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Nous sommes en 1993. A la fois inspiré par des classiques tels que "The Twilight Zone" et "The Invaders", et la récente réussite de la série fantastique "Twin Peaks", Chris Carter créé un univers qui allait changer la face des séries télé, celui d’"X-Files". Le show rencontra un énorme succès, engrangeant une forte communauté de fans, probablement grâce à son duo charismatique, mais aussi pour son ambiance et sa mise en scène cinématographique qui la démarquait des autres séries de l’époque. Si elle souffre de ses inégalités (en fonction des scénaristes et des réalisateurs), la volonté d’une esthétique unique et de thématiques récurrentes en font l’une des premières grandes séries modernes.


Accepter le mystère. Tel semble être le message de la série. Nous débarquons dans l’univers de Fox Mulder comme Dana Scully, souvent frustrés, circonspects, en manque de réponses… Mulder, la rock-star du FBI, recasé dans les sous-sols, semble nous dire : laissez vous hypnotiser, laissez votre raison de côté et croyez-moi. I want to believe, le slogan culte. Et au fur et à mesure que Scully « devient » Mulder, adopte sa vision, le spectateur en fait de même. Après 9 saisons passées aux côtés des deux agents, comment ne pas trouver notre vision du monde changée par "X-Files" ? Là est le génie de Chris Carter : avoir implanté le fantastique et les théories les plus farfelues, issues de croyances anciennes ou de légendes urbaines, dans un univers très réaliste et contemporain. Difficile de ne pas voir le monde, par la suite, comme Fox Mulder. un monde manipulé par les puissants, où le politiquement correct, ce qui est admis en bonne société, n’apporte jamais de réponse profonde aux mystères qui nous entourent. Evidemment, en 2021, dans l'ère post-Covid, difficile de regarder la série sans penser à la récupération par les fascistes de tout ordre de ce type de raisonnement. On sait que Carter décida de mettre terme à la série en 2001 après les attentats du 11 septembre, ayant probablement le sentiment de trop jouer avec le feu. Le come-back vraiment gênant des saisons 10 et 11 montre effectivement que le créateur se vautre quand il s'agit de parler à nouveau du complot, comme une boîte de pandore qu'il ne maîtrise pas.


Alors oui, "X-Files" n'a pas la cohérence de propos de "Buffy", son héritière teenage et féministe. D'une rebellion assez anar, plutôt de gauche, la série ouvre parfois les portes d'une vision presque Trumpiste du monde, dirigé par les élites dans le dos du bon peuple américain. Vaccins, cancer, tout ça, c'est le cercle secret qui dirige le monde main dans la main avec les aliens qui gère ! D'autres fois, la série pointe du doigt cette vision, ou bien se fait carrément écolo. En réalité, elle ne cesse de proposer des lectures (inquiètes, paranoïaques) du monde, qui se confrontent et s'annulent. Même quand la série semble dire qu'un cancer est inoculé volontairement par les "méchants" du gouvernement, les scénaristes sauvent l'honneur en rappelant que le cancer est peut-être apparu et a disparu tout seul, qu'il peut-être aussi la marque du destin, de "Dieu",... Bref, la série a la qualité de son défaut, et le défaut de sa qualité : son régime narratif et esthétique est celui d'un post-modernisme, où tout est subjectif. On y parle souvent de "vérité", Mulder veut "croire" en l'existence d'une seule vérité, mais le show ne cesse de lui démontrer qu'il y a toujours plusieurs vérités. Dans un même épisode, un évènement peut-être lu par un spectateur de gauche, de droite, écolo, réactionnaire, chacun à sa façon. "Trust no one" pourrait être un slogan d'un post-68ard, des Anonymous, des Gilets jaunes, du Front national (qui, dans les années 90, avait essayé d'utiliser "X-Files" pour toucher les jeunes par le biais de flyers utilisant les motifs de la série !)... et ils auraient tous tort, selon Chris Carter, qui veut justement dire que toute pseudo "vérité" n'est toujours qu'une récupération, une manière de manipuler un témoin, un enquêteur, bref un spectateur. Nous sommes tous spectateurs de fausses vérités. Scully le rappelle souvent à Mulder "tu as vu ce qu'on voulait te faire voir". Bref, il faudrait douter de tout, tout le temps, et pourtant se battre. Ce propos, cette forme de désillusion très post-moderne, ce questionnement de "comment continuer à croire en quelque chose ?", est le ciment d'une série qui peut donc fonctionner à l'infini : quand on avance dans le récit du complot, la série fait un pas de côté, un pas en arrière (en fait, le gentil était méchant, donc ce qu'on a vu était faux, etc.). Sentiment frustrant, et qui touche à une forme de vide, qui peut paraître un défaut de la série mais est inhérent avec sa logique.


Car "X-files", c'est une machine à fiction, où un cadre régulier (un duo, une esthétique, une structure à laquelle revenir quand les scénaristes s'en sont trop éloignés...) permet, justement, toute les folies au sein du cadre. C'est plusieurs séries en une. C’est, dans la saison 1, un nouveau "Twilight Zone", mixé avec une série policière : chaque épisode raconte une histoire indépendante, une fable horrifique, un conte fantastique, reconstituée par deux enquêteurs du FBI. Cette utilisation de motifs fantastiques classique (revenants, créatures diverses), examinés au scalpel d’enquêteurs du FBI et aux méthodes policières, est l’un des concepts forts de la série. Ces épisodes ne meurent jamais, ils sont le quotidien de Mulder et Scully, leur job, jusque dans les dernières saisons. Ils apportent parfois des détours humoristiques ou parodiques.


Mais c’est donc aussi, à partir de la saison 2, un long film, une quête centrée autour de Mulder et Scully, autour de la conspiration gouvernementale visant à cacher l’existence des extraterrestres aux citoyens. Progressivement, une « mythologie » se met en place, ainsi qu’un mystère qui sans-cesse s’épaissit en même temps qu’il s’éclaire. Le clair obscur… une figure de style majeure de la série. Dans un monde de faux-semblants, les personnages cherchent la « vérité », un chemin qui rime donc souvent avec « spiritualité ». A la recherche d’un peu de lumière dans ce monde d’ombres. La foi, la confrontation des croyances, la religion, sont des thèmes fréquemment questionnés au travers de récits fantastiques. Le message semble être de toujours sortir des sentiers battus, et de prendre conscience des mystères cachés qui nous entourent, même si la réponse à ces mystères se trouve bien souvent en chacun de nous.


Bien que la série date des années 90, elle est étonnamment bien structurée quant à son récit sur le long terme – pour peu qu’on la regarde en intégralité, bien sûr. Si beaucoup d’éléments de la conspiration peuvent paraître contradictoires, tirés par les cheveux, dans les premières saisons, tout semble se recouper à partir des saisons 4-5, jusqu’à la conclusion qu’apportent les saisons 8 et 9.


Bien sûr, le concept est tellement riche, et ouvert, qu’il y a à boire et à manger. Mais tous les épisodes sont brillamment unifiés par la mise en scène, extrêmement cohérente à travers les épisodes : des éclairages expressionnistes, des teintes froides, une caméra flottante… et des décors : la frontière du Canada et ses forêts, un cadre idéal pour y faire naître le mystère, et les déserts du Nevada et de l’Utah où se cachent les secrets militaires. Tous filmés en pellicule et en 16/9, malheureusement numérisés en 4/3 pendant les 4 premières saisons à l'époque, mais accessibles dans leur plus belle version depuis la sortie du coffret Blu-Ray : une merveille visuelle. Autre unité formelle, et pas des moindres, la musique de Mark Snow : une partition entièrement électronique, faite de boucles d’instruments et de sons étranges, de chœurs inquiétants, qui participa énormément à l’identité de toute la série.


