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Lucifer procedural series (séries à schéma, dans la langue de Hugo). Amour... relatif, il s'entend. M'y revoilà, quelques années plus tard, devant Suits et son incroyable originalité.

Exposé des faits

Une série carotte est une série dont les épisodes suivent tous un schéma. En général chaque épisode aborde un arc narratif qui débute et prend fin durant l'épisode. D'autres arcs narratifs existent et sont commun à quelques épisodes, voire à tous les épisodes de la série ; on appelle cela « l'histoire principale ». (En fait j'en sais rien, mais j'appelle ça comme ça.)

La série carotte est en général une série qui, si elle rencontre suffisamment de succès, s'étend sur plusieurs saisons, un nombre approchant la dizaine, pouvant aller jusqu'à la vingtaine voire la trentaine de saisons.

Tout au long de l’existence de la série, l'histoire principale avancera mollement et lentement, éclipsée par les scénarios temporaires sans enjeux qui constituent la majorité des épisodes.

Pièces à conviction

Suits, c'est l'histoire de deux avocats, l'un brillant et rebelle, l'autre brillant, rebelle et pauvre. C'est l'histoire du mentor et de l'apprentis. Le mentor, qui a l'air d'avoir grandit cuillère en titanium à la main, et l'apprentis, qui a l'air de galérer dans la vie. L'intérêt pour le spectateur est de suivre l'évolution de l'apprentis qui devra se sortir de sa condition de prolétaire en devenant un gros fils-de-putain d'avocat-sans-âme. Le rêve à l'américaine, en fait.

Chaque épisode suivra une ou deux affaires légales très artificiellement présentées et très mal suivies par les scénaristes eux-même, préférant souvent mettre en avant les vannes que s'envoient les différents personnages de la série.

Suits, comme toute bonne série carotte, développe des relations amoureuses entres quelques personnages afin d'entretenir l'attention et l'intérêt du segment féminin (16 ~ 60 ans). Ces arcs narratifs n'évolueront quasiment pas au cours des saisons, afin d'entretenir la dite attention et le dit intérêt de la téléspectatrice. Concernant le segment masculin (12 ~ 120 ans), la production a bien pris soin de n'engager que des actrices canons pour jouer les rôles féminins.

J'appelle à la barre... le scénariste moyen

Le scénariste moyen est un humain qui pense qu'il est damné des Dieux car il ne réussira jamais à atteindre richesse et gloire par le seul pouvoir de sa plume. Dès lors, il s'auto-classe dans la catégorie des bolosses qui galèrent leur race à combler les fins de mois ainsi que l'estomac de leurs enfants. C'est douloureux, la vie d'artiste.

Alors, il acceptera le premier contrat qui passe afin d'écrire des histoires très moyennes, cousues de fils blancs, mettant en scène des personnages invraisemblables mais tout de même attachants (parce qu'ils font des blagues rigolotes et qu'ils convoitent les personnages canons que nous convoitons également plus ou moins inconsciemment).

Le scénariste moyen, bien qu'il soit un galérien comme tout le monde, n'a semble-t-il aucune connaissance des sujets qu'il aborde : ni lorsque ça concerne ses homologues galériens, ni lorsque ça concerne les gens de la haute. Cela est une cause directe de l'indifférence que l'on peut ressentir à l'égard du sort de quasiment tous les personnages de la série.

En résulte également une incroyable superficialité de la forme et du fond (parfois absent, tout simplement), qui vous fera peut-être dire « meh » à la fin de beaucoup d'épisodes.

Venez-en au fait, Maître !

Pourquoi Suits n'est pas originale ? Eh bien voici une petite liste non exhaustive de choses que nous avons vu des centaines de fois :

  • Le personnage principale tombe amoureux d'une fille, puis d'une autre. Son intérêt passe de l'une à l'autre jusqu'à ce qu'il se retrouve seule. Mais il reste tout de même une tension sentimentale très forte, enfin... très grossièrement dépeinte à l'écran. Dans la vie réelle, tout le monde dirait à ces deux personnages (même le vendeur de hot dogs) : « Roh prenez une chambre et arrêtez de nous les briser ! »
  • Le mentor interdit quelque chose au disciple, mais il passera son temps à faire exactement ce qu'il interdit. Concrètement : Harvey interdit à Mike de laisser sonner son téléphone en réunion. Harvey passera son temps à décrocher son téléphone en réunion.
  • À presque chaque épisode un personnage a une révélation concernant l'affaire qui le concerne durant une discussion banale qui ne concerne pas l'affaire. C'est ça, une à deux fois, dans presque tous les épisodes. « Attends... Tu as dit que tu préfères les steaks hachés aux cordons bleus ? ... Merci Rachel, je dois y aller ! » (Reproduction réaliste mais non réelle d'une réplique de Suits.)
  • Les personnages principaux regorgent d'idées et d'arguments pour parvenir à leurs fins... Mais pas leurs adversaires. Eux, ils n'ont pas acquis le pouvoir de la pensée.
  • Une bonne partie de l'intrigue repose sur le fait que Mike se fait passer pour un diplômé d'Harvard alors qu'il n'a pas de diplôme et qu'il n'a pas été à Harvard. Et j'imagine qu'au fur et à mesure de plus en plus de personnages seront conscients de sa supercherie, mais cette intrigue ne cessera d'être utilisée. Abusus fructus...
  • Lors des moments de tension entre deux personnages, ils se regardent durant de longues secondes sans rien dire et... Scène suivante ! Ça évite d'avoir à produire des dialogues intelligents et à résoudre ces inexplicables tensions silencieuses. Pratique !

Bien sûr, tout cela n'est qu'un échantillon non exhaustif de tout ce que l'on peut trouver dans cette tambouille.

Mens rea

Transparaissent à l'écran toutes les contraintes d'une série carotte : les courts cycles de production, les schémas de narration redondants, les figurants qui n'y croient pas, les histoires bâclées, les plans large de New York recyclés, et une audace dans la réalisation qui intervient entre 3 et 4 secondes par épisode (lorsqu'un personnage se rend en vélo au travail).

C'est bien un produit, présent pour combler une tranche horaire. C'est une fabrication née de l'idée d'hybrider Dr. House et The Practice. C'est toujours bon à prendre pour un network.

M'enfin voilà... La mayo ne prend pas vraiment. C'est fadasse, un peu comme toutes les séries du genre, mais ce que je lui reprocherais le plus c'est le manque d'intérêt flagrant que les scénaristes (et donc le show runner et toute la production) ont porté à leur propre série. C'est flagrant.

kevsler
4
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le 7 oct. 2022

Critique lue 196 fois

kevsler

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