Catharsis
7.1
Catharsis

Album de Somaticae (2013)

A chaque kick suffit sa peine.

Si vous aviez suivi l'actualité des musiques électroniques en 2014, alors je n'ai nullement besoin de vous rappeler l'existence du label parisien In Paradisum. Mais pour ceux qui dormaient, qui n'ont pas suivi le phénomène, ou encore ceux qui ne lisent que les Inrocks, voici ce que j'en ai à dire en deux mots : fondé en 2011 par Guillaume Heuguet et Paul Régimbeau (Mondkopf/Extreme Precautions), In Paradisum s'est révélé au grand public l'année dernière avec les sorties de l'album de Mondkopf, Hadès, puis de I d'Extreme Precautions. Gros succès critique à la clé (I finira dans le top de fin d'année du site The Quietus), leur nom est désormais murmuré partout, ou en tout cas psalmodié par leurs adorateurs. Mais en dehors de ces deux disques acclamés, qu'est capable de proposer In Paradisum ? Pour le savoir, remontons à la source du label, l'album Catharsis de Somaticae.

Tu es, cher lecteur, sans nul doute un être extrêmement cultivé à qui je ne ferai pas l'affront de ré-expliquer le principe aristotélicien de la catharsis. Cela étant dit, passons dès lors sans transition à ce qui nous intéresse le plus : la musique. Concept oblige, on a ici affaire à une oeuvre sombre et torturée, se présentant selon les mots même de l'artiste comme une série de dix abstractions bruitistes ordonnées et souvent brutales. Force est de lui donner raison, il apparait difficile ici de catégoriser l'oeuvre, tant celle-ci se nourrit d'influences variées. Essayons tout de même. En premier lieu, un bagage techno assumé sert de squelette aux différents morceaux, avec des kicks toujours présents, particulièrement sur le très sismique The Leviathan, qui constitue la colonne vertébrale de l'album. Viennent ensuite drones, cris, et autres joyeusetés, qui servent à habiller ce squelette inhumain de percussions brutales, et qui contribuent à sortir l'oeuvre du pur délire technophile. Sur fond de ces deux grandes tendances, Catharsis aurait pu s'inscrire dans la lignée de ces destructeurs de dancefloor adeptes d'une techno qui rejoint la musique industrielle et la noise, comme les anglais Perc et Emptyset.

Cependant, là ou Emptyset privilégie le puissant coup de massue sur l'occiput, Somaticae a lui choisi de faire dans la torture psychologique, enfermant l'auditeur dans une sphère de douleur où nulle lumière ne pénètre, à grands coups de hurlements et de niveaux de feedback au delà du supportable. Cela ne signifie nullement que l'aspect physique est absent, Catharsis est capable de coucher un dancefloor instantanément, et les scaphandriers adeptes des profondeurs techno trouveront leur bonheur avec les trésors immergés que sont The Leviathan ou encore The Spectator. Mais là où le jeune français déploie vraiment tout son talent, c'est lorsqu'il invoque des abysses bien plus malsains, comme sur Lamentations II et Abrupt I, lequel rappelle les productions terrifiantes de The Haxan Cloak. Alors certes l'album est assez inégal, mais il est court et est en réalité à écouter d'une traite, si jamais vous l'osez. Cette catharsis n'a peut-être pas eu le même succès que les lamentations de l'ange déchu proposées par Mondkopf mais une chose est sure : avec In Paradisum, pour reprendre leur devise, à chaque nuit suffit sa peine.
Gweilo
7
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le 25 févr. 2015

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