Que ceux qui s'attendaient à pléthore de créations originales ne soient pas (si) déçus, ce nouvel album des Rolling Stones, composé uniquement de reprises des grands maîtres du blues des années 50 et 60, est l'un des albums les plus réussis de Mick Jagger et sa bande depuis "Bridges To Babylone" (1997). Pour tout fan des Stones connaissant leur précoce fascination et amour pour le blues, "Blue & Lonesome" a tout du disque hommage pas gnan gnan et sacrément intéressant.


Annoncé par Keith Richards comme un opus très blues, il nous transporte instantanément dans l'ambiance du Chicago des années 50 telle qu'on se l'imagine. Mais aussi dans le Londres des années 60 quand quatre rockeurs anglais en devenir et mordus de blues ont vu leur destin scellé par un vinyle de Muddy Waters. On s'étonne d’ailleurs que ce dernier ne figure pas parmi les artistes repris sur cet essai tant il a inspiré le groupe.


Enregistré en trois jours en décembre 2015 aux British Grove Studios de Londres, ce vingt-troisième effort studio arrive onze années après son insipide prédécesseur, "A Bigger Bang" (2005). Prévu à la base comme un disque de nouvelles compositions, un petit échauffement sur "Blue And Lonesome" de Little Walter aura finalement guidé le quatuor dans une autre direction. Keith Richards venait tout juste de sortir son troisième album solo, "Crosseyed Heart", le blues s'est donc plus que jamais imposé aux Stones. Les Britanniques se réapproprient les morceaux d'Howlin'Wolf, Little Walter ou encore Little Johnny Taylor sans les dénaturer le moins du monde mais sans se contenter de les copier non plus. Le son est brut et chaque morceau est travaillé tout en restant spontané.


"Commit A Crime" semble un peu plus rugueuse chantée par Jagger mais conserve cette âme qui en fait toute la singularité. Tandis que la superbe "Blue And Lonesome" aux sonorités mélancoliques et hargneuses à la fois, prend aux tripes avec ses paroles suppliantes. Si la version originale bénéficiait de la voix poignante et habitée de Little Walter, Keith Richards impose la patte Stones. Ce qu'il fait aussi sur "Hoo Doo Blues", qui ne dépare pas des chansons du quatuor. Le chant de Mick Jagger se révèle bien meilleur sur "Everybody Knows About My Good Thing", sur laquelle le grand Eric Clapton, qui enregistrait dans le studio à côté ce jour-là, ajoute sa guitare (comme sur "I Can't Quit You Baby"). Les premiers couplets sont différents de ceux de la version originale et cela fait partie des rares variations de l'album, qui reste majoritairement très fidèle aux morceaux originaux. Roi sur les chansons de l'immense harmoniciste Little Walter, l'harmonica domine l'ensemble du disque et Mick Jagger semble de mieux en mieux maîtriser l'instrument.


En somme, un album sincère qui donne envie de se replonger dans la discographie de ces talentueux bluesmen et qui touchera tous les fans attachés aux premiers émois d'une bande de jeunes Anglais avant qu'ils n'entrent dans la légende.

Neelic
8
Écrit par

Créée

le 20 déc. 2016

Critique lue 701 fois

1 j'aime

2 commentaires

Neelic

Écrit par

Critique lue 701 fois

1
2

D'autres avis sur Blue & Lonesome

Blue & Lonesome
XavierChan
5

Critique de Blue & Lonesome par XavierChan

La page est tournée, les Stones se mettent à faire un skeud comme Dylan. S'il est concevable aujourd'hui de mettre des standards de grands crooners des fiveties interprétés par Dylan ces trois...

le 5 déc. 2016

5 j'aime

Blue & Lonesome
GuillaumeL666
6

Mick Jagger chante le blues

La pochette n'est pas très belle, mais le disque s'écoute bien. Le problème, c'est qu'il n'y a rien de marquant là dedans. C'est beau de se remettre au blues, mais moi ça m'ennuie beaucoup, malgré de...

le 4 sept. 2017

2 j'aime

Blue & Lonesome
Skipper-Mike
7

Critique de Blue & Lonesome par Skipper Mike

Pour leur premier album studio après une pause de onze ans, les Rolling Stones ne prennent aucun risque et se contentent d’enregistrer douze reprises de blues, soit précisément ce qu’ils savent faire...

le 10 oct. 2017

2 j'aime

1

Du même critique

Mini Album Thingy Wingy
Neelic
7

Mini album pour mini surprise

Le prolifique Anton Newcombe revient avec un quinzième album “Mini Album Thingy Wingy“. Coproduit avec Fabien Leseure et enregistré à Berlin, il mérite peut être le prix de pire titre d’album de...

le 13 déc. 2015

4 j'aime

1

Not to Disappear
Neelic
8

Intriguant de beauté

Deuxième round pour le trio londonien. Trois ans après l’envoûtant "If You Leave", Daughter revient avec "Not To Disappear", véritable petit bijou. Premier morceau de cet opus, "New Ways" donne le...

le 25 janv. 2016

3 j'aime

Anthems for Doomed Youth
Neelic
9

Un rock anglais fougueux et loin d'être condamné

Carl et Pete se sont réconciliés. Doherty, sorti de cure, est enfin sobre pendant ses concerts (cf. Rock En Seine). Bref, The Libertines, après douze ans d'absence et des carrières solo plus ou moins...

le 2 oct. 2015

3 j'aime

2