X-Files est une série de compromis, comme si Chris Carter était le reflet de Walter Skinner, pris en étau entre des intérêts. Pour que la série engrange plus d'argent, ce qui permettait une montée en puissance de l'imaginaire des scénaristes (scènes de crash d'avion, etc.), il préféra ne pas opter pour le format "feuilletonnant", préservant l'aspect épisodique permettant plus facilement de vendre et diffuser les épisodes. En résulte un sentiment parfois frustrant de suivre nos personnages dans un drame profond, puis, à l'épisode suivant, de les retrouver à leur case départ comme si de rien n'était. Surtout dans la saison 4 où la diffusion d'un épisode avant le Super Bowl bouleversa l'ordre de diffusion - une saison à regarder absolument dans l'ordre de production (trouvable sur le Wiki anglais de la série). De manière générale, la série oscille entre épisodes "loners" et ceux dits "mythologiques" où la grande enquête du duo avance, bouleversant plus grandement leur vie : le show avance à coups de nouvelles idées, mêlant improvisation et cohérence dans un long numéro d'équilibriste. Frustrante à la première vision, elle s'avère étonnamment bien construite à la revoyure.
Autre compromis, ceux avec la censure, nombreux. Si quelques idées de scènes restent dans les oubliettes des bonus et des interviews, la censure des diffuseurs a toutefois poussé les différents scénaristes et réalisateurs à inventer dans la suggestion. Même l'usage de la musique témoigne de compromis : dans les 3 premières saisons, elle est omniprésente (parfois 38 minutes de B.O. sur 44 minutes d'épisode !), comme si l'habillage sonore rassurait les diffuseurs. La série est si sombre visuellement qu'il fallait un tapis sonore pour que les gens ne zappent pas devant un écran noir et silencieux ! Compromis, aussi, avec les acteurs, avec leurs plannings ou leur vie personnelle, qui donnèrent (selon moi, mais pas selon tout les fans) les meilleures idées des scénaristes. Grossesse, départ, retour,... ces aléas ont poussé les scénaristes à briser le moule. Le pacte de série épisodique conclu entre Chris Carter et la Fox se trouvait bousculé, pour nos plus grandes surprises de spectateur.


Car X-Files, c’est une galerie de personnages et un casting qui ne font qu'un, hyper attachants. David Duchovny est la voix de la série, son style marque le show, bien évidemment génial dans la comédie (les petites « lines » toujours bien balancées, nombreuses improvisées). Dans le drame, il peine un peu plus dans les premières saisons, s'améliore avec le temps. Mais surtout, Gillian Anderson semble être née pour être Scully, un personnage extrêmement touchant malgré les carapaces de sérieux et d’une certaine froideur qu’elle tente de revêtir. Elle s’avèrera être une excellente scénariste et réalisatrice, le temps d’un seul épisode, "all things", dans la saison 7. Anderson et Duchovny, ayant chacun leurs qualités, sont surtout brillants en duo. Leur alchimie est palpable et fait le sel de la série. Mitch Pileggi (le méchant délirant de « Shocker » de Wes Craven) est Walter Skinner, le directeur adjoint, le personnage à double tranchant de la série : gentil mentor ou manipulateur ? Son personnage n’est pas toujours brillamment écrit dans les premières saisons, mais là encore, l'improvisation face au réel mena au meilleur : Mitch Pileggi devint populaire auprès des fans, ce qui obligea les scénaristes à donner de la profondeur à son personnage qui n'était qu'un "patron salaud" au tout départ (fulminant dans chacune des apparitions, un peu pénibles dans les saisons 1 et 2). Son personnage devient progressivement énigmatique et attachant, comme un père vers qui les deux enquêteurs peuvent toujours se tourner, mais qui leur cache de vilains secrets. Pileggi est surtout idéal pour incarner un bureaucrate souvent borné, mais toujours prêt à dégainer son arme (ou ses muscles) pour sauver ses employés préférés. Du côté des « méchants » de la conspiration, on est bien sûr servi, avec un personnage des plus diaboliques : l’Homme à la Cigarette, qui fume à chacune de ses interventions, interprété par le grandiose William B. Davis, diable incarné, méchant archétypal que l’on adore détester. Là aussi, les nuances s'ajoutent au fil de la série. Enfin, à partir des deux dernières saisons, Robert Patrick (le T-1000 de Terminator 2), immense acteur, fait son entrée magistrale dans la série, aux côtés d’Annabeth Gish, dans deux saisons pleines de bouleversements, trop sous-estimées malheureusement.




SAISON 1 - 8/10


Une première saison qui présente beaucoup d'aspérités, alternant les épisodes excellents, corrects et parfois médiocres. A ce stade de la série, les épisodes sont indépendants et nous racontent à chaque fois une nouvelle histoire fantastique, sorte de version moderne de "Twilight Zone". Mais, progressivement, les bribes d'une continuité apparaissent, notamment à travers le personnage de "Gorge profonde". Ce personnage mystérieux participe à l'intrigue de la "conspiration" qui entoure Mulder & Scully, et apparaît dans les meilleurs épisodes de la saison, généralement autour d'affaires "ovnis/extraterrestres" : de l'épisode 1 "Deep throat" à l'épisode final "The Erlenmeyer flask", en passant par "Fallen Angel" et "E.B.E.". D'autres épisodes, comme le pilote et l'épisode "Conduit", sont en liens avec les ovnis et font évoluer notre appréhension des deux enquêteurs, notamment le passé de Mulder et la disparition de sa soeur.


Les autres épisodes, plus indépendants, traitent de tous les sujets paranormaux possibles : revenants, télékinésie, loups-garous, etc. En découvrant la série, j'étais plus attaché à la découverte de la mythologie, et la profusion d'épisodes "loners" m'empêchait peut-être de les apprécier à leur juste mesure. A la seconde version, grâce au coffret BluRay, ces premiers épisodes horrifiques me frappent par leur style : avec peu de budget, ils ont le charme de séries B des années 80, inventifs, proposant pléthore de belles atmosphères visuelles... Il y a trois vrais ratés comme "Ghost in the machine", "Space" ou "Fire". Mais tous les autres sont au minimum palpitants et funs, au mieux de petits chefs d'oeuvres. Les amateurs de "Twin Peaks" retrouveront d'ailleurs certains membres du casting de la série de Lynch dans "Beyond the sea", un petit bijou principalement centré sur Scully, et l'honorable épisode "Shapes".




SAISON 2 - 8/10


Très bonne saison 2, qui jongle encore entre les épisodes feuilletonants centrés sur la conspiration qui entoure les deux enquêteurs, et ceux "unitaires". De manière générale, les épisodes feuilletonants (les plus importants) sont plus nombreux dans cette seconde saison, on peut en compter 7. Ces épisodes sont tous d'excellente facture, et d'autant plus palpitants que leur implication et leurs innovations sont plus grandes que dans la saison 1. On notera par exemple l'apparition de deux paires d'épisodes "to be continued" constituant donc deux longs-métrages d'1h30. La grossesse de Gillian Anderson en fin de saison 1, son absence sur le tournage pendant le début des tournages de la saison 2, ont poussé les scénaristes à imaginer ces trouvailles qui opèrent un grand virage dans la partie "grand complot" de la série; Les personnages de Mulder et Scully évoluent donc enfin réellement, ils ne restent pas de simples Colombo du paranormal comme dans la saison 1, et une histoire autour d'eux se construit, celle d'une conspiration gouvernementale à mi-chemin entre "JFK" et "Rencontres du troisième type". La saison se termine sur un épisode de toute beauté et sur cliffhanger assez audacieux. De manière générale, cette montée en puissance de la part mythologique pousse aussi à faire évoluer les points de vue des personnages. Dans cette saison, Scully est témoin de beaucoup de choses, là, où, dans la saison 1, elle pouvait rester campée dans son scepticisme sur la vingtaine d'épisodes. Ici, on la voit véritablement rejoindre malgré elle, à son corps défendant même, le point-de-vue de Mulder. De manière générale, chaque saison proposera de belles oscillations sur l'équilibre du duo. Dans cette seconde saison, la vision de Mulder paraît confirmée, validée, et celle de Scully très bousculée.


