All We Destroy
7.3
All We Destroy

Album de Grayceon (2011)

Grayceon avait déjà tapé fort du poing sur la table avec l'éponyme et This Grand Show, en posant comme simple postulat que :
Metal pouvait rimer avec finesse.
Metal pouvait se passer de basse.
Le violoncelle est un instrument tout à fait adapté à Metal.
Metal se marie bien avec des trucs improbable, genre musique de chambre.

Grayceon, c'est Jackie Gratz Perez, violoncelliste déjà entendue sur Amber Asylum et Giant Squid, que l'on retrouve ici naturellement au violoncelle et à la voix. Et si d'autres groupes ont déjà inclus les cordes au sein de leurs compos, chez Grayceon, ce n'est nul gimmick commercial ou simple fioriture, puisque le violoncelle qui remplace la basse mène la plupart des compos. Et ce n'est pas peu dire que la demoiselle est douée de l'archet, puisqu'elle marie avec une grace insolente la puissance des passages metal et classiques, et apporte un son extrêmement chaud et organique aux compos. Elle est soutenue par son non moins talentueux guitariste Max Doyle, qui joue uniquement en finger picking (sans mediator, donc), y compris dans les passages où le groupe décide d'envoyer la purée .Et quelle purée, le son est massif, puissant, mais garde un côté extrêmement rond, très chaud. Son jeu accompagne le violoncelle à merveille, et s'amuse même à placer des pinch harmonics bien metal un peu partout. Le tout se révèle très intriqué et sinueux , avec des riffs puissants suivis d'arpèges délicat.

Il fallait une ossature solide pour soutenir pareille dentelle, et c'est Zack Farwell qui assure derrière les fûts. Et ce n'est pas peu dire que le sieur est un véritable maestro bucheronnesque, avec un style à la fois très fin (amateurs de polyrythmies, régalez-vous), et particulièrement rentre-dedans lors des moments les plus agressifs.

Si l'on pouvait reprocher à Grayceon sur l'éponyme et This Grand Show un certain manque de cohérence, force est de constater que All we Destroy s'avère bien plus concis dans son propos (une seule piste dépasse les 15 minutes), et dans sa forme... Mais chaque chose en son temps.

Ils reviennent donc avec All we Destroy, et ils reviennent en très grande pompe. On retrouve dés les premières mesure du titre Dreamer Deceived les caractéristiques de Grayceon, à savoir : dynamique lent/rapide très marquée, les jeux de guitare et de violoncelle qui s'imbriquent et s'emberlificotent, et un son très puissant et massif lors des passages saturés, grâce au jeu exceptionnel du guitariste.
Jackie Gratz est désormais seule à la voix, ou presque, et la dame a su améliorer son chant de façon remarquable. S'il est toujours un peu froid en voix claire, ses growls et hurlements possèdent désormais une puissance et une rage surprenante pour une frêle femme, d'autant qu'elle les pousse assise derrière son instrument...

Et tout l'album est à l'avenant, entre puissance maîtrisée et grâce incroyable, les artistes virevoltent et surtout, malgré la gravité de leur propos (l'album traite de violence), ils s'amusent, et les morceaux de bravoure s'enchaînent, notamment sur l'incroyable We Can, où classique et metal se marient naturellement, sans jamais dénoter ou choquer. Le groupe se passe parfaitement de basse, le violoncelle apporte une fluidité et une dynamique particulièrement impressionnante sur ce morceau. Personnellement, j'ai des frissons incroyables passé la marque des six minutes, une fois la pièce en place, et même si sa fin se traîne un peu, c'est le genre de piste que l'on réécoute sitôt terminée. Le passage où elle bleugle « we can », portée par une mélodie foudroyante est tout bonnement l'un des meilleurs que j'ai pu ouir ces dernières années. Justifie à lui seul l'écoute (voire l'achat, tout simplement) de l'album.
Difficile de vraiment caractériser Grayceon, d'autant que le groupe s'amuse à brouiller les pistes, puisant ses sources aussi bien dans le classique (forcément), que dans le registre de Neurosis, le rock « brut », la folk... Sans jamais réellement être entièrement l'un ou l'autre, piste qu'ils explorent avec brio sur Once a shadow, mélange idéal de folk dans sa première partie et d'un metal brutal sur la fin, et particulièrement sur le final War's end, tout entier accoustique, conclusion parfaite d'un album brillant.

Au registre des reproches, on pourrait remarquer que le groupe erre parfois dans ses anciens travers, comme un certain manque de cohérence, beaucoup moins remarquable que sur les précédents opus, et une retenue qui finit par se sentir : le groupe pourrait pousser beaucoup plus loin ses expérimentations sur le timbre et sur les textures. Mais ce ne sont que vétilles comparées à la claque que représente All we destroy, et à l'impact que cet album va avoir sur la communauté metal. Déja encensé par la critique et le public, l'album est promis à apparaître sur nombre de Top 10 à la fin de l'année, et c'est amplement mérité.


Cérébral, jouissif, précieux, élégant, bourrin, riche et complexe, All we destroy est un album à écouter plusieurs fois avant de vraiment saisir le travail colossal qu'il a pu représenter, et une vraie gratification pour l'auditeur, une fois celui-ci digéré. Recommandé plus que chaudement.
eukaryot
8
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le 2 avr. 2012

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eukaryot

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