Beatles for Sale
6.7
Beatles for Sale

Album de The Beatles (1964)

Souvent considéré comme l'album le moins réussi de leur carrière, Beatles for Sale est pourtant un album qui m'amuse assez et que j'aime à écouter. Il faut dire qu'il m'apparaît comme une version améliorée de Please please me. La raison en est bien simple : Les Beatles, en 1964 font un retour en arrière en réalisant un album de 14 titres, dont seulement 8 originaux. Le retour des reprises, le retour vers des morceaux également très simples dans la compositions, un rock sans grande originalité, tant d'éléments qui donnent le sentiment d'un album fait rapidement mais sans prétention.
Si on parle souvent de « morceaux de remplissage » dans le milieu musical pour parler de titres simples, dont le seul but est de justifier le nombre de piste d'un album, et qui seront ensuite oubliable, les Beatles inventent avec Beatles for Sale une nouveauté incroyable : l'album de remplissage. Fait unique dans l'histoire de la musique ? Se permettre de sortir un album uniquement pour sortir un album, sans aucune recherche artistique ou musicale, sans justification réelle autre que l'argent, si ça ce n'est pas la preuve du succès des Beatles.
Succès qui commencent, eux-même à légèrement les blazés. C'est par ce détail et d'autres plus fins qu'on peut, cependant, voir dans Beatles for Sale une annonce des albums futurs.


En effet, il ne faudrait surtout pas tout jeter dans cet album. Déjà, je parlais de version améliorée de Please please me. Pourquoi améliorée ? Parce que le son est là. On a le droit à un mixage sonore particulièrement agréable et réussie. Le son est beau, doux, mélodieux. Pour son travail sonore, Beatles for Sale montre la nette évolue du groupe moins de 2 ans. Enfin du groupe et des studios.
De l'autre côté on a le droit à quelques bonnes idées et quelques bons morceaux.
Les deux fusionnant sous la forme de Eight Day a Week. Titre rock, entrainant. On sent bien le travail commun de Lennon et McCartney, le double chant, le rythme qui fait danser. Puis on a également le droit à un bon fade in pour introduire le morceau. Certainement un des titres dont il faudra se rappeler.
L'album marque également le début des chansons autobiographiques de Lennon avec un regard plutôt négatif sur lui. On a pour cela I'm a Loser et I don't want to spoil the Party. La première marque bien le regard ambigüe que John porte sur lui, bien avant Nowhere Man. Titre sympathique, efficace, on se prend d'affection pour la chanson sans grande difficulté. On notera également l'évolution vers le folk, grâce à ce genre de titre ainsi que la ligne de basse bien sympathique.
Il faut dire que I'm a Loser suit au moyen No Reply. Si le titre a la bonne idée de parler d'une chanson d'amour qui échoue, avec notamment une tromperie subit par le narrateur, on est cependant dans un morceau où les couplets n'ont pas d'autre utilité que de raconter l'histoire et où les refrains, bien que marquants, se révèlent sans profondeur textuelle. No Reply est également oubliable immédiatement pour ce qui concerne la musicalité. Cependant, il arrive à donner envie d'écouter l'album et par cela, réussie son ouverture, même si, dans le même temps, il incarne parfaitement le peu de qualité dont cet album sera dépositaire.
De son côté I don't want to spoil the Party n'est pas mauvais, mais n'offre pas grand chose non plus. L'intérêt des paroles vient entièrement des paroles car, si le morceau n'est pas musicalement mauvais, il est d'une neutralité effrayante sans aucune forme d'intérêt véritable.


Baby's in Black mérite bien son titre car le morceau est plutôt sombre. Malheureusement il n'est pas convaincant et montre parfaitement le manque d'évolution du groupe qui se limite à un morceau pour midinette. Aucune profondeur réelle et un des rares morceaux où Harrison offre même un solo minable, dégueulasse même … Plus qu'oubliable, c'est certainement « à oublier » tant je ne supporte pas l'idée que George se soit raté à ce point (malgré un refrain vaguement marquant, mais respirant bien trop le « Beatles de base »).
De manière amusante, on a juste après I'll follow the sun, une petite ballade écrite par McCartney alors qu'il n'avait que 16 ans. Si le morceau ne fut pas enregistré entre temps, c'est à raison. Malgré quelques vagues bonnes idées, le morceau ne tient absolument pas la comparaison avec le reste de la discographie des Beatles. Pas assez mélancolique, ni assez douce, pas assez variée, le titre, très pauvre n'est pas tombé tant que ça dans l'oublie puisque son propre compositeur la reprend sur scène depuis une décennie maintenant. Mais outre cela, rien n'est à retenir de ce titre.


