommes comme des pions dont elle peut disposer à l'envi et qui semblent plus la ralentir qu'autre chose, et aucune piste d'amélioration en vue hélas.

Il y a ensuite la traversée à la nage pour rejoindre la terre du milieu qui elle est… comment dire ça poliment…Juste risible? A quel moment est-il possible d'écrire une telle scène sans même se poser la question de l'adhésion des spectateurs et spectatrices? D’autant plus qu’après avoir nagé sans une once de fatigue, elle finit par tomber sur… un radeau…au milieu de l’océan. Vraiment ? On est à ce niveau-là de scenarium? Je passe sur l'avalanche de deus ex machina nécessaires pour la faire sortir d'une situation dans laquelle elle s'est mise, je suppose, parce que le scénariste s'est tout simplement dit "c'est cool" en l'imaginant se jeter a l'eau...

Quelques scènes ont tout de même eu le mérite d'avoir un peu d'intérêt, je me rappellerai surtout de :

Celle entre Elrond et Durin, dont le dernier reproche à Elrond de ne pas être venu le voir pendant 20 ans, lui a eu le temps de se marier et d'avoir des enfants. Ça m'a pas mal fait penser à Frieren et à son décalage avec la durée de vie qu'ont les autres mortels. La scène est portée sans grande ambition dans la réalisation, mais bon, c'est toujours ça de prit. Et je trouve aussi que la scène ou Arondir arrive dans le bar et où l’humain est exaspéré que les elfes les surveillent et les soupçonnent apporte de l’intérêt même si clairement mal construite, manquant de tension. Et le début de combat avec arrêt de poing sans regarder de la part d'Arondir, n'arrange pas les choses, on reste en mer des clichés.

Mis à part ça, honnêtement peu d'intérêt, toute la section sur Arondir (les angles, ses fins de mois, mais en tout cas, pas son QI à la dizaine supérieure quand on sait ce qu'il se passe dans l'épisode deux) est globalement bourrée de clichés :

Début d'histoire d'amour sans intérêt vue et revue un milliard de fois, la caractérisation Arondir, la vision des péons etc... Le seul truc intéressant semble finalement mis au banc, à savoir le fait que les humains de ces terres ont collaboré avec Morgoth si j'ai bien compris, ce qui est plutôt cool pour générer des personnages ambigus. Mais j'ai bien peur que le seul personnage ambigu auquel le spectateur aura droit sera un enfant avec un développement presque inexistant durant deux épisodes, lequel aurait pu être intéressant si on connaissait et comprenait un peu les relations que ce dernier entretenait avec sa figure paternelle qui semble être le possesseur originel de l'épée. Pareil pour la mise en place de la menace invisible qui guette les habitants de ces terres est vraiment mal mise en tension. On nous montre une vache qui pisse un liquide noir et un village visiblement mis à sac par des orques qui utilisent des galeries pour se déplacer. Plutôt que de ressasser une sempiternelle romance sans intérêt destinée à combler le manque d'imagination du scénariste, j'aurai sérieusement préféré qu'on mette plus d'emphase dans la construction du malaise par rapport à tout un tas de signes qui laissent penser que quelque mal est à l’œuvre sur les terres en question. Cela aurait permis de laisser planer une forme d'ambiguïté qu'on aurait pu interpréter comme de la paranoïa des elfes vis à vis du retour des suppôts de Morgoth ou Sauron. Mais non visiblement le scénariste encore une fois botte en touche et préfère développer une liaison sans intérêt plutôt que son intrigue.

Note sur quelque chose qui m'a tout de même fait rire et qui renforce mon point encore une fois sur le besoin des scénariste d'obtenir des victoires à court terme par une caractérisation qui les dessert potentiellement par la suite: quand Arondir arrive dans le village et que des péons jouent à ce qui ressemble aux échecs (Rien que ça déjà, des paysans qui jouent aux échecs, bon...) Arondir donne un mouvement gagnant pour un des joueurs d'un simple coup d’œil, mis à part le fait qu'il n'a clairement pas envie que les péons continuent à s'amuser, le scénariste semble clairement vouloir mettre en avant avec beaucoup de subtilité son intelligence sans failles, très bien, soit. Sauf qu'un épisode plus tard, notre bon Arondir quand il voit le fameux trou dans le sol qui amène à des galeries assez étroites, et qu'on a le droit à l'échange maintenant fameux : "ARONDIR - Je dois suivre le passage. FILLE RANDOM - Vous ignorez ce qu'il renferme ARONDIR - C'est pour ça que je dois y aller." Bref, outre l'inanité de la tirade, Arondir est seul, sans renforts, il n'a pas prévenu ses supérieurs et a demandé à sa dulcinée de se casser. Pour saupoudrer le tout d'un peu plus de non-sens encore, il descend dans un tunnel avec pour arme principale un arc alors qu'il n'y a même pas la place pour le bander. Autrement dit, Arondir semble avoir le même QI que Galadriel quand il s'agit d'évaluer le danger et les chances de réussite d'une entreprise. Et là encore, je ne sais pas ce qui va se passer par la suite, mais la magie du scénarium étant ce qu'elle est, je mets ma main à couper qu'il va survivre, malgré un nombre d'erreurs conséquentes qui lui aurait surement valu logiquement une mort anonyme dans un autre contexte.

Et honnêtement je préfère passer sous silence la partie avec les hobbits, il n’y a juste rien à en dire, c’est sans réel intérêt pour l’instant…

Concernant le fait qu'il y ait une reine naine noire et un elfe noir, encore une fois le problème ne vient pas que ce soit le cas, mais que ce que ça implique ne soit jamais pris en considération. Est ce qu'il y a une ethnie elfe spécifique à la peau noire? Pareil pour la reine naine. La couleur de peau en fantasy n'est pas un cosmétique, passer sous silence le fait que ça puisse avoir du sens ethniquement parlant retire de facto la possibilité à nouveau de raconter des histoires intéressantes et de rajouter de la densité à l'univers.

Maintenant, est ce que le show valait les deux tiers du PIB de la somalie mis dedans ? Clairement pour l’instant non, c’est indécent d’échouer si fort avec un tel budget. Passez votre chemin, regardez ou re-regardez la trilogie originale plutôt qui elle sait raconter une bonne histoire.

Tellios
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le 12 sept. 2022

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