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Saison 1



La plupart des chaînes câblées proposant des séries télévisées sont entrées dans une phase de transition : chez HBO, c'est Boardwalk Empire, Treme et True Blood qui prennent fin, chez FX, c'est Sons of Anarchy et Justified, chez AMC, c'est Breaking Bad et Mad Men et chez Showtime, c'est... Dexter (oui, bon, et The Borgias, mais c'est une annulation, ne mélangeons pas tout). C'est assez dur à admettre mais force est de constater qu'au fil des années, une analogie simple s'était mise en place : Dexter c'est Showtime et Showtime c'est Dexter. Malgré l'arrivée d'Homeland et, dans une moindre mesure, de Shameless, Showtime avait pour mission de trouver des successeurs à sa série phare. 2013 et 2014 allaient donc voir arriver nombre de premières saisons sur la chaîne câblée, dont l'une d'entre elles avait visiblement pour tâche de prendre la succession de Dexter avec une programmation à la même période : Ray Donovan. Ray Donovan c'est la nouvelle série de la créatrice de l'excellente série Southland, portrait vibrant et violent de la police de Los Angeles.


Southland ayant malheureusement été annulée par la TNT au bout de cinq saisons l'an passé (et, cerise sur le gâteau, sur un énorme cliffhanger), Ann Biderman a donc pu développer un autre projet de série. Il est intéressant de parler de Southland car, si opposée soit-elle du style de cette dernière, Ray Donovan en est très proche. Si Southland tissait l'image du Los Angeles des bas-quartiers, le Los Angeles des cartels, des fusillades et des braquages, Ray Donovan dresse un tout autre portrait de la ville : celui d'Hollywood, de ses stars, de la construction chaotique de leur image, des histoires de sexe, de scandales à foison et de coups tordus. Deux fresques complémentaires et presque indispensables puisque les deux font preuve d'un réalisme assez déconcertant même si radicalement différent (Southland relevant presque du documentaire alors que Ray Donovan adopte un style plus chirurgical et romancé).
En tête du casting de cette nouvelle série Showtime, deux stars habituées aux seconds rôles : d'un côté, Liev Schreiber, acteur charismatique à défaut d'être talentueux, et de l'autre Jon Voight, qui brille en père inattentif. Les premiers épisodes de la saison 1 peuvent déranger : le rythme de Ray Donovan est assez inabordable et il faut vraiment s'accrocher pour passer les premiers pas de la série. Mais, une fois l'intrigue réellement lancée, la nouvelle série de Biderman se révèle bien écrite et addictive, qui à défaut de surprendre beaucoup, propose des personnages passionnants qui renvoient évidemment, dans la manière dont ils sont écrits, à Southland.


On pourra toujours reprocher à la série de manquer de climax, d'être puissante mais jamais forte comme a pu l'être son aînée. On pense parfois à Scandal, mais Ray Donovan se révèle bien différente. Plus qu'une fresque d'un Hollywood sans repères, la série se révèle une fresque familiale sans père. C'est intelligent sans être moralisateur, fascinant sans être envahissant. Peinant cependant parfois à trouver la justesse en émotions pour réellement toucher son spectateur, il ne fait aucun doute que cette saison 1 démontre un potentiel énorme qui pourrait être magnifiquement exploité à l'avenir. Dans tous les cas, Showtime a réussi son coup.
★★★★★☆☆☆☆☆



Saison 2



Mine de rien, malgré qu’elle ne soit pas une machine à buzz et ne fasse pas vraiment parler d’elle, Ray Donovan a su se développer un vrai style en à peine deux saisons. Imparfaite, handicapée de personnages secondaires agaçants et de storylines déséquilibrés, il faut lui reconnaître un mérite : si la télévision a toujours été friande de portraits citadins désenchantés, en s’intéressant à l’usine à rêves qu’est Hollywood, Ray Donovan est probablement de celles qui savent le mieux décomposer ce mythe urbain.


