Ah ça ira, ça ira, ça ira

Yuukoku no Moriarty présente une idée intéressante : celle d’offrir un background au Pr.Moriarty. Si beaucoup d’adaptations se sont attachées à proposer des variations autour du personnage de Sherlock Holmes, celle-ci nous entraîne dans les assassinats du rival de ce dernier. Le postulat de base n’est donc pas mauvais, pourtant on comprend très vite qu’on aura droit à un criminel consultant bien plus romancé que ce à quoi on est habitué. Le personnage en lui-même n’est pas très développé chez Conan Doyle, puisqu’il n’apparaît que dans deux nouvelles, et on n'en sait pas beaucoup plus sur lui dans l'adaptation cinématographique ou dans celle de la BBC, tout ou presque reste à faire sur le Professeur Moriarty. On sait néanmoins qu’il est de bonne famille, un homme intelligent et mégalomane, cruel et assoiffé de pouvoir. Si le Moriarty de l’anime est effectivement intelligent et cherche le pouvoir, il perd en revanche la folie qu’on lui associait jusqu'ici. L’auteur lui donne ainsi deux frères, le fait sortir de la pauvreté (un flashback que j’ai beaucoup aimé, en tant que fan des passés tragiques et des familles recomposées, mais qui correspond beaucoup moins au personnage), et le dote d’un sens aigu de la justice et de l’égalité. Le personnage prend une dimension plus proche du héros (un anti-héros, certes) que du psychopathe prêt à tout pour éliminer Holmes. Il ne tue donc que des nobles aux hobby pervers et détraqués. On est loin du meurtre de la vieille aveugle dans l’adaptation de la BBC. Moriarty garde un certain charme, mais je n’arrive pas à savoir si en faire un justicier en costume cravate me plaît.
Tant qu’à parler des nobles, les personnages sont un peu trop manichéens à mon goût. D’accord, je comprends l’importance du statut social, pourtant je ne pense pas que tous les aristos passaient leur dimanche à shooter des va-nu-pieds après la messe. Oui, je sais, la fidélité historique n'est pas le principal dans cet anime, mais pour moi, il a ce défaut de ne montrer que des nobles persécutant les classes pauvres (exception faite de la duchesse ep2-3 et d’Albert).

Le déroulement des épisodes est assez répétitif, mais ça ne rend pas forcément une série mauvaise (regardez One Piece, les arcs se passent tous pareil, il leur faut juste 100 épisodes au lieu de 24 minutes). Malgré tout, il aurait été intéressant de savoir comment Moriarty parvient à être au courant des crimes commis par les nobles. Je suis presque sûre qu’ils n’en font pas une affaire publique… Même dans le cas où des rumeurs circuleraient, un bruit de couloir reste un bruit de couloir, et il suffit d’offenser la mauvaise personne pour que les pires choses soient dites sur vous. Moriarty devrait donc démêler le vrai du faux. Que se passe-t-il si les rumeurs se révèlent fausses ? En tant que spectateur, on arrive toujours au milieu de l'exécution du plan. Oui, je me doute que la petite bande de Moriarty mène une enquête, ça leur tombe pas tout cuit dans le bec, mais le fait de les voir vraiment fourrer leur nez partout (au lieu de laisser le spectateur s'imaginer ces scènes) aurait permis de casser cet effet de répétition, tout en développant, peut être les personnages (tous très effacés à l'exception de Moriarty). Ç’aurait pu être sympa de voir une personne refuser de se venger, ou de voir comment la petite équipe de crime counseling élabore ses opérations. La deuxième partie de l’anime se concentre beaucoup sur Sherlock et John, on perd ce qui faisait l'originalité de l'œuvre… La confrontation de Sherlock et James dans le train est cool à suivre, mais j’espère que la saison 2 nous montrera moins le duo, déjà largement célèbre. Les deux personnages ont une dynamique assez proche de celle des romans/nouvelles et de la série de la BBC.

L’animation est propre, il n’y a pas grand chose à en dire.

J'ai passé un bon moment devant Yuukoku no Moriarty, malgré ses défauts. Je lui reproche en particulier d'avoir cet aspect un peu trop "facile", puisque seule la finalité des histoires nous est montrée (ou presque). Moriarty est un génie du crime, oui, mais contrairement aux déductions de Sherlock qui sont détaillées en long en large et en travers, je n'ai pas senti la réflexion dans la mise en place des vengeances, on sait que James est intelligent parce que les autres personnages le disent, pas parce qu'on le voit se sortir de situations délicates ou envisager différents plans etc. S'agissant d'un personnage autour duquel il reste beaucoup à inventer, je trouve que l'auteur est tombé dans la facilité en faisant du professeur un anti-héros finalement assez lambda (ie qui utilise des méthodes pas très morales ou légales pour réaliser son idéal de justice). Si encore l'histoire abordait certaines évolutions psychologiques, mais non, même pas.

A titre personnel, je sais déjà que Moriarty est un cerveau du crime, ce n'est pas la finalité de ses plans qui m'intéresse, même si les vengeances étaient sympas.