Cette minisérie anglaise en 4 épisodes d'une puissance émotionnelle rare s'attache aux laissés-pour-compte, ceux que la vie n'a pas ménagé dès leur plus jeune âge. C'est le cas du personnage central, admirablement interprété par Stephen Graham, entre force brute, vulnérabilité, tendresse, et un regard mélancolique inoubliable. Cet homme de 40 ans, qui retombe dans l'alcoolisme lors d'une terrible nuit de beuverie quand son fils et son ex-femme quittent Liverpool pour s'installer en Australie, voit peu à peu resurgir un traumatisme de son enfance qu'il avait profondément enfoui. On retrouve dans cette série l'hyper réalisme social du cinéma anglais de Ken Loach ou Mike Leigh, qui se traduit ici à travers des scènes longues, intenses, magistralement filmées et en partie improvisées, d'où l'on ressort attendri, dérangé ou bouleversé. Le réalisateur Shane Meadows, qui à l'instar du protagoniste de cette série, a vécu lui aussi un événement traumatisant dans sa jeunesse, sonde avec une intelligence remarquable les blessures des personnages qui composent cette histoire d'une noirceur sans concession. La justesse de la mise en scène, des cadrages, du jeu des comédiens participent à rendre poignante cette approche quasi documentaire. Qui d'autre que PJ Harvey pouvait composer une musique rêche, maussade, agressive, romantique, qui colle merveilleusement à l'atmosphère de cette série ? Regarder "The virtues" est un choc, comme on n'en voit quasiment jamais à la télévision, merci une fois de plus à Arte, d'une grande humanité mais aussi d'une violence sourde, pas celle gratuite et hideuse que l'on voit habituellement, avec une tension qui affleure régulièrement pour atteindre son paroxysme dans la dernière demi-heure construite à la perfection.