Benzine
Benzine

Album de Franck Vaillant (2005)

Franck Vaillant – Benzine (2005)


On retrouve ici la série « Signature » de Radio France, sur le cello entourant l’album figure un petit autocollant sur lequel est écrit « électronique », une indication à destination de l'acheteur pour l'avertir de ce qu’il trouvera sur le Cd, une façon de prévenir ou de mettre en garde, pourtant la musique n’est en aucun cas réductible à cette simple annotation, même si ça n’enlève en rien sa pertinence.


La preuve, ces invités qui parcourent les territoires jazz et qu’on entend ici, au fil des pièces, Guillaume Orti ou Denis Guivarc’h et leur sax alto, Benoît Delbecq au piano, José Séguido à la guitare, Yves Robert au trombone et Jenfi Morel à la contrebasse. Les musiques sont jumelles ou cousines, se combinent, passent de l’une à l’autre en dessinant une autre histoire, contemporaine, qui croise les influences.


Quelque chose d’industriel aussi avec ce grand poster qui contient une photographie qui présente des blocs de béton et des immeubles en construction, et puis ces mots choisis : « Franck Vaillant a fabriqué la musique », comme si la musique était un chantier comme un autre, une construction parmi d’autres, une parcelle industrielle…


Du coup on retrouve sans surprise un mélange de « fieldrecording » qui ne va pas dans les champs, mais plutôt dans la ville, dans l’activité industrielle ou dans les bruits de la nuit, qui se combine à un traitement électronique où les machines moulinent, rythment et fabriquent le son, avec de temps à autres de vrais « musiciens » avec leur instrument qui apportent un peu de chair et de sang.


Ainsi il y a pas mal de variations sur cet album, entre les pièces ayant encore du corps et de l’âme, et celles réduites au bon vouloir de la machine, parmi celles-ci, beaucoup sont rythmées et un cœur bat encore, mais d’autres sont plus froides et la vie s’en échappe…


La pièce « Dans l’univers » est singulière, en effet Arthur Higelin, avec sa voix chaude et profonde nous interpelle l’espace de trois minutes « Satellite obscur qui dévale le vide, grappe d’aluminium étincelant dans ton théâtre solitaire, cheval stroboscopique … » une plongée énigmatique et poétique dans l’inconnu…


Des vignettes constellent ainsi l’œuvre et lui donnent une sorte d’immatérialité conceptuelle, dans une échelle mondiale ou interstellaire, comme appartenant à l’espace et au temps, à un ailleurs qui a dépassé l’échelle humaine, même si, çà et là, la vie subsiste encore, voix ou cris d’animaux, réels ou immatériels.


Un texte extrait de « Son » de John Cassavetes offre des clefs d’interprétation d’ordre philosophique au travers d’interrogations ou de réflexions du genre « on ne peut pas avoir que des nuls, comme si tout le monde devrait être au même niveau… » avant d’évoquer la grâce de Garbo…


Reste la musique, soixante minutes ici qui n’ennuient pas, même si quelques brefs passages peuvent sembler crispants ou inconfortables, le côté « indus » étant parfaitement assumé, particulièrement dans les deux dernières pièces, mais l’album en compte quatorze, ce qui laisse venir. « Serving Suggestion » qui clôt l’album et annonce un peu plus de cinq minutes, comprend une partie silencieuse et fonctionne à la façon d’une « chanson cachée », lorsqu’elle se termine l’indication « 60:00 » apparaît sur le lecteur, pas de place au hasard ici.


xeres
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le 4 déc. 2022

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