Si le nom d'Uwe Schmidt ne vous dit rien, sachez simplement que ce jeune homme a déjà publié plus d'une centaine d'albums, au moins autant de singles et e.p., qu'il a participé à plus de 150 compilations, qu'il a réalisé des remixes pour une bonne cinquantaine d'artistes dont Cesaria Evora, Depeche Mode ou Air, qu'il a produit de nombreux musiciens, et tout cela en une dizaine d'années. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'un véritable stakhanoviste de la musique, sortant des albums mensuellement, d'une indéniable et constante qualité, même si certains, et heureusement, sont plus aboutis que d'autres.
Véritable trublion de la musique électronique underground, Schmidt s'insurge contre le culte de la personnalité et le phénomène de la « rock star » en brouillant les pistes : il a environ 50 noms d'emprunt différents, en change comme de chemise, et il faut bien souvent le traquer si l'on veut suivre sa carrière de près (un indispensable site web présente la discographie complète d'Uwe Schmidt : http://music.hyperreal.org/artists/atom_heart/). Si ces projets les plus médiatiquement reconnus sont Lassigue Bendthaus, Atom Heart et le récent cocktail electro-latino Senor Coconut, il lui arrive parfois de ne même pas indiquer son nom sur les pochettes de ses disques. Sa musique parle pour lui, elle est sa signature, il n'est pas nécessaire d'en dire plus.
Originaire de Francfort, Uwe Schmidt réalise ses premières activités musicales en 1985 en tant que batteur et programmeur autodidacte. L'année suivante, il fonde un label de cassettes audio spécialisé en musique électronique où il publie ses premiers enregistrements. En 1988, paraît son premier vinyle sous le nom de Lassigue Bendthaus et, en 1990, son premier CD. Voulant s'autogérer, Schmidt fonde son propre label, Rather Interesting, en 1994 et publie jusqu'à un album par mois, à des tirages extrêmement confidentiels (souvent 500 ou 1000 copies). 1997 est l'année qui marque un grand tournant dans sa carrière puisqu'il quitte définitivement Francfort pour s'installer à Santiago du Chili où il s'affranchit de l'influence de la musique européenne tout en découvrant l'importance de la musique d'Amérique Latine qui va dès lors, complètement bouleverser son travail. Les rythmiques latines, la samba, le cha-cha-cha, le mambo, la bossa intègrent depuis grand nombre de ses productions électroniques concassées, notamment sur le projet Senor Coconut.
C'est aussi le cas de l'unique album paru sous le nom de Midisport, à la pochette et au titre hilarants de laideur et d'absurdité. Dans ce projet, Schmidt a comme cahier des charges de revisiter la bossa-nova et la samba à sa sauce, ni plus ni moins. Pour décrire rapidement le style Uwe Schmidt, disons qu'il crée une musique synthétique pleine de coupures, de hachures, d'évolutions au sein de boucles répétitives, une musique syncopée, diablement originale, et ne perdant jamais de vue l'humour, facteur déterminant dans sa méthode de composition. C'est un musicien qui procède beaucoup par échantillonnage – sample –, il est à ce propos fondateur du MACOS (Movement against the copyrighting of samples) dont chaque musicien-membre peut allègrement sampler des disques d'autres adhérents sans avoir à payer de droits. Dans « « 14 Footballers in milkchocolate », tous les samples utilisés, il y en a un nombre incalculable, proviennent des grands noms de la bossa-nova, de Jobim à Joao Gilberto en passant par Edu Lobo, et sont intégrés à une électronique d'une liberté et d'une irrévérence totale. Ca part dans tous les sens, ça saute, ça déraille, comme si la platine ne parvenait pas à lire le disque correctement, comme si un danseur s'emmêlait les pieds, mais sans jamais tomber à terre et en créant, involontairement, un nouveau style de gestuelle. Le plus saisissant c'est que Schmidt arrive à reproduire l'esprit de la bossa et de la samba et ne gardant que leurs gimmicks, et en les intégrant totalement dans son univers si particulier. Car il suffit d'écouter Schmidt une fois pour reconnaître ensuite chacune de ses productions, même lorsque, dans un cas comme celui-ci, il intègre une source d'inspiration extérieure. Evident travail post-moderne, le disque de Midisport se permet un hommage à Pelé (« The Man with the broken leg ») et est à la bossa-nova ce que les petites confiseries au chocolat au lait de la couverture sont au football : une bonne blague, une confiserie tout aussi inutile que délicieuse et rapidement indispensable.
FrankyFockers
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le 24 avr. 2012

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