Ces épisodes essentiels sont de la mythologie sont donc tous très réussis : Little green men, Duane Barry & Ascension (part 1 & 2), One Breath, Colony & Endgame (part 1 & 2), Anasazi.


Les épisodes "unitaires" quant à eux ressemblent à ceux de la saison 1, avec, notons-le, les débuts d'un très grand réalisateur de la série : Kim Manners. Il formera, avec Rob Bowman présent depuis la saison 1, le grand duo d'X-Files, à qui seront confiés certains des épisodes les plus ambitieux. Alain Resnais avouera adorer la mise en scène de Kim Manners et s'en inspirera pour ses derniers films, dès "Coeurs", pour lequel il engagera par ailleurs le compositeur Mark Snow.


La saison 2 marque aussi les débuts de Darin Morgan, frère de Glen Morgan qui écrit en duo depuis la saison 1 avec James Wong certains des meilleurs épisodes horrifiques. Darin Morgan, quant à lui, apportera le premier épisode comique de la série dans cette saison : "Humbug", une pépite. Il n'écrira que quelques autres épisodes dans la saison 3, qui seront tous des chefs d'oeuvres également. Dans cette saison 2, on retiendra parmi les épisodes horrifiques "The Host", "Irresistible", "Dod Kalm", "Humbug" donc, et "F. Emasculata".


C'est aussi dans cette saison que Vince Gilligan, le futur créateur de "Breaking Bad", fait ses premiers pas de scénariste TV. En effet, fan de la série, il envoya à Chris Carter un épisode, "Soft Light", qui fut réalisé en fin de saison. L'épisode n'est pas parfait, mais Vince Gilligan deviendra un scénariste important de la série, producteur, et même parfois réalisateur récurrent des saisons d'X-files à venir.




SAISON 3 - 8/10


Les trois premières saisons montrent le perfectionnement progressif d'une formule, oscillant entre "loners" horrifiques et épisodes mythologiques. L'unité est donnée par la musique de Mark Snow et surtout par l'image, signée John S. Bartley, chef op des 3x25 épisodes des 3 premières saisons. Surnommé "Prince of darkness", il quittera la série à la fin de cette saison. Le raffinement du style visuel atteint des sommets dans cette saison, avec, par exemple, l'épisode "Grotesque" tout en noir & bleu, alors que Mulder sombre dans la folie en traquant un serial-killer.


De manière générale, la psychologie de Mulder et Scully est plus fouillée, tout comme leur relation, au sein de cette troisième saison. Même les épisodes indépendants fouillent le passé des deux personnages, leurs obsessions, leurs peurs mutuelles. Les thématiques, ainsi que le ton de la série, sont plus respectés d’épisodes en épisodes que dans les deux premières.


Dans cette saison, on note que le duo est rééquilibré. Scully met plus en doute les théories de Mulder, tente de le raisonner. Et s'il était manipulé ? Ce n'est pas un retour à la saison 1, Scully ne nie pas avoir été témoin d'énormément de choses, mais elle est moins en situation de faiblesse que dans la saison précédente.


La saison 3 montre aussi les débuts de l'évolution du personnage de Skinner, qui restait un peu trop figé dans la saison 2 dans une posture d'antagoniste colérique. Son personnage ayant les faveurs du public, et surtout son acteur, les créateurs offrent à Mitch Pileggi de beaux moments et même un épisode centré sur lui.


Enfin, la saison 3 marque les derniers épisodes signés Darin Morgan, véritable génie du scénario. Son tout dernier épisode, "Jose Chung from Outer Space" est un chef d'oeuvre, fable ironique et tendre, désabusée, mélancolique, sur notre nature humaine, notre besoin de croire.


SAISON 4 - 8,5/10


La saison 4 élève le niveau de la série d'un cran, en "unifiant" ses épisodes, tant dans le style que dans la construction des personnages. Pour la première fois, les épisodes indépendants et les épisodes de la conspiration s'enchaînent parfaitement, et l'on n'a (quasiment) plus ce désagréable sentiment de voir quelques épisodes gratuits parsemer l'avancée de la série. A condition de les regarder dans l'ordre de production et non de diffusion (malheureusement, la diffusion d'un épisode pour le Super Bowl bouleverse l'ordre logique des épisodes, et c'est cet ordre infâme qui reste celui des éditions DVD et Bluray !). Si les dix premiers épisodes tatonnent encore, un véritable arc se dessine sur toute la deuxième moitié de la saison, et c'est l'un des plus audacieux de toute la saison.


Les premiers épisodes sont effectivement tatonnant, peut-être dû à la restructuration de l'équipe. Le chef opérateur des 3 premières saisons quitte l'équipe, c'est un dénommé Ron Stannet qui compose l'image des premiers épisodes mais le résultat ne convainc pas tout à fait. Puis, Jon Joffin, chef opérateur de l'équipe B sur les saisons précédentes, devient le chef opérateur officiel sur tout le début de la saison. Alors trentenaire, c'est une occasion en or pour le jeune technicien, qui offre de belles ambiances très sombres, avec des couleurs plus chaudes. Néanmoins, jusqu'à l'épisode 11, on sent les créateurs affaiblis techniquements, les épisodes n'ont pas la splendeur, la maestria de la saison 3. Jon Joffin expliquera notamment qu'il n'a pas su gérer les ombres comme le faisait le grand John S. Bartley : "je confondais ombre et noir", explique-t-il à propos d'une séquence où les monteurs ne voyaient... strictement rien.


Toutefois, les derniers épisodes signés à l'image par Joffin sont meilleurs, avec notamment le superbe "Never Again" centré sur Scully. Puis, il passe le relai à Joel Ransom, qui deviendra le nouveau chef opérateur culte de la série (il travaillera sur toute la deuxième moitié de la saison 4, et sur toute la saison 5, et sur le come-back des saisons 10 et 11, moins merveilleuses).


Dans ces derniers épisodes, très maîtrisés, la musique de Mark Snow se renouvelle aussi, plus moderne, plus minimaliste, et moins envahissante. La saison 3 donnait parfois l'impression que les épisodes se servait dans des "banques musicales" de Mark Snow pour peupler les scènes. Désormais, le montage son laisse enfin place au silence dans de nombreux épisodes, ce qui, à mon goût, ne fait que mettre en valeur la musique quand elle apparaît avec plus de parcimonie.


La saison se conclue par un magnifique dernier épisode, à la facture cinématographique, qui nous fait faire un pas de géant dans l'éclaircissement des mystères. Ce dernier épisode, tout comme la saison dans son intégralité, travaille intelligemment la question qui est au coeur de cette série : la croyance, la foi, contre la désillusion.


De manière générale, la saison 4 met en avant Scully et son actrice, Gillian Anderson, ce qui n'est pas pour me déplaire. Trop souvent faire-valoir face à un Mulder qui a, finalement, toujours raison, cette saison montre à quel point Mulder peut être envahissant, voir nocif. Sa croyance prêchée absorbe toute la vie de Scully... La manière dont les épisodes loners incorporent des aspects des épisodes "feuilletonnants"/mythologiques au sujet de Scully est absolument superbe dans cette fin de saison.


"Never again", "Leonard Betts", "Memento Mori" est un magnifique enchaînement d'épisode, entre loners et mythologie. Le duo d'épisodes mythologique "Tempus Fugit" propose un véritable blockbuster autour d'un crash d'avion, l'une des scènes les plus marquantes de toute la série. "Elegy", "Demons" et "Gethsemane" forme à nouveau un trio où loners/mythologie s'entremêlent, pour conclure la saison magnifiquement. Et, au milieu de tout cela, on voit aussi Vince Gilligan faire ses débuts dans la comédie avec succès avec l'épisode "Small Potatoes", bulle d'air frais dans cette fin de saison très sombre.