Le défaut de la première saison de Ray Donovan était qu’elle s’intéressait finalement plus à l’arrière-plan mafieux de ses personnages plutôt qu’à l’environnement dans lequel ils évoluaient. Dans un sens, c’était plus une série de gangsters qu’une série sur les excès et le pouvoir de l’illusion. Cette saison deux va cependant plus loin, et en s’intéressant davantage au revers de la médaille hollywoodien, elle semble en capturer la plus profonde identité : celle d’une société en détresse, celle d’un monde corrompu où puissants et moins puissants s’affrontent dans un combat presque unilatéral où les médias apparaissent comme une arme de destruction massive. Il est nécessaire de protéger cette apparence trompeuse, de lustrer ces figures déifiées que sont les stars du show-business – c’est de cela que parle Ray Donovan, d’une oligarchie du divertissement qui se complait à manipuler le peuple qui l’admire.
Que l’on soit d’accord ou pas avec Ann Biderman sur cette analyse pessimiste de sa propre industrie, on ne peut que lui accorder l’intelligence avec laquelle elle la construit. Ray Donovan c’est du complotisme intelligent, ni manipulateur ni manipulé, qui par le biais d’un développement précis de ses enjeux, parvient à justifier le plus inhumain des actes. En mettant en parallèle le grand banditisme représenté par Mickey Donovan et celui de protecteur du système qu’illustre son fils Ray, Biderman réfléchit sur la notion de criminalité et ceci avec une justesse assez admirable.


Ray Donovan est une œuvre d’ambiguïtés. La plupart de ses personnages principaux, au premier abord présentés comme des modèles de succès, ne sont au final qu’une réunion de malveillance et de déconnexion de réalité, qui se voit traitée par le prisme du reste de la fratrie Donovan. Dans un monde où les sommes se comptent en millions, où l’argenterie coûte le prix d’une maison et où le meurtre n’est qu’une petite erreur qu’il faut camoufler, une lueur d’espoir semble apparaître au bout du tunnel. Une remise en question progressive de ce système, pour le moment à l’état d’embryon, mais qu’il serait intéressant que la série traite plus précisément à l’avenir. Et peut-être passer au niveau supérieur.
★★★★★★★☆☆☆



Saison 3



De saison en saison, Ray Donovan épaissit sa mythologie. C’est en général une vérité pour toutes les séries, mais le show estival de Showtime a véritablement su développer ses personnages et leurs passés de façon exemplaire. Ce qui n’était, en saison 1, qu’un drame prestigieux relativement ennuyant et presque agaçant sur les bords, est tout simplement devenu l’un des indispensables du petit écran.


On aurait pu craindre que le départ de sa showrunner – l’excellente Ann Biderman – ne condamne la série, mais ce sont finalement certains de ses défauts les plus flagrants qui auront été réglés : la famille Donovan, aux intrigues habituellement superficielles, est ici plus fascinante que jamais. Ce qui était, pendant deux saisons, un regard acerbe posé sur le microcosme angeleno, assume enfin totalement son statut annexe de photo de famille torturée.
Ray Donovan se transforme en tragédie, et elle le fait très bien. Dans la composition de personnages à la recherche d’une rédemption ou d’un oubli de leurs heures sombres, les scénaristes parviennent à insuffler une humanité bouleversante à cette chorale aux thématiques disparates (mafia, boxe, star-system, maladie, pédophilie, mariage, mal-être, paternalité, vie de couple, deuil, puberté et fin de l’innocence), se rencontrant parfois dans un concert d’émotions bien souvent mémorable.


La deuxième saison nous avait déjà donné une bonne impression de la série, mais ce troisième acte ne vient que confirmer tout le bien que l’on pensait déjà de Ray Donovan : forte, maligne et soignée ; sa discrétion restera comme l’un des plus grands malheurs de sa diffusion. Parce qu’à côté d’un Homeland qui n’est génial que par intermittences, d’un Shameless qui semble avoir définitivement sauté le requin et d’un The Affair qui a poussé le concept trop loin, c’est clairement la meilleure série de la chaîne Showtime. Le problème, c’est que personne n’en parle. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
★★★★★★★☆☆☆

Créée

le 20 mai 2014

Critique lue 4.3K fois

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Vivienn

Écrit par

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