Il en va de la littérature comme de la musique ; il reste toujours des choses fantastiques à découvrir, même lorsque l'on pense avoir à peu prés fait le tour d'une question, il se trouve toujours une oeuvre pour venir remettre en question toutes vos vaniteuses certitudes. Et c'est à chaque fois avec délice et beaucoup d'espoir que l'on se rend compte que l'on a eu tort d'avoir cru tout connaître. Depuis le temps que je parcours les bacs et les blogs à la recherche de la moindre pépite oubliée, tel un chercheur d'or, en quête du moindre nouvel artiste qui saura entretenir la flamme, je pensais avoir écouté la quasi-totalité des grands albums évoquant de prés ou de loin les Beatles. Pure folie, je peux en témoigner, l'exhaustivité est un leurre.


Todd Rundgren ne m'était pourtant pas totalement inconnu, son nom m'était déjà parvenu aux oreilles à quelques reprises, en parcourant certains ouvrages ou magazines. Du reste je connaissais déjà "Hello It's Me" comme tant de monde mais je n'avais cependant jamais cherché à approfondir le sujet. Une sortie du côté de ma bibliothèque locale fut donc pour moi l'occasion de réparer cette négligence. Je m'étais mis en quête de l'oeuvre la plus populaire de l'artiste, également réputée comme la plus aboutie : "Something/Anything" sorti en 1972. Or, Ô damnation suprême ! Ô cruelle destinée ! de "Something/Anything" point l'once, pas même une indisponibilité, pas plus de Something que d'Anything ; le disque n'existant tout simplement pas dans le catalogue de ladite médiathèque. En un mot comme en cent : Nothing ! En lieu et place de l'objet tant convoité trônait seulement un disque à la pochette peu engageante et à l'intitulé prétentieux, "Todd Rundgren : A Wizard, A True Star". Jamais entendu parler. Faute de mieux j'embarque la galette moche quand même, celle-ci viendra s'empiler sur une pile (tiens donc) comme une moule à son rocher pendant deux semaines, temps nécessaire avant d'en aborder l'écoute.


"Un sorcier, une vraie star", rien que ça. Au total 56 minutes de musique réparties sur 19 pistes. Juste l'occasion de vérifier que le titre ne ment en rien ; on a bien affaire à un véritable magicien, à un artiste en état de grâce. L'album dans sa totalité témoigne d'une inventivité folle, et beaucoup plus rare et précieux, d'une maîtrise totale de cette inventivité, car l'américain possède les atouts maîtres afin de mener à bien ses ambitions démesurées : un sens de la mélodie remarquable combiné à des qualités de producteur immenses. Il en résulte un bijou incomparable serti dans un écrin majestueux ; une sorte d'Abbey Road qui aurait viré complètement barge. Cinq sommets, habilement cousus entre eux par de savantes transitions et de captivants instrumentaux, viennent porter le disque jusqu'au firmament de la pop : d'abord le magistral enchaînement "International Feel/Never Never Land" qui donne le ton général d'un album placé sous le signe de l'audace ; s'ensuivent cinq titres délirants d'à peine plus d'une minute chacun menés tambour battant jusqu'à "Flamingo", l'instrumental préparant le chef d'oeuvre du chef d'oeuvre : le grandiose "Zen Archer", couplé à un fantasque "Just Another Onionhead/Da Da Dali" que l'on croirait tout droit sorti du Ram de McCartney, version démente encore une fois. Les troisième et quatrième sommets de l'hymalayesque vinyle interviennent dés le début de la face B avec l'existentiel "Sometimes I Don't Know What I Feel" et le gargantuesque medley de plus de dix minutes mettant en scène quatre classiques Soul servis à la sauce Rundgren, le tout simplement entrecoupé par le court mais agréable "Does Anybody Love You?". Dernière cime à parcourir avant de légèrement redescendre en qualité vers le Who-esque "Is It My Name?" et le final "Just One Victory" : la délicate ballade "I Don't To Tie You Down", mélodieuse en diable, qui permet de conclure ce voyage supersonique du côté de chez Todd en toute beauté.

Saint-John
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le 4 mars 2014

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