Bien sûr, la série use parfois de gros sabots, et particulièrement dans cette 4ème saison. Crash d'avion, cancer, vaccination qui permet le contrôle de la population... les scénaristes ne se posent pas de limite, mais, même si on était dans les 90's et pas en 2020, ils semblent avoir conscience d'une forme de moralité narrative. Bien sûr, user de ces motifs pour une fiction presque de "série B" peut être maladroit, mais la série se veut baroque, autant mélodramatique qu'horrifique. Particulièrement dans cette saison, elle offre un regard post-moderne sur le réel : tout est toujours ré-interprétable à l'infini, et si l'on se met à croire que le cancer ou qu'un crash d'avion serait l'oeuvre d'un complot gouvernemental en lien avec les aliens, les scénaristes posent aussitôt un pion qui permet aussi de se dire que le cancer n'est rien d'autre que le cancer, qu'il n'a pas de réponse, pas d'origine, qu'un crash d'avion a plus à voir avec une erreur militaire, etc. Ces pirouettes pourraient paraître malignes, frustrantes, elles font pourtant tout le sens de cette série faite d'hypothèses qu'on ne peut jamais tout à fait prouver. Dès lors qu'un récit prend forme concrète, une nouvelle pièce de puzzle vient l'exploser, le réduire à néant.


D'ailleurs, si le propos de la mythologie d'X-Files pourrait paraître réactionnaire, fasciste ou pré-Trump (les méchants "illuminatis" nous dirigent secrètement), la saison 4 offre un regard sur cette récupération, par l'épisode "Kaddish" qui nous montre quelques néo-nazis utilisant ces arguments. Si leur haine a causé la mort d'un protagoniste Juif, c'est l'amour qui le fait revenir d'outre-tombe, par l'usage de rites ancestraux de sa religion.


Dans ce mouvement perpétuel de changement de point-de-vue et de vérités qui s'annulent entre elles (mouvement qui rend fou, presque, le spectateur, et qui rend fou, certainement, Mulder), la série se fait parfois discrètement "méta" sur le travail de création d'une série : ces enquêteurs qui avancent en permanence, face à un scénario du complot sans cesse renouvelé, ce sont les scénaristes qui construisent un "château de carte dont le socle est peu solide" comme dit Scully à Mulder. Bien souvent, dans cette fin de saison, les personnages parlent de complot, d'aliens, ou de leur vie, mais semblent parler de leur propre travail de fabrication. Toujours dans ce même épisode ("Max"), Scully conclut en parlant de Neil Armstrong, en disant qu'il faut rendre hommage à ceux qui sacrifient leur vie privée, pour faire faire un pas à l'humanité, mais qu'ils ne sont rien sans leur équipe. Quand on sait qu'X-Files battait des records de planning, tournant jour et nuit, tous les ans, et laissaient des scénaristes, des réalisateurs, exangues mais heureux d'avoir accompli des prouesses (tournages en 8 jours...), on ne peut s'empêcher d'y penser.




SAISON 5 - 8.5/10


Lors de ma première vision en DVD, cette saison m'avait tout de suite attrapée par le passage du 4/3 au 16/9. Revue en Bluray où toutes les premières saisons révèlent leur beauté en 16/9, la saison 5 apparaît finalement moins tenue esthétiquement que la quatrième, en tout cas dans ses premiers épisodes, qui contient plus de gros plans, en champ contre-champ, moins de mouvements complexes ou gracieux (dans la majorité des épisodes 1 à 10). Si les premiers épisodes sont loin d'être ratés, la deuxième partie de la saison 5 retrouve une meilleure qualité artistique, à partir des épisodes "Kill Switch" et "Bad Blood", jusqu'au final.


Avec le film "X Files Fight the future" dont la sortie était prévue pour l'été en ligne de mire, les créateurs se permettent moins de pas de côté, ce qui donne à la saison 5 un cachet moderne de série où le feuilleton et l'épisodique se mêlent complètement. Sur le plan narratif, elle est celle qui donne le plus l'impression d'être un long film, sindé en chapitres, menant quelque part.


Toutefois, si tout est unifié, la première moitié de la saison 5 manque de pépites. Il y a un sentiment de remplissage avant de passer aux choses sérieuses, c'est à dire le double épisode mythologique "Patient X/The Red and the black" qui lance les nouveaux éléments menant au film.


Avant cela, les premiers épisodes mythologiques par duos, "Redux I-II" et "Christmas Carol/Emily". Le premier duo d'épisode sert surtout à boucler les trames de la saison 4, comme pour faire un ménage narratif, laisser place aux nouvelles idées pour le film. Le second ouvre une brèche très intéressante mais doit la refermer aussitôt... Les deux paires ont des moments réussis, mais sont un peu étouffants. Le tout premier épisode, "Redux" est par exemple entravé par les voix-offs, on va d'une scène à une autre sans ressentir l'angoisse des personnages, comme si on tournait rapidement les pages d'une BD. "Redux II" s'en sort déjà mieux, avec le choc de son twist final. C'est l'inverse pour le duo "Christmas Carol/Emily" : si le premier volet "Christmas Carol" est un merveilleux épisode centré sur Scully et sa famille si coincée, dans une esthétique qui utilise à merveille l'atmosphère de Noël (jamais la chaleur des guirlandes ne m'a paru plus mélancolique qu'ici, alors que la famille se froisse autour de la fête annuelle, on se croirait presque parfois chez Desplechin, dans "Un conte de Noël"), si le twist de cet épisode donne des frissons, l'épisode suivant "Emily" se dépêche de boucler les pistes ouvertes par l'épisode précédent. En résulte un sentiment de manipulation des personnages par les créateurs, l'usage d'un nouveau personnage (un enfant, qui plus est) comme pur outil de rebondissement. De plus, on retrouve les hôpitaux et la maladie comme une redite de la saison 4, dont on se remet à peine. Les scénaristes avaient réussi avec brio à garder un bel équilibre concernant l'aspect mélodramatique de la maladie dans la saison 4, l'épisode "Emily" n'y parvient pas car tout est précipité par le besoin de fermer la boucle narrative.


Bref dans la première moitié de saison 5 tout est très narratif, très "tenu", comme une série des années 2010's finalement. Plus cohérente, sans épisodes gratuits, mais donc un peu sans surprise aussi, sans liberté.


Toutefois, dans cette première partie de saison, "Détour" est à noter comme l'un des meilleurs épisodes de toute la série. C'est, à mon goût, le meilleur monster of the week ayant trait aux mystères de la forêt et d'habitants "big foot" (thème souvent exploité dans "X-Files"), avec des images de créatures à la "Oncle Boonmee" assez incroyables. De beaux moments aussi, de confession entre Mulder et Scully perdus dans les bois la nuit. Ici, comme dans toute la saison (et c'était le cas depuis la saison 4), la musique de Mark Snow se fait inventive, et le montage respire en laissant le silence s'installer plus souvent que dans les premières saisons.


A noter également, un épisode co-écrit par Stephen King, "Chinga". L'intrigue y est plutôt kitsch, un peu déjà vue, mais le style horrifique rappelle avec plaisir la première saison. Par les vacances de Scully dans le mène, on peut repartir à zéro et vivre une parenthèse divertissante qui rappelle les origines du show. L'épisode bénéficie de décors et d'une ambiance assez mémorables.


Malgré le ton de plus en plus sérieux de la série à ce stade, on notera deux épisodes humoristiques ou parodiques : d'abord, "Post-modern prometheus", un épisode à la "Freaks" en noir & blanc écrit et réalisé par Chris Carter. Malheureusement, si l'esthétique est superbe, le scénario de Carter est franchement gênant par moments (villageois tous débiles, validation du viol des habitantes dans un happy end guimauve...). Intéressant de voir que Chris Carter, créateur du show, est un habile metteur en scène, porté par une envie esthétique (ici, son idée d'épisode noir et blanc fonctionne à merveille), mais qui ne sait pas tenir une cohérence de propos dans ses récits, par un trop plein qui se contredit.