De manière amusante, Every Little Things devait être un single et ne fut, finalement qu'un vague échec car le morceau n'a guère de magie. Et l'histoire ne s'en rappellera pas. Pourtant, malgré le creux absolu de ses paroles (et surtout très amusantes quand on se rappelle la vie amoureux de Paul), le titre me paraît intéressant par son refrain où le piano et les timbales apportent une vraie âme nouvelle au morceau. On est pas que dans du simple remplissage même si les principaux intéressés ont considéré Every Little Things comme rentrant dans cette catégorie. Mal aimés par tous, ce morceau me séduit dès qu'on arrive au refrain et reste, non pas une pépite, mais un petit amour sympathique.
Enfin, dernière composition du duo infernal Lennon/McCartney, What you're doing n'a … Comment dire ? Rien. C'est pas moche, mais c'est pas intéressant. Point. On passe, on oublie. Je crois que de tous les morceaux des Beatles, on est dans le top 10 des titres oubliables.


Du côté des reprises, c'est un peu à l'image de l'album. Il y a beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, de titres de remplissages sans grand intérêt, voir raté dans la réalisation. Au hasard Mr. Moonlight, qui succède en prime à I'll follow the Sun (autant dire que c'est le moment où l'on réalise que Beatles for Sale n'est pas le disque de la décennie). Reste, peut être, vaguement, le solo d'orgue, et encore …
Enfin Words of Love donne bien envie de frapper des gens tant c'est répétitif et peu inspiré. Désolé à Buddy Holly, mais je pense que lui le premier aurait aimé se passer d'une reprise montrant le peu d'inspiration des Beatles. On est, là encore, dans le répétitif sans intérêt, sans saveur réel. Du pur remplissage. Cela dit, l'intérêt du morceau est de voir l'évolution entre les mauvaises pistes de Beatles for Sales et celle, lointaine déjà, de Please please me.


Heureusement, les 4 autres reprises ne sont pas mauvaises, sans pour autant être toutes légendaires.
Par exemple, le Medley Kansa City/Hey, Hey, Hey, Hey est bon petit rock, expresse, efficace, sentant le live. Un peu comme sur Please please me, les Beatles donnent un sentiment de live à l'album avec ce genre de morceau qui sonne totalement live. Pas incroyable mais bien sympathique quand même.
Dans le même genre on a Everybody's trying to be my Baby avec Harrison au chant. Rock basique de Carl Perkins, les Beatles ne peuvent renier cette influence efficace et plaisante. Là encore on est dans un titre dansant et séduisant. Si tous les remplissages pouvaient avoir ce niveau, je serais le plus heureux des fans.
Vu qu'on est dans la catégorie « chanté par un autre que Paul et John », comment ne pas parler du petit rock sympa Honey don't ? John l'assurait en concert, il l'a donné à Ringo pour lui offrir son traditionnel morceau de chant. Et merde, que c'est bon ! La voix de Ringo est toujours un grand moment dans l'album, mais là je pense qu'on est face à une des meilleures pistes chantées par le batteur. Un bon rock, qui s'assume et s'impose avec brio. Une de mes pistes préférées.
Enfin comment ne pas en parler ? Rock and Roll Music est un des classiques du groupe en concert. La parution sur album est une suite logique et Chuck Berry ne pourra être que fier d'une telle reprise. En réalité, ce titre est potentiellement LE temps fort de l'album. C'est dire ! Ca balance la sauce comme rarement.


Il est évident que Beatles for Sales n'est pas le plus grand succès des Beatles. Ce n'est même pas un grand album. C'est un disque que l'on qualifie d'oubliable et, malgré les énormes soucis, l'impression de remplissage, ce n'est pas un album à oublier. Car c'est dans cet album que l'on découvre le talent de parolier de John. Rien que pour ça c'est à souligner.
L'album souffre effectivement de son retour arrière, de nombreuses reprises, mais il a de la magie quand même par moment. Derrière les morceaux médiocres (Baby's in Black, I'll follow the Sun, Mr. Moonlight, Words of Love, What you're doint) qui représentent une part non négligeable de l'album, il faut le dire, il y a quelques très bonnes idées (I'm a loser, Eight days a week, Rock and Roll Music) et du bon remplissage (No Reply, le Medley, Honey don't, I don't want to spoil the Party et Everybody's trying to be my Baby, Every little Things).
Donc s'il vous plait, n'oubliez pas cet album, dans le fond, il ne le mérite pas.

mavhoc
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le 11 nov. 2015

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