Amusing The Amazing est une de ces étoiles filantes que chaque collectionneur consciencieux rêve et rêvera longtemps de posséder. Il y a fort à parier que dans une vingtaine voire une trentaine d’années, elle partagera avec les glorieux oubliés des années 60/70 (Leaf Hound, Fraction, Atomic Rooster, HP Lovecraft) le statut d’objet incontournable pour tout amateur de raretés. Créé en 1996 par John Garcia, leader alors endeuillé de la mort du phénomène Kyuss, le groupe Slo Burn pourrait être considéré comme une sorte de revanche sur ses anciens camarades. En s’entourant de musiciens encore méconnus, la Voix du stoner reprend à son compte les clés du désert, espérant prouver que la réussite artistique de Kyuss est de son seul fait et qu’il n’a pas besoin de ses ex-partenaires pour scander les plus grands hymnes du genre.

De fait, les inconnus employés sont bien au-delà des espérances circonspectes de l’époque et méritent amplement une mention dans ce papier : Chris Hale à la puissante guitare solo, Damon Garrison à l’indispensable guitare basse et Brady Houghton à la furieuse batterie. Etonnamment, John Garcia, apparemment peu satisfait de son équipe, décide pourtant de dissoudre Slo Burn cinq mois après la première concrétisation discographique. L'étonnement résulte de la réussite artistique incontestable de cette concrétisation.

D’abord EP de quatre titres (les quatre premiers), cinq autres furent rajoutés par la suite à Amusing The Amazing malgré leur qualité sonore moindre, celle-ci se révélant en être une, de qualité : la production crasseuse qui accompagne « Wheel Fall », « Positiva », « Cactus Jumper », « Round Trip » et « Snake Hips » sert à merveille le propos ensablé et tourbillonesque de l’œuvre. Elle l’approfondit même et confirme que pour certaines tendances instrumentales et certains discours musicaux, la saleté permet une approche plus propre que la propreté elle-même. Ah, si seulement l’imbécile inventeur de l’auto-tune avait jeté une oreille sur le chant de John Garcia dans Amusing The Amazing…

Ses envolées vocales épiques à la puissance communicative demeurent uniques dans le fabuleux monde du rock’n’roll et atteignent certainement leur apogée avec Slo Burn. Quel homme ne se sentirait pas invulnérable à l’écoute de cette voix chaleureuse, animée par de nombreux sentiments destructeurs parmi lesquels une rage incontrôlable qui ne demande qu’à exploser ? John Garcia a un don. Celui de moduler sa voix au rythme des puissantes vibrations musicales qui l’entourent. Un riff meurtrier ? La ligne vocale aiguise les couteaux, menaçante. Une accalmie générale ? Le chant prépare calmement le prochain assaut, reposé mais sur le fait, aguerri. Une nouvelle fois, Mr Stoner assoit sa place de maître parmi les plus grands chanteurs de sa génération, celle, déchue, des années 90 dans leur plus bel appareil. Les autres musiciens, loin de démériter, livrent une prestation exemplaire : qu’il s’agisse de la guitare saturée à l’extrême de Chris Hale et des immenses riffs en émergeant, du jeu lourd et brutal de Damon Garrison ou des frappes énergiques de Brady Houghton, chaque élément est à sa place et participe pleinement au groove diabolique d’une œuvre robuste et violente.

John Garcia est un des rares artistes (à dix albums ou plus) à n'avoir jamais déçu son public au détour d'un album mauvais. Toutes ses contributions, des side-projects aux groupes « officiels », tous sont devenus cultes. Il ne faudrait pas que Kyuss Lives ! vienne gâcher ce bilan aux frontières de la perfection…
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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