Autre épisode comique de la saison, plus réussi, "Bad Blood" écrit par Vince Gilligan (qui avait bien réussi son passage par la comédie en fin de saison 4), une histoire de vampire dans laquelle Mulder et Scully ne semblent pas avoir assisté aux mêmes événements. On sent que Gilligan tente d'être l'héritier de Darin Morgan (qu'il avait fait jouer dans son premier épisode comique, "Small potatoes"), avec ce scénario proche de "Jose Chung from outer space" (structure à la Rashomon qui confronte les points de vue). Seulement, Gilligan est moins spirituel, moins poétique dans son approche, et quelques gags sont un peu balourds ou attendus. On notera aussi que, plusieurs fois à ce stade, la série tire à l'humour le viol, détail qui vieillit mal. Dans le premier épisode comique de Gilligan, "Small potatoes", le personnage du violeur était comme pardonné par le récit, mais au moins il était désigné en tant que tel, mis sous les verrous et cela semblait juste, et il y avait une forme d'ironie sur le pathétique masculin qui restait bien senti ; dans "The post-modern Prometheus" de Carter, c'est bien plus gênant et dans "Christmas Carol", on nous révèle aussi que les tests liés au complot ont donné lieu à une insémination artificielle, ce qui n'est pas assez traité, très peu questionné par les personnages. Ici dans "Small potatoes" ce détail revient avec le Shériff qui drogue Scully. Ce n'est pas totalement raté puisque le personnage se révèle par là un vampire, donc un "monstre", mais là encore un gentil monstre qu'on pardonne. Rien d'absolument révoltant, mais on sent ici comme sur la trame du complot le manque de tenue dans le propos créant des éléments gratuits et parfois un peu bêtes (à la différence de "Buffy", mais notons que "Buffy" allait tout juste naître quand "X-Files" était à sa saison 5, et que Joss Whedon la cite comme une inspiration). Néanmoins, l'épisode reste plus qu'honorable, et pour beaucoup de fans il est l'un des meilleurs de la série. Pour moi, légèrement trop potache (jusque dans cette scène pas bien pensée, pas vraiment drôle, sur Scully droguée par le Shérif dont elle est amoureuse).


Surtout, cet épisode apporte un moment de surprise, conjointement avec le 11ème épisode "Kill Switch". Cet épisode, qui m'avait paru raté à la première vision, m'apparaît désormais comme l'un des meilleurs de la saison, par sa trame qui ne respecte pas les canons de la série, par sa liberté, comme si la série se réouvrait à plus d'inventivité et d'audace. D'ailleurs, l'épisode est né du hasard : Chris Carter a rencontré dans l'avion l'auteur de fictions cyber-punk William Gibson et lui a proposé d'écrire un épisode. En résulte une proposition qui annonce "ExistenZ" (film qui n'était alors pas encore sorti), qui arrive à toucher du doigt le passage du physique au virtuel par une forme plus poétique, délirante, surréaliste, que crédible. L'épisode ne conclut pas toutes ses lignes, il ouvre à la réflexion, nous laisse étonné. Un peu comme, en fin de saison 4, "Demons", où Mulder était aussi piégé dans un état hallucinatoire, épisode très à-la-Lynch. Cet épisode "Kill Switch" montre aussi une amélioration de la mise en scène à mi-chemin de la saison : on retrouve un découpage ciselé, fait de travellings, mouvements de grue ou steadicam, un usage magnifique des couleurs dans la nuit, grâce au talent de Rob Bowman.


La saison continue de s'améliorer à mi-chemin avec le double épisode mythologique "Patient X/ The Red and the black", où les scénaristes creusent réellement le retournement de croyance de Mulder et Scully, de manière passionnante (Scully vivant une scène quasi-mystique face à un Ovni, scène stupéfiante), en parallèle de virages osés dans la trame du complot : rebellion parmi les aliens, inquiétude parmi les hommes de l'ombre, et découverte d'un agent du FBI fils de l'homme à la cigarette, très bien campé par Chris Owen. Deux très beaux épisodes, parmi les meilleurs de la "mythologie", réalisés par Kim Manners et Chris Carter avec grande maîtrise.


Lancée par ce double épisode majeur, la saison se poursuit à haute altitude. Les scénaristes assument de traiter à fond le scepticisme nouveau de Mulder, et la croyance grandissante de Scully. Idée qui place le spectateur à fond du côté de Scully, comme en deuxième moitié de saison 4 : ce jeu de bascule de point-de-vue, où l'on en vient par exemple à détester Mulder, est très riche et participe sûrement au sel de ces deux meilleures saisons, la 4 et la 5. Les origines du combat de Mulder sont questionnées dans un épisode tout en flash-back plutôt bien mené, "Travelers" qui remonte à l'époque de son père et du maccarthysme, comme dans les tous premiers épisodes de la saison avec "Unusual suspects" sur l'origine des Lone Gunmen. Deux épisodes qui rappellent les origines du destin de Mulder alors que celui-ci est désillusionné dans toute la saison, et qui sont une manière rusée d'offrir des parenthèses narratives détachée de la grande trame, difficile à aborder dans cette saison puisqu'il fallait se tenir au chemin menant à la sortie du film. Parallèlement, la croyance de Scully donne lieu à un épisode mystique et religieux à la Millennium avec "All souls". Le duo ne fait que se chercher sans se retrouver dans "Mind's Eye" et dans "The Pine Bluff variant" : le premier est un bel épisode autour d'une aveugle accusée de crime, et son lien fort avec Mulder ; le second est un épisode d'action où Mulder semble rejoindre des terroristes, comme si sa nouvelle vision du complot le menait sur des terrains où le paranormal n'avait plus lieu d'être. C'est Scully qui y repère la part plus fantastique, découvrant la réalité de l'arme biochimique dispersée par les terroristes. Mais surtout, cette séparation creusée dans cette saison donne lieue à un début de réunion dans l'excellent épisode écrit par Gilligan, "Folie à deux" : l'auteur de Breaking Bad utilise ici toute sa fantaisie mais dans un épisode fantastique au premier degré, kafakïen, réflexion impressionnante autour de la folie et du monde du travail. Discrètement, l'enquête questionne la propre folie de Mulder et Scully, leur perdition au sein des X-Files. Et l'on est presque heureux de voir Mulder redevenir croyant, donc "fou" (aux yeux des autres), avant que Scully ne le rejoigne dans cette "folie à deux". Très beau titre pour annoncer la conclusion où le duo se retrouvera enfin, alliés dans une dernière image, mais épuisés. C'est "The End", fausse fin invitant les spectateurs à se rendre au cinéma puisqu'il ouvrait plus de pistes qu'il n'en refermait. Sans être le meilleur épisode mythologique, il contient l'une des plus émouvantes scènes de fin de la série.




