Si vous êtes amateur de séries US et que vous trainez votre souris un peu partout sur internet, vous avez forcément entendu parlé de True Detective. Cette série policière commandée par HBO (channel américain) contenant 8 épisodes d’environ 50 minutes se permet de bouleverser quelques codes bien trop installés depuis quelques années.
Le créateur s’appelle Nic Pizzolatto et a comme faits d’armes, la rédaction de deux livres Between Here and the Yellow Sea et Galveston. Pizzolatto semble apprécier les tourments de l’homme et jouer avec. D’après les critiques, ses deux livres laissent une place importante à la description, aux dialogues avec une pointe de cynisme. L’enrobage est fait d’une narration lente. Des choix d’écriture qu’on retrouve dans sa série True Detective.
Rust Cohle et Martin Hart enquêtent en 1995 sur un meurtre qui ressemble énormément à un rite satanique puisque les deux flics retrouvent une femme nue au pied d’un arbre avec des cornes de cerfs sur le crane et des symboles plutôt évocateurs. Le spectateur suivra l’avancée de cette enquête et l’évolution du duo à travers les années puisque dix sept ans plus tard, Cohle et Hart sont interrogés pour une affaire du même genre voir le même dossier. Chaque épisode voit s’entremêler la période 1995 et l’actuelle avec une narration très travaillée. La saison 1 vient de se terminer, la suivante arrivera bientôt avec une nouvelle histoire et des nouveaux flics (peut être).
Au casting, c’est Matthew McConaughey récemment oscarisé qui campe le rôle de Rust Cohle. Un flic à l’esprit complexe et cadenassé. Impossible de comprendre totalement ce personnage tant sa psychologie est perturbante voir angoissante. Il a une mémoire visuelle, dessine tout ce qu’il voit, note tout dans un carnet et souffre d’un passé très lourd. En face de lui, on trouve Woody Harrelson pour interpréter Martin Hart dans un rôle un peu plus « cliché ». Celui qui a la belle vie, qui trompe sa femme et sombre facilement dans l’alcool. Hart a énormément d’idées préconçues. Sa rencontre avec Cohle va bouleverser sa vie. McConaughey éclipse facilement Harrelson en terme de charisme mais les deux acteurs et leurs personnages ne peuvent fonctionner sans l’autre. Tout les deux, sont habités par une violence bestiale et semblent se nourrir mutuellement. L’intérêt de la série n’est pas vraiment l’enquête mais plutôt le développement des tourments de deux hommes et l’influence de ceux ci dans leur quotidien. On pourrait faire un parallèle avec Seven et le duo Morgan Freeman/Brad Pitt en terme de caractère et de train de vie.
Beaucoup de séries se perdent rapidement à vouloir tout miser sur l’histoire ou les personnages. Il y a bien souvent une baisse de rythme qui s’explique par un nombre élevé d’épisodes et un concept qui peut vite s’user. Il y a aussi cet empilement de showrunner, de scénariste, de réalisateurs. Rares sont les séries qui arrivent à trouver la bonne formule pour que le tout soit harmonieux. Nic Pizzolatto possède la bonne recette avec un scénario très solide mais sans le génial réalisateur Cary Joji Fukunaga est ce que la série aurait aussi bien fonctionné? Californien et auteur de trois films dont Sin Nombre, Fukunaga réussi à transposer de manière hallucinante le scénario. La lenteur de la narration, la brutalité des échanges entre Hart et Cohle, l’image très soignée et ces plans séquences d’une qualité incroyable permettent à True Detective de grimper les échelons qui mènent vers l’appellation de Série Culte. Beaucoup ont parlé de ce plan séquence de 6 minutes dans l’épisode 4 à juste titre car ce passage qui s’imbrique parfaitement dans l’intrigue résume parfaitement l’esprit de la série: haletant, angoissant, lent, violent. True Detective a des mécanismes extrêmement bien maîtrisés point final. L’emballage médiatique autour de cette série est justifié, il faudra juste attendre la saison 2 pour confirmer cette hype.
Le huitième épisode est donc passé et True Detective ne s’est pas risqué à un final rempli de cliffhanger et a juste continué son chemin. L’enquête principale se termine, quelques mystères subsistent et la conclusion montre que l’intérêt n’est pas l’intrigue mais bien le relationnel entre les deux flics. Au cours de ces huit épisodes, Pizzolatto et Fukunaga n’ont pas régressé dans la qualité. L’homme aux cicatrices était là sous notre nez, sa traque s’est achevée dans un lieu chargé de symboles dispersés tout au long de la descente aux enfers de Cohle et Hart.
Sans faux rythme, sans baisse d’intensité, True Detective s’est achevé de la meilleure des manières, en ne surjouant pas, en ne prenant pas le spectateur à contre pied et en proposant une histoire avant tout humaine.
