Bottes en cuir, perfecto, pendentifs-crucifix, face patibulaire et clope au bec, Dave Wyndorf représente à ses débuts l'archétype du rockeur hargneux, celui que l'on aurait pas envie de bousculer dans une file d'attente de peur de se prendre une belliqueuse torgnole à cinq branches sur la joue, dès lors bajoue. Sibyllin et surréaliste il est de l'imaginer en enfant pleurnichard traumatisé par son frère, bourreau de jeunesse et éclairé (voire illuminé) adorateur des drogueries soniques d'Hawkwind. Adoration malsaine puisque Wyndorf, effrayé par la musique spatiale et inquiétante que son aîné passait à plein volume dans la chambre voisine, le supplia en vain d'arrêter le calvaire...

De cette enfance instable résulta une adolescence chaotique baignée dans le délit et l'orviétan, amenant Wyndorf à perdre sa virginité à 13 ans, à dealer du chocolat magique à 14 et à devenir utilisateur régulier de LSD et de cocaïne à 20. Parallèlement, il monte un premier groupe de glam rock, Shrapnel, au succès très limité, puis il se lance dans l'apprentissage autodidacte de la guitare, se munissant du graal psychédélique que représente encore aujourd'hui la fuzzbox. Il écrit quelques chansons, puis rencontre un groupe local, Dog Of Mystery, qui lui proposera de venir chanter avec eux pour quelques concerts... Une fois le leadership capturé, Wyndorf transforme les Dog Of Mystery en Wrath Of The Bull Dog, puis Airport 75, et enfin Monster Magnet.

Sans cesse ravitaillé en psychotropes par son chanteur et principal compositeur, le groupe, désormais constitué de John Mc Bain à la guitare, Joe Calandra et Tim Cronin à la basse, Jon Kleiman à la batterie et Dave Wyndorf au chant et à la guitare, tourne sans relâche. Il publie un EP réussi, acte de naissance stoner dont la plupart des chansons seront reprises dans le premier album du groupe, Spine Of God (1992). Le second EP, TAB, publié en 1993 mais écrit en 1991, affirme avec excès l'influence du psychédélisme Hawkwindien dans le stoner rock. Ainsi, dans la chanson éponyme d'une durée de 35 minutes, la logique cosmique et toxicomane de l'autre Dave (Brock) est poussée à l'extrême, ce qui la rend aussi bien anachronique qu'incroyablement moderne, à une époque où de nombreux artistes grunge vont eux aussi s'adonner à l'usage régulier de psychotropes et autres substances altérantes.

Summum de démesure toxicomane, l'unique thème de basse tourne en boucle durant la demi-heure, constellée de nombreuses expérimentations sonores que l'on imagine tirées des cauchemars enfantins les plus traumatisants de Wyndorf. L'objet des tourments, Hawkwind, n'a jamais osé aller si loin dans le processus. 35 minutes de constante démence spatiale, impossible et insupportable à écouter d'une traite à moins d'être en communion psychique avec le groupe, que l'on a du mal à imaginer seulement vivifié au thé vert... Heureusement, "Long Hair" et "Lord 13", les deux autres compositions présentes dans l'EP, par ailleurs plus long que beaucoup d'LPs avec ses 55 minutes, apportent une réelle satisfaction, que l'on soit stoned ou non. Leur durée plus raisonnable et les changements de thèmes qu'elles mettent en exergue enchantent par leur singuliarité à la fois nouvelle et dépassée, celle du space rock violent. Celle du Stoner Rock.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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