Au moins ce film aura pour grand mérite de ne prendre personne au dépourvu.

Quiconque sera tombé sur une de ses nombreuses affiches placardées un peu partout dans nos villes aura saisi les grandes lignes du projet : 1) Brad Pitt, 2) Top Gun : Maverick et 3) des F1... Devrais-je dire la F1, avec le petit « R » entouré, histoire de bien nous rappeller qu'on va se mater là un produit marketé de A à Z.

En cela, F1 ne déçoit pas dans la mesure où il offre ce qu'il a promis. D'un autre côté, il présente néanmoins ce grand défaut de ne pas savoir être au-delà que ça, c'est-à-dire une simple usine à rêves aseptisés au service de la catégorie reine du sport automobile.

Pourtant, je dois bien l'avouer, F1 présente en son début cet étrange paradoxe. Se proposant comme une gigantesque pub qui entend mettre les petits plats dans les grands, le film pose tout de même sur la table ce que l'essentiel du reste du cinéma mondial peinent à offrir : des images léchées, une photographie soignée et une mise-en-scène propre et très efficace.

Rien n'est manifestement trop précieux pour la FIA qui rince tout le monde dans cette affaire : bien évidemment il y a Brad Pitt, mais notons aussi la présence au casting de Javier Bardem et de Tobias Menzies, mais aussi celle de Hans Zimmer dont la bande originale est régulièrement secondée ar de grands morceaux pop rock, allant de Led Zeppelin à Queen.

On est prêt à toutes les dépenses, sent-on, pour redorer le blason de la reine des compétitions et pour s'attirer un nouveau public que la fédération automobile s'efforce de conquérir depuis quelques années à grands coups de séries Netflix et autres détours par Las Vegas. Et force est de constater que ce n'est pas toujours désagréable à regarder. C'est même franchement agréable sitôt se rapproche t-on du circuit.

En fait, la proposition est simple et elle se défend : un peu comme le fan de Queen va attendre d'un Bohemian Rhapsody qu'on lui offre plus de deux heures de concert dans les conditions sensorielles optimales d'une salle de cinéma, F1 entend faire la même proposition mais avec ses courses de Formule 1 qu'on ne peut généralement voir que sur sa petite lucarne. Et encore, à condition d'avoir l'abonnement qui le permet.

Or, à ce niveau-là, les amoureux de cinéma plastiquement élégant et ceux de F1 risquent de se trouver un terrain commun le temps de quelques courses, tant la réalisation riche et limpide à la fois de Joseph Kosinski risque de mettre beaucoup de monde d'accord.

Mais voilà, le problème c'est que tout ça ne tient que sur l'asphalte (et encore). En dehors des circuits, F1 – en bon produit commercial qu'il est – peine à proposer une quelconque aspérité. Et s'il s'en sort encore pas trop mal au début, jouant ses classiques de vieux baroudeurs venant guider le jeu loup encore un peu trop vert pour le grand jeu, la proposition s'essouffle vite au fur et à mesure que le scénario s'attarde ses personnages. Pire que ça, il finit par s'enfoncer de plus en plus.

Tout d'abord il s'enfonce à vouloir aborder des questions dont il ne peut contractuellement pas retranscrire la férocité.

Ainsi les rivalités et autres coups dans le dos se font avec des couteaux de dinette, tout se devant d'être noyé par cette logique de clip promotionnel permanent qui nous présente le monde de la F1 comme celui d'une joyeuse entreprise dont les scènes de communion feraient presque flipper tant elles prennent régulièrement, dans ce film, des allures de secte ; allure renforcée par la propension de Kosinski à planter ses films que dans de vastes paradis blancs et cliniques.

Et puis, l'autre problème, c'est qu'à vouloir surfer sur la vague des derniers films de course à succès, de Senna à Rush en passant par Le Mans 66, F1 ne fait qu'en reprendre la trame et les effets sans vraiment parvenir à s'en distinguer, au point qu'on y retrouve de nombreuses péripéties reprises trait pour trait.

Tout ça confère à la longue une dimension très archétypale à cette intrigue ;

La love story entre le pilote et son directeur technique, mais « au secours ! »

une dimension renforcée par des péripéties de courses parfois un peu tirées par les cheveux et qui peineront à convaincre les amateurs de Grands prix. Toutes ces tares narratives font en sorte qu'en s'accumulant, elles finissent par rendre les 2h35 que dure le film assez difficiles à digérer.

Malgré tout, et comme dit au début de ce billet, force est de constater qu'au bout du compte, ce F1 remplit son office bon an mal an. Un office bien prosaïque, convenons-en, mais un office qui aura au moins pour mérite de rappeler l'ogre boursouflé qu'est le blockbuster étatsunien à ses fondamentaux, c'est-à-dire ceux du spectacle certes toujours plus ou moins aseptisé, mais présente au moins pour mérite de nous offrir un bel écrin.

Activité sur F1 - Le Film