The Americans
7.3
The Americans

Série FX (2013)

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Saison 1



Deux espions du KGB, infiltrés, dans les États-Unis de Reagan. Il y a dans le fond un petit air de Breaking Bad dans The Americans : la question du secret, de l’identité avortée et des apparences qu’on se donne. Chez Gilligan, le trafiquant de drogues est un cinquantenaire père de famille atteint d’un cancer, chez Weisberg, les agents russes sont un couple marié d’agents immobiliers, parents de deux enfants. La CIA remplace la DEA, les informations substituent la drogue, la banlieue de Washington en lieu et place du Nouveau-Mexique.


Mais malgré ces apparences, The Americans n’est pas une simple série d’espionnage. Certes, Weisberg, ayant anciennement travaillé à la CIA, développe avec réalisme et passion ces arcs à suspense au cours de cette première saison, mais lui-même décrit pourtant sa série comme une œuvre sur le mariage. Sans doute ne signifie-t-il pas seulement par là le mariage d’un homme et d’une femme, mais une alliance au sens large : celui de deux partis, de deux entités opposées, différentes, ayant leurs caractéristiques propres et leurs identités contradictoires. The Americans revisite la Guerre Froide par le prisme d’un ménage, arrivant, dans un même temps, à tourner en ridicule le clivage des deux blocs, et à réfléchir avec un certain pessimisme sur les relations qui unissent les deux composantes d’un couple.
Sans jamais être trop démonstratif, The Americans parvient à distiller sa narration sombre et pesante avec une grande maîtrise. Pourtant, elle conserve un problème de poids : la comparaison. Avec Breaking Bad ? Non, avec son pilote. Le premier épisode de la série est une telle claque qu’il est vraiment difficile de l’égaler ensuite. Aucun des arcs suivants n’arrive à se rapprocher de la scène d’intro démentielle, des plans à glacer le sang – le tout dernier –, et de cette intrigue efficace parfaitement posée. The Borgias avait eu le même problème : une introduction si parfaite que les péripéties qui suivront auront du mal à impressionner.


The Americans n’est pas une grande série. Pas encore. Des personnages interprétés avec talent par des acteurs brillement dirigés, un vrai suspense qui vous passionnera de A à Z, une direction artistique et une reconstitution admirables. Il manque un petit quelque chose pour que la série de Weisberg passe au niveau supérieur, comme il manque un petit quelque chose pour que FX concurrence HBO sur son terrain. Ce n’est pas le talent, ce n’est pas les moyens, ce sont peut-être leurs ambitions.
★★★★★★☆☆☆☆



Saison 2



La première saison de The Americans avait laissé une impression mitigée : du potentiel (beaucoup), un très bon casting et beaucoup d’éléments assez enthousiasmants, en parallèle d’une intrigue pas toujours passionnante, de choix narratifs plutôt critiquables et d’une mise en scène désaturée loin d’être exceptionnelle. Beaucoup d’espoirs étaient donc placés dans ce second acte qui, malheureusement, commet beaucoup d’erreurs.


Il manque un petit quelque chose à The Americans pour dépasser son statut de prestige drama discret. C’est bien foutu, mais l’ensemble manque clairement de maîtrise, qu’il s’agisse du scénario ou de la réalisation. Quelques épisodes viennent remonter notre intérêt mais, entre chacun d’entre eux, il y en a bien deux ou trois autres plus que dispensables. Ceci notamment dû à des arcs narratifs ridiculement étirés par rapport à leur qualité véritable – les scènes et les personnages de la rezidentura principalement. Le plus triste – et inquiétant ? – dans tout ça, c’est de se rendre compte qu’à la fin de la saison 2, on en est presque au même point qu’à la fin du pilote. A part quelques soupçons et des fausses pistes commencées par-ci par-là, l’intrigue n’a fait que tourner en rond, répétant inlassablement des gimmicks ratées pour singer une consistance diégétique.
Si l’on excepte la résolution finale – plutôt prometteuse pour la suite, si elle est utilisée correctement – les personnages n’ont pas évolué, leurs relations sont plus ou moins restés les mêmes, le scénario n’a pas drastiquement avancé. Et ce qui se passe entre le season premiere et le season finale n’est que de la poudre aux yeux plutôt ennuyeuse.


The Americans n’est pas une mauvaise série mais elle est bien loin de la réputation qui la précède : convenue, prévisible, remplie d’épisodes sans grand intérêt : une relative déception qui ne peut cependant pas complètement effacer les vraies qualités d’une série correcte mais bien loin d’avoir exploité toutes ses possibilités. En espérant que tout ce beau-monde se réveille avant une annulation ou une fin de série.
★★★★★★☆☆☆☆



Saison 3



Les deux premières saisons de The Americans alliaient, suivant une schizophrénie qualitative frustrante, le très bon et le médiocre. Des intrigues plus ou moins passionnantes, certaines souffrant de faibles enjeux auxquels il était difficile de se rattacher. Après le retournement final de l’an dernier, on était cependant en mesure d’en attendre plus d’une des séries les plus acclamées de la télévision américaine.


Inutile de tourner autour du pot : cette saison 3 est une franche réussite. Plus encore, elle efface tous les défauts des précédents actes en proposant un niveau d’écriture tout bonnement hallucinant. Une évolution qui trouve sa source premièrement dans la mise en retrait de personnages inintéressants (même s’ils monopolisent toujours chaque semaine quelques minutes d’épisode), mais aussi dans la mise en place de finalité bien plus tragiques, poussant à la fois à une certaine réflexion de la part du spectateur, mais aussi à une véritable impatiente, tant la série a su gagner en intensité.
Pour la première fois dans The Americans, il y a de l’émotion. Pas du tire-larmes bête, mais des scènes de remise en question digne des meilleures séries. C’est profond, juste, loin d’être tape-à-l’œil, et surtout les acteurs sont incroyables – comme d’habitude, mais cette fois avec un scénario pour soutenir leur jeu. Le niveau atteint à partir de l’épisode 9 et ce jusqu’au season finale est un modèle, et probablement parmi ce que la télévision américaine a produit de plus réussi cette saison.
The Americans n’est pas une simple série d’espionnage – c’est une série identitaire, qui réfléchit sur la position de ses protagonistes. Cette année, cette affirmation est plus que jamais avérée, en prenant un recul énorme par rapport au statu quo qui régit la série depuis son pilote. La mise en scène – sobre, ambiancée – est absolument brillante et donne à certaines séquences des allures de classiques-nés.


Il aura fallu attendre 2015 pour que The Americans nous étale tout son talent. Une saison 3 incroyable, qui malgré quelques arcs plus faibles, brille de solidité. Si la série poursuit dans cette lancée l’année prochaine, on tient peut-être un chef d’œuvre. En tout cas, on est sur la bonne voie. Admirable.
★★★★★★★★☆☆

Créée

le 25 janv. 2015

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Vivienn

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