LE FILM "Fight to the future" - 7.5/10 : Sorti deux ans après un autre blockbuster tiré d'une série, "Mission Impossible", le film X-Files n'est pas sans lien avec celui de De Palma. Typique produit des années 1990, dans son esthétique scope, son pré-générique, sa musique pop en générique de fin, X-Files a la même fascination du complot, complot relifté des années 70 aux 90's. Dans le De Palma, c'est disquettes, ordinateurs et fin de la guerre froide. Chez Chris Carter, c'est vaccins, mutations génétiques, virus alien et vaccin secret, soucoupe volante cachée par un syndicat secret, bref Mission:Impossible rencontre Close encounters of the third kind. Le film, réalisé par Rob Bowman (l'un des meilleurs réalisateurs de la série) mêle parfaitement l'esthétique de ces deux références. Notamment par le goût de la forme chorale et internationale : scènes mystérieuses à Londres, au Texas, en Tunisie, et même en -35000 avant J.C. Du film de Spielberg, il a aussi l'esthétique tout en ombres et lumières. Ce savant mélange des deux références est présent dans la série d'origine, et en vient logiquement à donner naissance à un film de cinéma. Et, en passant par le 7ème art, Chris Carter pense à la référence commune de De Palma et Spielberg : Hitchcock. Dans l'aventure de Mulder et Scully sur grand écran, les héros parcourent les U.S.A. tel Thornhill dans "La Mort aux trousses", suivent un train qui s'engouffre dans un tunnel, se font poursuivre par des hélicoptères dans des champs de maïs. La nuée d'abeilles rappelle "Les Oiseaux" (et l'intrusion de la serre mystérieuse rappelle, pour y revenir, la grande séquence d'intrusion de la CIA de "Mission Impossible"). Point final de ce jeu de référence qui permettrait de valider le passage d'X-Files au cinéma : la venue de Martin Landau, le méchant de "La Mort aux trousses" (le bras droit de James Mason), en indicateur de Mulder.
Bref, sur le plan du récit, de la technique (photo, décors, musiques de Mark Snow), tout est très réussi. Sans parler du duo Anderson/Duchovny qui brille sur grand écran. Et à peu de choses près, "X-Files" aurait pu faire un très bon film, un film culte, aussi important que le "Mission: Impossible" de De Palma.
Qu'est-ce qui lui manque ? Un thème sous-jacent. Quelque chose de plus que l'enchaînement d'actions, quelque chose de plus que le suspense. Bien sûr, il y a l'ombre du complot et la lumière de la vérité, qui combattent. Mais cette thématique est trop peu questionnée, le film manque de profondeur. L'absence de fond, d'un noyau dur, d'un thème caché, se ressent dans la mise en scène de Rob Bowman : elle est parfaite, mais elle manque d'un motif, d'une obsession. Même dans son format petit écran, "The X-Files" est une série plus grande quand ses scénaristes savent utiliser le genre pour proposer une fable, une réflexion sur un thème philosophique ou politique. Ce n'est pas le cas dans le film de 1998, qui donne donc le sentiment d'être simplement un très bel épisode final de la saison 5, comme l'ont dit les critiques de l'époque. Ainsi le film est un peu à "Mission: Impossible" ce que "Souviens-toi l'été dernier" est à "Scream". Même univers (blockbuster de cinéma tiré d'une série culte), mais qui s'en tient au divertissement, sans réussir à décoller vers les hautes sphères par manque de couche plus profonde.




SAISON 6 - 8,5/10


Après la saison 5 et son aboutissement (le film "Fight the future"), les épisodes "mytharc" sont donc laissés de côté, et cette saison 6 est donc celle qui en comporte le moins de toute la série (même moins que la saison 1 !). Si cet abandon de la mythologie, juste après le film "Fight the future", m'avait surpris à la première vision (j'espérais un long film en guise de saison 6), j'ai redécouvert les qualités de cette saison à la seconde vision de la série. L'arc mythologique trouve une première fin dans le milieu de la saison avec "Two fathers/One son". Mais si c'est la fin d'un chapitre, ce n'est pas celle du grand roman mythologique puisqu'il reste encore la quête de la soeur de Mulder, et bien d'autres choses - c'est la promesse proposée dans le dernier épisode "Biogenesis". Rares mais réussis, les épisodes mythologiques laissent donc un grand espace pour respirer dans cette nouvelle saison. Et les personnages principaux, vivant cette fin de chapitre et l'approche d'un nouveau, semblent plus vivants que jamais. Les scénaristes, eux aussi, semblent libérés des contraintes, et la saison 6 contient donc certains des meilleurs "loners". Propulsée par le déménagement de Vancouver à Los Angeles, on voit presque une nouvelle série se dessiner, on sort des carcans. Les épisodes monster-of-the-week sont génialement inventifs, frais, audacieux.


Sous la plume de Vince Gilligan, par exemple, naissent de vraies propositions, des épisodes très imaginatifs tels que "Drive", "Tithonus", "Monday". De vrais petits chefs d’œuvres, de par leur force scénaristique, ainsi que leur réalisation (très souvent sous la direction des excellents Kim Manners et Rob Bowman). Les acteurs sont toujours au top, parfaitement à l'aise dans la peau de leurs personnages, les récurrents comme les guests (Bryan Cranston dans l'épisode "Drive").


En terme d'esthétique, adieu les forêts et les atmosphères grises, mais les déserts et les routes abandonnées de l'Ouest Américain fonctionnent aussi à merveille. Le nouveau chef opérateur, Bill Roe, compose une photographie absolument tenue, subtile, et si les extérieurs-jours sont devenus chaleureux voir étouffants, il créé souvent en contraste de magnifiques scènes d'intérieur bleutées et d'incroyable scènes nocturnes, dans les pas du maître des premières scènes John S. Bartley.




SAISON 7 - 8/10


Peut-être la saison la plus inégale depuis la saison 1, qui avait l'excuse de se chercher et le mérite de la fraîcheur. Si la saison 7 peine à passionner, c'est à cause de la gestion du myth-arc. Carter sent venir une fin possible de l'aventure X-Files, une forme d'épuisement général, et tout au long de la saison, les scénaristes réfléchissent à l'idée de conclure définitivement la série - sans en être certain pour autant. La saison commence donc par se "débarrasser" de la trame du complot, celle du groupuscule secret. Si l'objectif est "d'en finir" avec cette lourde trame, le double épisode introductif « 6th Extinction » est toutefois réussi, avec une 1ère partie un peu trop longue et bavarde mais déjà intéressante et un second épisode aux séquences incroyables entre rêves et réalité.


Dès lors, la saison 7 surprend par son côté "relâché", tant nous sommes habitués aux énormes twists de la mythologie depuis de nombreuses saisons, venant rehausser nos attentes entre deux épisodes d'enquêtes fantastiques. Ce n'est plus le cas dans la saison 7 et il faut attendre le milieu de la saison pour découvrir les deux épisodes "myth-arc" suivants, « Sein Und Zeit » et « Closure », autour de la dernière quête restante pour Mulder : sa sœur Samantha. Cette fois, on sent clairement la volonté de simplement conclure une trame qui leur pèse sur les épaules de Carter. L'épisode est censé apporter la réponse "officielle" à l'intrigue de la soeur disparue, présente depuis le pilote original de la série, pourtant il donne le sentiment d'un épisode mineur, qui ne fonctionne pas tout à fait, ni sur le fond ni sur la forme.


Finalement, l'impression de retrouver un grand épisode "mythologique" vient avec l'épisode « En Ami », centré autour de l’homme à la cigarette et écrit par son interprète William B. Davis... alors que cette impression est un écran de fumée : l'épisode est en fait une histoire qui se conclue au bout des 44 minutes, permettant d'explorer le personnage de CGB et celui de Scully. Une excellente surprise : les convictions du spectateur sont mises à mal, et la tension est maintenue tout au long de cette aventure assez fascinante. Un vrai beau moment de cinéma, road movie mystérieux partagé entre deux personnages opposés. Beau conte fermé sur lui-même, l'épisode ouvre quand même une petite piste sur le plan d'une trame plus large de la série : la peur de mourir de l'homme à la cigarette, jolie idée de ce scénario, ne sera pas oubliée pas les scénariste et réutilisée en fin de saison.


Avec ces seuls jâlons "mythologiques", la saison 7 avance donc avec peu d'enjeux. Si ce n'est, tout doucement, un enjeu amoureux. Discrète révolution, on voit peu à peu l'alchimie du duo, présente depuis leur première rencontre, prendre une tournure plus "concrète". On sent que tout cela n'est pas extrêmement pensé, improvisé face au doute d'une fin définitive de la série à l'époque. C'est ce qui fait sûrement la faiblesse de la saison 7, un peu "oubliable". Pourtant à la re-vision, elle ne m'apparaît pas catastrophique non plus. Peut-être grâce au dernier épisode, « Requiem » : il clôt la saison en beauté en revenant sur les traces de la saison 1. Alors qu'il a été écrit comme une potentielle conclusion "définitive", la nouvelle d'une saison 8 vient dynamiter ce scénario. On y vit à la fois une vraie "fin" et un vrai "début", apportant des rebondissements qui laissent envisager de gros changements pour la saison à venir… et cela ne pouvait faire que du bien. Malgré la frustration de certains spectateurs sur ce qui s'y produit et les implications pour la suite, j'ai toujours adoré ce pivot que je ne spoilerai pas. Gillian Anderson, dans la dernière scène de cet épisode, prouve encore une fois qu'elle est une actrice de génie.


