Ce que l'on pourrait reprocher au Stones dans leur début de carrière, c'est qu'ils avaient souvent un train de retard... Témoin de la montée du rock psychédélique et de l’émergence du flower power, et probablement impressionnés par le "Sgt. Pepper's" des Beatles, nos gars ne savaient pas trop comment parvenir à leurs fins pour devenir le plus grand groupe de rock de tous les temps. Pour atteindre ce but, surfer sur la vague psychédélique, sur le papier ça avait de la tronche... sauf que leur "Satanic Majesties Request" au bout du compte faisait bien pale figure face au "Sgt. Pepper's" de leurs meilleurs ennemis.
En 67, les Stones se cherchent et se perdent parfois en route, car au moment où ils composent "she's a rainbow" et se mettent des fleurs dans les cheveux pour coller à l'utopie douce du moment, ils n'ont semble-t-il pas senti que ce "flower power" avait déjà du sacré plomb dans l'aile. Au Monterey Pop festival, les Who et Hendrix rivalisaient de sauvagerie dans un face à face dantesque où la destruction était le maitre mot devant un parterre de hippies déroutés par tant de violence. Pourtant l'âme des Stones était là, dans l'outrance, la sauvagerie, la révolte, mais ça, ils ne le savaient pas encore.
Cette prise de conscience arrive avec "Beggars Banquet" fin 68. Nos Stones reviennent à leurs fondamentaux et livrent le disque parfait pour l'époque. Seulement il y'a une ombre au tableau. L’outrance stoniene pose problème, et leur pochette crado de chiottes ne passe pas, la sortie de l'album prend donc du retard. Entre temps, les Beatles eux, sortent leur album blanc. Pendant que les Stones lâchent l'affaire et acceptent de sortir leur tuerie avec une autre pochette... Une pochette toute blanche. comme celle des Beatles... Sérieux les gars? Vous tendez le batôn pour vous faire fesser, c'est pas possible autrement!! Évidement, ça fait jaser et la comparaison Stones/Beatles reprend de plus bel un détriment des premiers que l'on continue à voir comme des suiveurs.
Mais il faut vraiment ne pas avoir écouté "Beggars" pour le comparer à l'album blanc. Les Stones ont trouvé leur propre route, loin des Beatles qui aiment se voir plus populaire que Jesus et se plaisent à croire que leur musique les fait virevolter avec les dieux. Les Stones sont ailleurs avec cet album, ils ont trouvé leur place dans les caniveaux, les chiottes crades et dans les rues mal famés avec le peuple. "Beggars" met un coup de canif décisif dans la pretty face du rock que les Beatles ont contribué à lisser, et le sang qui gicle, les stones le laisseront couler avec l'album suivant.