Oyez oyez, dames et damoiseaux, gentes lecteurs : venez écouter l’histoire d’Arielle la fée (à ne pas confondre avec la sirène, Nolwenn) ! Toute en cheveux d’or, les yeux bleus comme l’azur et la bouche en cul, cette fée possède l’incroyable pouvoir de ressusciter les morts. Ainsi, après avoir ébahi les Francs par la résurrection miraculeuse du troubadour Philippe Katerine (Glamour à mort, 2009) et celle plus confidentielle –quoique tout aussi intrigante- de Jeanette (Diva Latina, 2011), Belle Arielle décide d’escalader un peu plus la tourelle du sacré et de toucher les cieux : son prochain album sera avec Era, musicien glorieux du tournant du siècle et depuis médiatiquement mort et enterré. Voici donc comment la discographie d’Arielle se teinte d’idolâtrie, passant des chants révolutionnaires en hommage au Che aux chants pseudo-grégoriens à la gloire de dieu.

Mais que vaut donc cette nouvelle Evangile musicale selon notre Marie-Madeleine des has-been ? Afin de ne pas trahir la sainte pensée, le mieux est de vous livrer sa parole : ce nouveau disque est « un album de prières, motets, oratorios, cantates. De la musique mystique et symphonique […]. Ce projet puise son inspiration dans la ‘vraie foi’ qu’Arielle Dombasle a trouvée au Mexique au fil de ses voyages, et n’est rien de moins que l’accomplissement d’un rêve qui occupe ses pensées depuis fort longtemps. Plus qu’un simple disque, Arielle Dombasle by Era est une rencontre artistique et spirituelle entre Éric Levi (Era) et [elle], une ‘communion’ mystique et moderne dans laquelle la chanteuse s’est découverte ‘une nouvelle voix’. » Excitant, n’est-ce pas ? Ou hilarant, c’est selon. Car vous seriez fort avisés de revêtir votre plus épaisse armure de second degré avant d’exposer vos oreilles à ces divines mélodies. En effet, comme coincé dans une faille spatio-temporelle, Eric Lévi (a.k.a Era) n’a pas fait évoluer ses sons d’une seule note depuis son ascension du top 50 à la fin des années 90. Résultat, le tout sonne affreusement kitch et daté, à l’image de ces violons de kermesse en introduction d’« Ave Maria » ou, mieux, du clavier pouet-pouet et du clavecin-thétique de « Just Close Your Eyes ». Il faut cependant attendre « Don’t Take Pleasure of my Pain » pour atteindre l’extase sonore, celle magnifiquement illustrée par la pochette du disque : incantation religieuse tendance « dance machine », ce titre aura toute sa place dans votre playlist lors de vos prochaines soirées donjon.

Peut-on seulement reprocher à Arielle Dombasle, cette déesse du kitch, d’avoir pondu un album aussi grotesque ? N’est-ce pas au contraire ce que ses admirateurs attendent d’elle ? A en juger par la presque totalité de sa discographie, sans doute. S’il est une chose que l’on ne peut reprocher à madame Dombasle, c’est de faire les choses à moitié. Qu’elle se la joue vamp des années 50s ou, comme aujourd’hui, sainte extatique, elle se pare de tous les codes de l’univers choisi, sans peur du ridicule, du too much ou de la caricature. De quoi nous la rendre presque sympathique. On s’amusait même à suivre ses différents retours et métamorphoses, en se demandant quel producteur plierait son univers aux fantasmes de la dame. Oui mais voilà, malgré la photo de couverture et le titre de l’album qui laissait espérer un portrait de la déesse par le DJ, cette dernière est terriblement absente de son propre album. « Arielle Dombasle by Era », pas vraiment, mais plutôt un best-of Era featuring Arielle Dombasle. Que sa petite voix fluette soit vocodée et dédoublée afin de coller à l’atmosphère d’église de rigueur, on ne s’en plaindra pas. Mais elle est bien souvent noyée, reléguée à l’arrière-plan, laissant penser qu’Arielle Dombasle n’est qu’un instrument parmi d’autres (voire très secondaire) dans le délire cathédralistique de monsieur Lévi. « Sins » en est l’exemple le plus évident. Par ses vagues de chœurs monastiques et sa boîte à rythme, cette chanson est une définition parfaite du projet Era et l’on en vient à oublier la pauvre Arielle. Les amateurs de la dame, seules personnes potentiellement intéressées par un tel projet, seront donc probablement déçus.


Cet album en bref : l’improbable (et dispensable ?) rencontre entre les minauderies de diva du fond des âges de Nolwenn Leroy et la pop-à-pédé désuète de Mylène Farmer. On admire l’audace, moins le résultat.
CLaze
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le 4 mai 2014

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