Entre ces rares jâlons mythologiques, les épisodes "loners" les plus réussis sont souvent signés Vince Gilligan : « Hungry », « X-Cops » ou « Je souhaite », comptent parmi les meilleurs de la saison, et de la série toute entière. Ce dernier, "Je souhaite", est aussi sa toute première réalisation.


Autres pépites : l’épisode crossover « Millenium » pour l'idée et la présence de Lance Henriksen même si l'épisode n'est pas parfait ; « Brand X » une contamination liée à un nouveau tabac modifié ; et le magnifique « all things », l’unique épisode écrit et réalisé par Gillian Anderson elle-même.


Les épisodes "loners" tournent énormément autour de la religion et de l’Amérique profonde : l’adolescence et la rupture avec les parents dans « Rush » ; la relation entre un prêtre et un meurtrier dans « Orison », épisode qui fait suite à un épisode de la saison 2 ; une église adoratrice de serpents dans « Signs and wonders » ; une revanche à la « Cape Fear » contre la famille américaine idéale dans « Theef », plutôt réussi et puissant grâce à la présence du génial acteur Billy Drago ; les noires secrets d’une ville parfaite transformés en monstre dans « Chimera », ambiance Desesperate Housewives avant l'heure, à la sauce Docteur Jekyll et Mr Hyde féminisé.


On trouve également peu d’épisodes humoristiques, ni trop de pastiches « expérimentaux » dans cette saison. Il y a donc l’excellent « X-Cops » écrit par Gilligan, qui reprend le style des reportages à sensation sur la vie des agents de police et la naissance du genre du "found footage" depuis Blair Witch ; « First person shooter », un hommage paresseux aux jeux vidéos ; « Hollywood A.D. » le second épisode écrit et réalisé par David Duchovny, toujours assez lourd mais parfois amusant ; et l’un des pires épisodes, quoique drôle dans quelques séquences, « Fight Club », écrit par Chris Carter lui-même.




SAISON 8 - 8.5/10


------ SPOILERS !! -------


La saison des grands changements...


Après le départ ou semi-départ de David Duchovny, qui ne souhaitait pas poursuivre son rôle à plein temps, la meilleure idée était de ne pas le remplacer par un nouveau « Mulder », mais de reconstituer un duo différent : Scully « devient » Mulder et le représente, parle en son nom et à la mémoire de sept années passées ensemble à enquêter. John Doggett devient le nouveau Scully masculin, sceptique, flic à l’ancienne, coriace et la tête sur les épaules… Dans le sillon de Dogget apparaît un autre personnage, l'agent Monica Reyes, personnage au croisement de Fox Mulder et de Melissa, la soeur de Scully. Les rôles s’inversent grâce à ce nouveau duo Scully-Doggett, pour le meilleur de la série : les scénaristes sont obligés de travailler leurs personnages, et ne s’en tiennent pas qu’au récit horrifique de la semaine… La saison 8 offre donc une magnifique continuité, même pendant les épisodes de « monsters of the week », comme le faisait l’excellente saison 5. Elle est d’ailleurs la saison qui contient le plus d’épisodes « mytharc » depuis la saison 4.


La grande qualité de la saison 8 est donc sa construction, en trois chapitres. Elle débute par deux magnifiques épisodes, « Within » et « Without », dans lesquels la conspiration renaît des cendres de la saison 7, en partant du dernier épisode de cette dernière : « Requiem ». Doggett est chargé de retrouver Mulder, mais il doit pour cela faire face à des vérités qui le dépassent pour l’instant. Les deux épisodes se concluent sur l’affectation de Doggett au département des X-Files.


Vient alors le second chapitre de la saison, de l’épisode 3 à l’épisode 12 : Mulder restant introuvable, Scully et Doggett doivent travailler ensemble sur les affaires non-classées. Tous ces épisodes montrent l’évolution de Doggett, qui petit à petit accepte le mystère et le surnaturel, comme Scully des années auparavant. Parallèlement, ils montrent Scully accepter la disparition de Mulder et la présence imposée de son nouveau coéquipier.
L’épisode 3, « Patience », est donc un « monster of the week » écrit par Chris Carter, à la sauce nouveau duo Gillian Anderson – Robert Patrick. Le suivant, « Roadrunners », écrit par Vince Gilligan, est un excellent épisode horrifique où Scully se retrouve coincée dans un village au miliue du désert, où une secte adoratrice d’un insecte énorme semble vouloir faire d’elle leur nouvelle Reine… un épisode à glacer le sang, qui n’est pas sans rappeler le petit chef d’oeuvre « Ice » de la saison 1.


« Invocation » est un épisode de vengeance d’outre-tombe d’un enfant assez classique pour X-Files, à l’ancienne, toujours centré sur la formation de Doggett aux phénomènes inexpliqués.


« Redrum » est un épisode assez faible, autour d’un prisonnier qui vit un retour dans le passé (chaque lendemain devient la veille). Un scénario qui évoque le « Monday » de la saison 6 (où Mulder vivait chaque jour la même journée), et « Hungry » de la saison 7 (centré sur un personnage autre, les deux enquêteurs devenant des personnages secondaires). Mais l’épisode est prévisible, sans beaucoup d’imagination, et finalement ennuyant.


« Via negativa » est un petit chef d’œuvre, excellent épisode écrit par Frank Sponitz, où Dogget affronte ses démons et le paranormal de plein fouet. Un « épisode Dogget », où Scully s’efface : elle subit des test concernant sa grossesse (un mystère plane autour de ces événements, mystère qui nous mènera à la dernière partie de la saison). Un duo Doggett-Skinner se forme en parallèle. Robert Patrick prouve ici qu’il est un très grand acteur, spécialement dans le registre de la peur et du drame, là où Duchovny tirait X-Files vers la comédie. On est presque ici chez Lynch, avec une succession de scènes oniriques ou hallucinatoires, fortement teintées d’ésotérisme (une enquête sur une secte). C’est le premier épisode où Dogget semble enfin accepter le mystère et conclure une affaire sans preuve médicale, scientifique, balistique… Il s’agit de la première réalisation de Tony Wharmby, qui réalisera six autres épisodes par la suite.


« Surekill », « Salvage », et « Badlaa » sont trois « monsters of the week » plutôt faibles, même si l’évolution des rapports entre Doggett et Scully y est intéressante. « Surekill » est un épisode assez amusant, autour d’un homme ayant le don de voir à travers les murs, mais qui présente peu d’enjeux, ainsi que plusieurs lacunes d’écriture. « Salvage » joue le clin d’œil au succès de Robert Patrick « Terminator 2 ». Un épisode correct, à la réalisation soignée, avec assez de suspense pour nous divertir. « Badlaa » est un épisode tiré par les cheveux dans lequel un fakir Indien exécute sa vengeance contre l’Amérique toute entière… L’épisode se termine sur une scène intéressante : Scully confesse avoir tenté « d’être Mulder », de reprendre son rôle, sans y parvenir. On sent que les scénaristes cherchent la place que doit occuper les membres de ce nouveau duo, et quelle évolution donner à leurs rapports, au sein de ces épisodes « monsters of the week ».


Vient alors « The Gift », premier épisode à nous montrer Mulder… par flash-back. Très bon épisode focalisé sur Doggett et son rapport au « fantôme » de Mulder, à son ombre qui plane sur lui. Encore une fois, sa motivation première est de retrouver Mulder au début de cet épisode. A la fin, Doggett le retrouve spirituellement : il pense comme lui, il le comprend. Un nouvel épisode Doggett-Skinner, Scully étant encore mystérieusement absente… (la réponse à cette absence dans deux épisodes)


L’épisode « Medusa » vient clore ce chapitre. Il s’agit d’une histoire de contagion, plutôt intéressante et bien faite, en huis-clos dans les couloirs du métro de Boston. Néanmoins, l’affaire est un peu déjà vue pour les connaisseurs de la série.


