Top of the Lake
7.3
Top of the Lake

Série SundanceTV (2013)

Cette série est fascinante.
Elle joue avec toi comme un charmeur de serpent.
Elle te fait croire des choses, elle s'amuse de tes préjugés, te fait imaginer, anticiper, craindre, et ressurgit de l'autre côté de la colline comme ce chemin fougueux perdu dans les fourrés et que l'on aperçoit, en bas, au soleil, calme et lumineux comme s'il ne nous avait pas emmené dans les ronciers les plus sordides et fait traverser des cascades de pierres dangereusement glissantes.


Le chemin s'approche d'un lac, un lac purifiant pour les jeunes femmes ayant été salies, bafouées, un lac aux eaux troubles pourtant qui permettent aussi d'oublier, de cacher, et qui parfois laissent ressurgir des secrets jadis engloutis...


Tout y est fascinant. Dans la saison 2 (j'avais commencé par la deuxième saison de Top of the Lake. J'ai eu droit à un peu plus de suspense : Que diable avait-il bien pu se passer dans la saison 1 avec cette femme flic pour qu'ils en parlent comme ça dans la saison 2 ? Ce que j'ai découvert ensuite.), il y a des personnages immondes, il y a cet homme affreux, que l'on se délecte à détester du début à la fin - j'en ai encore des frissons - Alexander, surnommé "Minou", qui vit dans un bouge dégueulasse et se prend pour un poète, un professeur, un philosophe, soutenu par une très très jeune femme qui n'est pas encore majeure... mais avec qui il couche.


On comprend bien l'horreur que vivent ces deux parents, le couple typique de bobos névrosés, qui, s'ils ressemblent sans doute aux spectacteurs d'Arte (qui diffusait alors la série), nous renvoient à notre hypocrisie, à notre bien-pensance, à nos incohérences d'occidentaux riches et malheureux.


La série semble aborder tellement de sujets brûlants avec sincérité, délicatesse, et originalité, que je réalise que bien peu d'oeuvres y arrivent, et notamment dans l'univers des séries, qui souvent n'échappent pas à la loi du désir de son public. Ici, on évoque la liberté sexuelle, l'indépendance féminine, la folie, la difficulté d'être femme dans ce monde sans pleurnicheries ni cliché.


La première saison est formidable d'onirisme, avec les décors grandioses de l'arrière-pays néo-zélandais, ses rivières, ses montagnes, ses forêts... Il y a autant de majesté que d'effroi, c'est un décor terrible comme ceux de Giono dans Batailles dans la Montagne ou Deux cavaliers de l'Orage.


Et il y a cet incroyable camp de femmes, qu'on dirait sorti de l'imagination foldingue d'une artiste contemporaine, qui vivent dans un champ, dans des containers, avec comme figure centrale Holly Hunter, le personnage romantique de "La leçon de piano", devenue un genre de gourou aux cheveux improbables, la voix grave et l'air détaché et ironique d'une Cate Blanchett, oui, un genre de Bob Dylan nihiliste qui égrène des vérités du bout des lèvres, assise sur un coussin ou allongée dans un hamac, qui agace et qui fascine notre enquêtrice.


Elisabeth Moss, qui joue avec justesse la stupeur, l'effroi, la détresse, qui ne peut s'empêcher de relier ses propres souffrances passées aux crimes étudiés dans le présent, nous offre un visage de femme, une trajectoire parmi tant d'autres dans un monde qui ne les épargne pas.
Victime comme nous de cette histoire qui la balance et la promène de Charybde en Sylla, d'un monstre à un autre, d'une cabane de chasseurs... au cabanon luxueux de chasseurs d'un autre genre, elle nous entraîne avec elle dans ce conte infernal, dans la cave de l'ogre, et ne nous ramène pas totalement indemnes.

CamiliBelcampo
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 3 avr. 2020

Critique lue 108 fois

Camili Belcampo

Écrit par

Critique lue 108 fois

D'autres avis sur Top of the Lake

Top of the Lake
Dalecooper
8

Piège en eaux troubles

Belle série dramatique aux atours de polar, on sent bien la patte de Jane Campion, sa sensibilité pour les portraits de femmes fortes. Dès le générique, avec son joli graphisme et sa musique...

le 30 mars 2013

45 j'aime

3

Top of the Lake
ameliehyacinthinus
8

âme sensible....sert les dents et ne t'abstient pas !

Jane Campion se lance dans l'exercice du petit écran ! Pas de surprise, l'essai est forcément réussi. On a du Campion pur jus dans toute sa splendeur : histoires sordides, enfances brisées, femmes...

le 22 avr. 2013

31 j'aime

Top of the Lake
Sergent_Pepper
7

Les dames du lac

Jane Campion fait partie de ces cinéastes qui franchissent définitivement le pas vers la série : le cinéma, ses contraintes, son canal de distribution et son financement se révélant trop...

le 8 juil. 2017

29 j'aime

2

Du même critique

Princesse Mononoké
CamiliBelcampo
10

San ou (la rivière)

Ma relation avec ce film est toute particulière, et il garde dans ma collection une place spéciale. C'est le premier film que je suis allée voir toute seule, à onze ans, dans la salle du cinéma...

le 28 mars 2020

1 j'aime

Top of the Lake
CamiliBelcampo
8

La cabane au fond des bois

Cette série est fascinante. Elle joue avec toi comme un charmeur de serpent. Elle te fait croire des choses, elle s'amuse de tes préjugés, te fait imaginer, anticiper, craindre, et ressurgit de...

le 3 avr. 2020