Les Vampires
7.5
Les Vampires

Série (1915)

"Les Vampires" ou "Ne jamais se fier aux apparences"

Critique tirée du livre " 1001 films à voir avant de mourir".

On a dit que ce film légendaire était une pierre blanche dans l'Histoire du feuilleton, un précurseur de l'esthétique de la profondeur de champ que Renoir et Welles développeront plus tard, et un proche cousin du mouvement surréaliste. Mais c'est dans la genèse du film policier qu'il jouera un rôle fondamental. Il se présente comme un ensemble de dix chapitres vaguement reliés les uns aux autres, de longueur très variable, et sortis à intervalles irréguliers: sa place se trouve quelque part entre la série et le feuilleton. L'intrigue, alambiquée et souvent incohérente, tourne autour d'une bande de flamboyants criminels, les Vampires, et de leur adversaire, l'intrépide reporter Philippe Gérande.

Les Vampires, maîtres des déguisements qui portent souvent des cagoules et des justaucorps noirs pour commettre leurs crimes, sont dirigés par quatre Grands Vampires. Ils sont fidèlement servis par la vamp Irma Vep (anagramme de vampire), qui constitue le coeur et l'âme du gang, et d'ailleurs du film tout entier. Incarnée avec une voluptueuse énergie par Musidora, dont ce rôle fera d'elle une star, Irma est le personnage le plus intéressant, surpassant de loin Guérande, le héros insipide, et son remarquable faire-valoir comique Mazamette. Son charisme atténue l'opposition du bien et du mal et contribue à la tonalité quelque peu amorale du film, effet renforcé par la manière dont les bons et les méchants usent souvent des mêmes stratagèmes et fourberies, et à la fin (Spoil d'une ligne!) par le massacre inquiétant et féroce des Vampires.

A l'instar des histoires de détective et des films à base de maisons hantées, Les Vampires crée un monde apparemment cohérent dominé par l'ordre bourgeois, tout en en sapant les fondements. Les planchers et les murs des châteaux et des hôtels sont percés de portes dérobées et de panneaux secrets. De vastes cheminées servent de voies d'accès aux assassins et aux voleurs qui courent sur les toits de Paris et montent et descendent le long des gouttières comme des singes. Des passagers clandestins montent sur les taxis, qui possèdent des faux planchers pour éjecter des fugitifs au dessus des bouches d'égout. Le héros peu méfiant sort la tête de la fenêtre de son appartement situé en haut d'un immeuble. Il se retrouve étranglé par un câble qu'on manipule d'en bas. On le descend jusqu'à la rue, on le fourre dan s un grand panier, et il est embarqué dans une voiture. Dans une autre séquence, un mur avec une cheminée s'ouvre pour laisser passer un gros canon qui glisse jusqu'à la fenêtre et tire des obus vers le cabaret voisin!

Pour renforcer cette atmosphère d'instabilité fantasque, l'intrigue est construite autour d'une série de coups de théâtre justifiés par les apparences trompeuses: des "morts" reviennent à la vie, des piliers de la société (juge, policier...) s'avères des Vampires, tandis que des Vampires s'avèrent des représentants de la loi infiltrés. C'est le talent de Feuillarde pour créer, sur une grande échelle, un monde double, à la fois pesant et onirique, familier et terriblement bizarre, qui sera d'une importance cruciale pour l'évolution du film à suspense, et qui désigne Les Vampires comme un pionnier du genre.

[Martin Rubin]

http://www.senscritique.com/liste/Les_critiques_des_1001_films_a_voir_avant_de_mourir_avec_les/351166
RoroRoro
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 sept. 2013

Critique lue 1K fois

12 j'aime

RoroRoro

Écrit par

Critique lue 1K fois

12

D'autres avis sur Les Vampires

Les Vampires
RoroRoro
8

"Les Vampires" ou "Ne jamais se fier aux apparences"

Critique tirée du livre " 1001 films à voir avant de mourir". On a dit que ce film légendaire était une pierre blanche dans l'Histoire du feuilleton, un précurseur de l'esthétique de la profondeur de...

le 18 sept. 2013

12 j'aime

Les Vampires
H__H
6

Tremble Paris !

1915 : Alors qu'aux USA, D.W. Griffith joue dangereusement avec les limites la séquestration en enfermant ses spectateurs pendant les 3 heures interminables de sa fresque historico-raciste, la belle...

Par

le 17 déc. 2011

12 j'aime

2

Les Vampires
MrOrange
7

Critique de Les Vampires par MrOrange

Déjà l'avantage pour un film de cette durée, c'est qu'il est composé de plusieurs parties et donc nous ne sommes pas contraints de le regarder d'une traite, surtout avec une température extérieure...

le 4 août 2013

6 j'aime

Du même critique

Mister Babadook
RoroRoro
7

Une première de haut vol

Jennifer Kent… inconnue au bataillon. Ayant débutée dans le cinéma au milieu des années 90 en tant qu’actrice dans la série « Fréquence Crime » ou en obtenant de petits rôles comme dans « Babe »,...

le 1 juin 2014

35 j'aime

15

Les Pauvres Gens
RoroRoro
9

"J’écris seulement pour écrire…"

Je ne peux que m’étonner de constater qu’aucun mot n’est ici présent pour parler en bien ou en mal de la première tentative littéraire de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski. Je ne suis de toute...

le 27 mars 2017

25 j'aime

12

Easy Girl
RoroRoro
7

Bel hommage au cinéma de John Hughes!

Je ne voulais pas dédier mon premier commentaire à un grand chef d'oeuvre figurant dans tous les classements des plus grands films de tous les temps, mais démarrer avec un film qui m'a beaucoup...

le 4 août 2012

24 j'aime

1