Visuellement le film est réussi avec des plans, des jeux de lumière et la photographie sont magnifiques. Le casting est excellent, en particulier Voldemort… oups… Ralph Fiennes (saga des Harry Potter). On comprend et partage son stress et la tension quant à l’organisation du conclave. L’enquête pour éviter tous scandales sur le prochain Pape est bien fait. Le mixage son (avec les violons) et le découpage rappelant A l’Ouest rien de nouveau contribuent à cette ora de mystère et de tension qui fonctionne bien.

Un Thriller politique qui marche nous montrant tout un dispositif de sécurité impressionnant pour empêcher toutes communication avec l’extérieur. Enfin… Pas si efficace que ça vu que le cardinal Lawrence n’arrête pas de communiquer avec l’extérieur (sœur Agnès aussi d’ailleurs), ce qui est impossible durant un conclave. Le cardinal doyen consulte un ordinateur ce qui n’est également pas possible.

De plus on voit assez peu les cardinaux prier, voir pas. Ce qui est dommage pour ce type de film.

Le film en profite pour taper injustement sur Benoît XVI. Le film rappelle son passage obligé dans les jeunesses hitlériennes, en laissant entendre une adhésion à l’idéologie nazie. Cela méconnaît la réalité historique : comme beaucoup de jeunes Allemands de son époque, il y a été enrôlé de force. Assimiler cela à un engagement volontaire ou militant est historiquement discutable et injuste, d’autant plus de la part d’un réalisateur allemand, qui devrait être particulièrement conscient de la complexité de cette période.

Le discours du cardinal Lawrence (son homélie) est une hérésie venant d’un cardinal. Prétendre vouloir un Pape qui doute et qui pêche est une absurdité. Tout autant que lorsqu’il déclare « La certitude est l’ennemi de la tolérance ».

C’est un film sorti à des fins politiques pour montrer que les méchants sont les conservateurs. Le film est sortie au bon moment et tourne à la caricature les traditionnalistes pour soutenir qu’il ne doit pas y avoir un Pape conservateur élu au prochain conclave. De plus le film fait passer les traditionnalistes pour des personnes islamophobes, racistes et en fait une généralité. Des généralités qu’on retrouve tout au long du film par exemple quand l’un des cardinaux fait le lien absurde entre la messe en latin et le fait d’avoir 10 enfants à la maison. A aucun moment un personnage ne dit que le latin est une langue commune à toute l’Eglise qui permet d’être unie plutôt que d’être séparé par nos langues individuelles.

Le film ne va se positionner que sur un point de vue sans même s’intéressé au camp opposé. Contrairement à À l’Ouest, rien de nouveau, où Edward Berger montrait les deux camps avec humanité et nuance, Conclave semble enfermé dans une opposition manichéenne entre les "gentils" réformateurs et les "méchants" conservateurs. C’est dommage, car le sujet du conclave est passionnant, et il aurait mérité une approche plus équilibrée.

Selon le film l’Eglise n’est pas la tradition, ni le passer car sinon elle ne peut pas aller de l’avant c’est une absurdité. Dire que l’Église doit "se libérer de son passé" pour avancer laisse entendre que la tradition est un obstacle, alors qu’elle constitue, pour beaucoup de croyants, une part essentielle de l’identité chrétienne. La tradition n’est pas figée, mais elle fait partie du message transmis au fil des siècles par ce que les croyants appels la Révélation.

Le climax final, souvent perçu comme controversé, ne m’a pas semblé blasphématoire, mais impossible d’un point de vue théologique. Le Pape ne pourrait ordonner le personnage en sachant cela (je ne développe pas plus cet axe pour ne pas divulgâcher à ceux qui n’auraient pas encore visionné le film).

IN FINE, Conclave est un film bien réalisé et prenant sur le plan formel, mais dont le propos manque d’équilibre. Il porte un regard très critique sur une partie de l’Église sans chercher à comprendre ou à représenter avec honnêteté l’autre. C’est un choix artistique et idéologique assumé, mais qui montre un parti pris. Il s’agit d’un film moralisateur sur ce que l’Eglise devrait être, par un non-croyant (ce qui est un peu gonflé) qui ne cherche à aucun moment à se mettre à la place de ces derniers.

D’autres cinéastes athées, comme Pasolini dans L’Évangile selon saint Matthieu, ont su aborder des sujets religieux avec une réelle volonté de se mettre à la place d’un croyant. Ici, cette intention semble absente.

De plus ici, des sujets intéressants comme l’évangélisation en Asie, les tensions géopolitiques ou la guerre sont à peine effleurés, au profit d’un affrontement idéologique assez simplifié.

Activité sur Conclave