Vient alors le troisième chapitre de la saison, à partir de l’épisode « Per Manum ». Ce dernier apporte enfin des réponses sur la grossesse de Scully. Par cet épisode tout en flash-back, lumière est faite sur bon nombre des mystères de la fin de la saison 7. Un épisode important où l’on comprend qu’un certain point de la relation entre Mulder et Scully nous avait été caché : Mulder s’était porté donneur pour que Scully puisse avoir un enfant, malheureusement sans succès. A ce stade, nous baignons en plein mystère néanmoins : que va-t-il se passer ? Mulder va-t-il revenir ? comment va se poursuivre la grossesse de Scully ? Comment l’expliquer tout à fait ? Doggett va-t-il enfin pouvoir prouver qu’il est digne de confiance ? L’épisode est également une parabole sur la peur de l’enfantement, avec des scènes terrifiantes dont la symbolique rappelle la saga Alien. La musique de Mark Snow, et le thème « Scully » créé pour l’épisode « all things », fait le lien entre cet épisode et ceux de la fin de la saison 7, comme un chapitre clôt (en partie bien sûr).


Ce très bel arc narratif se poursuit avec « This is not happenning », un très grand épisode « mytharc », probablement l’un des plus prenants de toute la série. Le cliffhanger final en fait un classique du genre. Mulder est retrouvé, et un nouveau personnage féminin apparaît, l’agent Reyes.


« Deadalive » poursuit l’aventure entamée dans l’épisode précédent, et recompose les pièces du puzzle de la saga (Krycek, l’invasion extraterrestre).


« Three words » : Mulder de retour, c’est le bizutage de Doggett. Est-il digne de confiance ? Est-il un manipulateur au service de Kersh ? Ou bien est-il lui-même manipulé comme l’ont été Mulder et Scully plus d’une fois ? Le retour de Mulder après tant d’épisodes nous rappelle, ironiquement, qu’il est égocentrique et froid, sans compassion et extrêmement paranoïaque. Plutôt que de faire du retour de Mulder un événement heureux, les scénaristes ont eu la bonne idée d’en faire un retour en demi-teinte, parfois gênant : plus rien ne sera comme avant pour lui, quoiqu’il arrive.


« Empedocles » nous montre parallèlement la vie de Mulder et Scully d’un côté (la grossesse, le retour de Mulder à la vie normale), et une enquête de Doggett et Reyers. Cette intrigue prend rapidement la forme d’une fable sur la contamination du mal, dont le véritable intérêt est de creuser les démons de Doggett et son passé douloureux. Comme dans la saison 5, histoires unitaires et parcours des personnages sont parfaitement liés. Encore une fois, le personnage de Doggett donne lieu à de magnifiques scènes de flash-back à la mise en scène onirique, autour de la mort de son fils.


« Vienen » plonge Doggett et Mudler dans une aventure liée à la Black Oil. Mulder passe officiellement la main à Doggett et s’en va, après avoir été licencié définitivement du FBI par Kersh. Un épisode à suspense, assez musclé, dans une station pétrolière.


« Alone » poursuit cette thématique. Mulder et Scully hors FBI (elle en congé maternité, lui licencié), ces derniers ne peuvent s’empêcher de venir en aide à Doggett, qui affronte tant bien que mal une créature mi-homme mi-reptile.


L’arc narratif se conclue sur les deux derniers épisodes, « Essence » et « Existence ». « Essence » commence doucement, puis le suspense monte progressivement jusqu’au final trépidant. Toute la mythologie, éparse et parfois contradictoire, semble trouver son sens ici.
« Existence », l’épisode final, résout énormément de choses et ne laisse pas planer de vagues doutes comme ont pu le faire certains épisodes finaux de la série. On sent que les scénaristes savent où ils vont depuis la fin de la saison 7, et cela fait du bien. Doggett s’avère un grand atout pour les X-Files, maintenant qu’il est convaincu de la réalité de l’invasion extraterrestre. Son courage et son honnêteté, son intégrité et son esprit d’équipe, sont au service de Mulder et Scully, avec l’aide de l’agent Reyes. Tous ces nouveaux personnages trouvent leur place, et laissent espérer une très bonne saison 9.


En bref, une saison 8 centrée sur les personnages, plutôt que sur les enquêtes paranormales, très bien écrite par les créateurs qui ont su s’adapter aux aléas de la vie des acteurs et à leurs disponibilités. L’écriture du personnage de Doggett est exemplaire : Scully le rejette comme le rejettent les fans, puis l’accepte petit à petit. Il est, de plus, brillamment interprété par Robert Patrick.




SAISON 9 – 8/10


------ SPOILERS !! -------


Et voici la dernière saison, la neuvième, pleine de paradoxes.


Après la belle continuité de la saison 8, dont l’intelligente construction maintenait un ton noir d’épisodes en épisodes, on sent que les scénaristes ne sont pas certains de la direction à prendre pour cette ultime année… Le problème majeur vient probablement de l’ellipse créée entre la saison 8 et 9. Dans cette ellipse, Mulder part, pour sauver sa vie et celle de ses proches. Un grand mystère plane donc tout au long de la saison : que devient Mulder pendant ce temps là ? Où est-il ? Est-il vivant ?


Ce mystère nous empêche de véritablement « accepter » les aventures qui continuent d’arriver sans le célèbre « Spooky » Mulder. Là où la saison 8 était entièrement dessinée en fonction du sort de Mulder, de ses réapparitions, la saison 9 continue sans lui, mais toujours dans l’attente de le retrouver.


Le FBI continue donc de vivre sans Mulder. Monica Reyes, John Doggett, Scully, Skinner, et l’assistant-directeur Follmer, nouveau « méchant » faux-jeton bras droit de Kersh, forment les nouvelles pièces de l’échiquier. Cet échiquier apporte un renouveau, certes difficile à accepter pour les fans des 7 premières saisons : plus de trace d’un duo de héros insubmersibles, mais une galerie de personnages qui évoluent jusqu’à la conclusion. Des personnages souvent dans le doute, comme les spectateurs.


On retrouve donc le problème majeur de la série, à savoir le passage abrupt d’épisodes importants pour la mythologie, à des épisodes unitaires, sans transition. Néanmoins, ces épisodes n’ont rien de honteux : les réalisateurs et les scénaristes ont atteint une grande maîtrise de leurs outils, et peuvent encore livrer des récits passionnants au sein d’X-Files.


« Nothing important happened today », partie 1 et 2, ne reprend donc pas là où la saison 8 nous avait laissée. Entre temps, un départ de Mulder a été organisé, un départ plein de mystère qui sous-tendra toute la saison jusqu’au final. Ces deux épisodes déploient un sentiment de fin qui approche et de mélancolie. La main est définitvement passée à Doggett et Reyes, et Scully se tient naturellement à l’écart pour protéger son enfant. Deux épisodes ébouriffants, un premier mystérieux (l’eau contaminée), le second plus nerveux. Dans ces épisodes, Kersh apparaît pour la première fois sous un jour nouveau, pas uniquement celui d’un méchant caricatural : il pourrait, comme Skinner dans le passé, être sous influence, manipulé, et cacher un peu d’humanité sous sa carapace. Nous retrouvons les Lone Gunmen là où leur spin-off les a laissé, ce qui est asse

BlueKey
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le 7 nov. 2013

Modifiée

le 26 juin 2014

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le 16 juin 2013

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Hercule Poirot
BlueKey
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Critique de Hercule Poirot par BlueKey

Un téléspectateur français, de moins de 70 ans, pourrait croire que regarder Agatha Christie’s Poirot équivaut à regarder L’inspecteur Derrick, puisqu’elle est majoritairement regardée par le même...

le 16 nov. 2015

14 j'aime

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Aimer, boire et chanter
BlueKey
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Critique de Aimer, boire et chanter par BlueKey

Depuis les années 90 et sa première adaptation d'une pièce d'Alan Ayckbourn, on peut constater que les films d'Alain Resnais fonctionnent en duo, consciemment ou inconsciemment de la part du cinéaste...

le 26 mars 2014

11 j'aime

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