Il est toujours difficile de juger un EP au format si court : 3 morceaux, 8 minutes à peine. Bonjour, au revoir, merci. C’est un peu comme résumer un repas à l’entrée, une dissertation à son introduction, ou pire, un assortiment Haribo à ses réglisses.


L’exercice est périlleux, et j’ai tendance à y porter une oreille plus critique que pour un véritable album. Nous préférons en effet célébrer la complexité d’une œuvre plutôt que sa concision, et c’est pourquoi notre panthéon littéraire comporte plus de romans que de nouvelles. Dans le domaine musical, un EP peut rapidement tomber dans les extrêmes du trop peu, trop facile, ou du pas assez, et est souvent considéré comme un projet « bouche-trou » en attendant un album plus consistant.


Alors, comment aborder Apparition, le dernier EP de serpentwithfeet ? Si je n’ai aucune idée de la place qu’il occupera dans la discographie encore bourgeonnante de l’artiste américain, j’ai toutefois la certitude qu’il serait bien dommage de passer à côté. Bien qu’extrêmement court, cet EP possède de nombreuses qualités à faire valoir : des mélodies simples mais raffinées, un contenu lyrical dense mais accessible, et surtout cette voix soyeuse venue d’ailleurs… Dès les premières notes de piano, on se retrouve plongé dans l’ambiance mélancolique du chanteur du Maryland. Et c’est avec toujours autant d’émotions que l’auditeur attendri écoute ses supplications, entre spleen existentiel et tourmente sentimentale, dans un style R&B si caractéristique. Un bien sombre tableau que je dresse ici, qui s’éclaircit toutefois par la promesse d’un futur réconfort : Life’s gotta get easier, répète inlassablement le chanteur sur la chanson d’ouverture, ou encore I’m better now dans la chanson qui s’ensuit.


En ce sens, Apparition est un EP mystique, presque religieux. serpentwithfeet incarne un croyant faisant face aux épreuves de la vie, à ses doutes, et ses paroles sont autant de confessions et de prières pour surmonter ces obstacles. L’EP se clôt sur une déclaration d’amour sublime du chanteur à son devin, seul être à le comprendre et à la guider. La mélodie jouée par le piano, semblable aux airs des boîtes à musique de notre enfance, est tout simplement magnifique, et les harmonies vocales m’ont donné des frissons du début à la fin. Nul doute que cette chanson, Psychic, finira dans les moments forts de cette année 2020.


En cette période de confinement, qui rime bien trop souvent avec ennui et journées à rallonge, je ne peux donc que vous conseiller de consacrer ces quelques 8 minutes à l’écoute de ce projet. Célébrons la musique, célébrons le mystique.



  • En quelques mots : Communion mystique

  • Genre : R&B / Art pop

  • Coups de cœur : Psychic

  • Coups de mou : RAS

  • Coups de pute : RAS

  • Note finale : 7+

JLTBB
7
Écrit par

Créée

le 6 mai 2020

Critique lue 105 fois

1 j'aime

JLTBB

Écrit par

Critique lue 105 fois

1

Du même critique

Aller-retour
JLTBB
4

Rosé pamplemousse en soirée rooftop

Vendredi 6 juillet 2015, 18h32, Paris XVIème. Jean-Kévin finit d’ajuster sa ceinture tressée autour de son chino pourpre. Une forte odeur de musc imprègne sa chemise en lin blanche, comme pour mieux...

le 14 juil. 2019

25 j'aime

2

Sex in the City
JLTBB
3

Avant, j'aimais bien Lorenzo. Puis j'ai eu 13 ans.

Ce mec, c'est comme ton pote qui te tape sur l'épaule opposée pour te faire retourner dans la mauvaise direction. Ou qui te répète pour la quinzième fois la blague du nain qui prend la tête. Ou qui...

le 28 août 2019

17 j'aime

Music to Be Murdered By
JLTBB
3

Le petit Slim Shady a été retrouvé, il attend ses parents en caisse 18…

Eminem nous fait une Benjamin Button : à 47 ans révolus, le rappeur de Detroit n’a jamais semblé aussi proche de sa crise d’adolescence. Il gesticule, s’énerve, semble en vouloir au monde entier dès...

le 18 janv. 2020

15 j'aime

5